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Déclaration des organisations de défense des droits de l’homme sur la situation des ressortissants subsahariens en Algérie. Les organisations et structures de défense des droits de l’Homme signataires de la présente déclaration ont suivi avec consternation l’opération d’expulsion à grande échelle de migrants subsahariens vivant à Alger. Selon diverses sources, […]
Déclaration des organisations de défense des droits de l’homme sur la situation des ressortissants subsahariens en Algérie.
Les organisations et structures de défense des droits de l’Homme signataires de la présente déclaration ont suivi avec consternation l’opération d’expulsion à grande échelle de migrants subsahariens vivant à Alger. Selon diverses sources, plus de 1400 migrants dont des enfants et des femmes enceintes, ont été victimes de déplacement forcé à Alger dont plus de la moitié a été expulsée à partir de Tamanrasset, au cours de la première semaine de décembre 2016.
Cette vague d’expulsions massives de subsahariens est la réponse improvisée du gouvernement algérien aux desiderata de l’UE et aux demandes de rapatriement de leurs ressortissants de certains pays d’origine. Rappelons qu’en ce qui concerne les nigériens, depuis 2014, environ 18.000 migrants en majorité des femmes du département de Kantché ont été rapatriés au Niger, à la requête des autorités politiques en place.
Les rafles au faciès menées avec brutalité par les forces de sécurité algériennes (police, gendarmerie) ont de relents racistes et xénophobes. Selon la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) qui a dénoncé dans un communiqué publié le 2 décembre « ces arrestations massives et la gestion policière exclusive de la question migratoire en Algérie”, les migrants ont été extirpés de leurs domiciles et sommés de monter dans des bus qui les ont déversés dans un camp insalubre à Zeralda, à 35 km à l’ouest d’Alger. C’est à partir de cet endroit dénué de services d’accueil qu’ils ont été embarqués à destination de Tamanrasset à environ 1900 kilomètres de la capitale algérienne. La plupart d’entre eux ont été expulsés vers le Niger à bord de camions de transport de marchandises.
En Algérie, la presse locale évoque le chiffre de 50 camions qui auraient quitté pour la frontière nigérienne. Au Niger, l’association Alternative Espaces Citoyens confirme l’arrivée le 7 décembre 2016 à Agadez, dans le Nord du Niger, de 29 camions avec 989 migrants à bord dont 2 camions contenant leurs bagages.
Parmi les expulsés, on y recense différentes nationalités ouest-africaines dont 266 maliens, et 179 nigériens. Dès le lendemain, les nigériens et les maliens ont été embarqués dans des bus à destination de leurs régions d’origine pour les premiers et de leur pays pour les seconds.
Plusieurs sources indiquent que les migrants parqués à Tamanrasset auraient été libérés sans explication, mais aussi sans possibilité de quitter la ville, car les compagnies de bus ont reçu des instructions de ne pas les transporter en direction du nord du pays.
Selon des témoignages recueillis par les médias dont RFI, les migrants ne sont pas bien traités ; car exposés au froid, victimes de violences physiques et verbales. « Nous sommes traités comme des chiens à la moindre protestation» a confié l’un d’entre eux.
Au cours de cette chasse aux migrants, un haut responsable algérien, M. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH) a tenu des propos visant à dénigrer les ressortissants subsahariens vivant en Algérie, en les accusant de propager le SIDA et les MST, de s’adonner à la sorcellerie…
Ces propos et ces expulsions massives et brutales constituent des atteintes graves aux droits reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), notamment en ses articles 5 et 13 qui stipulent « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants » ; et que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. »
Les associations et structures signataires de la présente déclaration sont vivement préoccupées par les conséquences dramatiques de l’externalisation des frontières de l’Union européenne au Maghreb et au Sud du Sahara. Il faut le dire, la mise en œuvre par les gouvernements africains du plan d’action de la Valette se traduit chaque jour par des violations graves du droit à la mobilité et à la libre circulation de personnes.
Au Niger, par exemple, les restrictions inacceptables à la libre circulation dans les espaces CEDEAO (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et UEMOA (Union économique monétaire ouest africaine) doublées de rackets ont été documentées par la Commission nationale des droits humains (CNDH) à travers un film documentaire. Mieux, dans son rapport 2015-2016 sur l’état des droits humains présenté le 03 décembre 2016 devant l’Assemblée nationale, la CNDH/NIGER a dénoncé la violation de la liberté d’aller et de venir et demander aux Etats une gestion humanisée des flux migratoires.
Dans ce contexte régional marqué par des expulsions massives et refoulements aux frontières, en totale contradiction avec l’histoire de la libre circulation de personnes dans le grand Sahara, nous associations et structures signataires de la présente déclaration :
1 : Dénonçons avec force les propos racistes et xénophobes de M. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme en Algérie, organe institutionnel qui accuse les migrants subsahariens de propager le Sida et les MST en Algérie. M. Farouk Ksentini ne fait ni honneur à l’Algérie, ni à son peuple. Il doit être démis de ses fonctions.
2: Condamnons avec la dernière énergie, le mode opératoire des rafles d’étrangers, leur détention et leur reconduction à la frontière en dehors de tout cadre juridique et demandons à l’Etat algérien de se ressaisir et d’être respectueux de ses engagements vis-à-vis de l’Union Africaine dans le cadre des conventions internationales pour le respect des droits de l’homme. De telles pratiques doivent cesser.
3: Demandons l’arrêt immédiat de ce genre d’opérations, et interpellons les pouvoirs publics algériens comme ceux des autres pays de transit et d’accueil sur leur responsabilité d’assurer la sécurité des personnes étrangères, de respecter et de garantir les droits des migrants conformément aux standards internationaux des droits humains. Et de reconnaitre le rôle positif de la migration dans la vie économique de ces Etats.
4 : Exprimons notre profonde indignation face au silence complice, sinon coupable des dirigeants des pays d’origine des migrants dont certains comme le Niger qui encouragent l’expulsion et la maltraitance de leurs concitoyens qui ont pris la route de la migration pour fuir la misère, le chômage et pour les départs les plus récents la démolition de leurs commerces.
5: Réaffirmons notre solidarité envers les migrants, et notre ferme détermination à s’opposer par des moyens légaux aux violations de leurs droits, en cette veille de la célébration de la journée internationale des droits des migrants.
Les signataires :
Le collectif Loujna-Tounkaranké : Alternative Espaces Citoyens (AEC Niger), Association malienne des expulsés (AME, Mali), Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH, Mauritanie), Association des refoulés d’Afrique Centrale au Mali (ARACEM, Mali), La Cimade (France), Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES, Tunisie), Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM, Maroc), La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH, Algérie), Réseau des avocats de défense des droits de l’Homme (RADDH, Algérie), Réseau Migrations et Développement, (REMIDEV, Sénégal).
Le collectif des organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie (CODDHD, Niger).
Auteur: Pôle Europe et International
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