Réaffirmons notre rôle de vigie, défendons nos libertés
Il y a 40 ans, le gouvernement demandait à La Cimade d’être présente dans tous les Centres de ...
Outil privilégié de la gestion de l’immigration et de l’asile, l’enfermement des migrants ne cesse de se développer dans l’Union Européennes mais également à ses frontières méridionales et orientales. Les traitements inhumains et dégradants, conséquence directe des politiques et pratiques mises en œuvre, sont quotidiens.
Ces violations des droits restent largement cachées : tout est fait pour que ces lieux, et les personnes qui y sont enfermées, soient tenus à l’écart de la société civile et des médias.
« Camps d’étrangers en Europe : Ouvrez les portes ! On a le droit de savoir ! »
Outil privilégié de la gestion de l’immigration et de l’asile, l’enfermement des migrants ne cesse de se développer dans l’Union Européennes mais également à ses frontières méridionales et orientales. Les traitements inhumains et dégradants, conséquence directe des politiques et pratiques mises en œuvre, sont quotidiens.
Ces violations des droits restent largement cachées : tout est fait pour que ces lieux, et les personnes qui y sont enfermées, soient tenus à l’écart de la société civile et des médias.
Notre campagne de visites organisée du 26 mars au 26 avril 2012 a d’ailleurs permis de démontrer, une fois de plus, une volonté évidente des autorités de contrôler, voire d’empêcher ce regard extérieur qui inquiète [1] .
Interpellée par sept parlementaires européens en mars 2013 [2] au sujet de « l’accès des organisations non gouvernementales (ONG) et des médias aux centres de rétention et au droit à l’information », la Commission Européenne vient de rappeler [3] que « le refus répété, sans justification objective, d’autoriser les visites de centres de rétention porterait atteinte au droit des ONG consacré par l’article 16, paragraphe 4, [de la Directive « retour »] et pourrait être considéré comme une violation ».
Une campagne de visites parlementaires a été lancée le 24 avril dernier au Parlement Européen, en soutien aux revendications de la campagne « Open Access ». Plusieurs parlementaires se sont mobilisés pour effectuer des visites afin de renforcer la vigilance, de souligner la nécessaire transparence de ces dispositifs, et de donner plus de visibilité aux problèmes liés à la détention des migrants : il s’agit par ces visites, d’encourager l’évolution des législations européenne et nationale dans le sens du respect des droits de l’Homme.
Si les États refusent le plus souvent l’accès de ces centres aux journalistes, celui des associations est soumis à des règles très restrictives et mêmes les visites des élus sont parfois limitées. La campagne de visites menée cette année ne fait pas exception.
Le bilan jusqu’à présent est loin d’être satisfaisant, au contraire.
Refus d’accès basés sur des prétextes et manque de réponse de la part des administrations sont bien souvent les marques d’une volonté des États de laisser l’enfermement des migrants à l’écart des préoccupations citoyennes.
En France, le 13 mai, Hélène Flautre (MEP – Verts, France) a effectué seule une visite du centre de rétention du Mesnil-Amelot, les deux journalistes qui l’accompagnaient n’ayant pas été autorisés à entrer. Au Mesnil, l’incompréhension des retenus vis-à-vis de leur rétention a été palpable et la détérioration des locaux pourtant très récents est particulièrement inquiétante. Plus encore le sont les expulsions d’étrangers malades ou les difficultés de contester la mesure de privation de liberté [4].
De même, le 28 juin dernier, au centre de rétention de Marseille et sur décision du ministère de l’Intérieur, l’accès de deux journalistes a été refusé. Marie-Christine Vergiat (MEP – GUE/NGL, France) et Isabelle Pasquet (sénatrice CRC des Bouches du Rhône) sont donc rentrées seules [5] dans ce centre qui a connu des incidents à plusieurs reprises, notamment un incendie en mars 2011 et l’hospitalisation d’une migrante en état critique en juillet 2012. Dans ce centre, les migrants n’ont pas d’accès libre aux fontaines d’eau mais surtout, la pratique de l’isolement est couramment utilisée sans le moindre avis médical, y compris pour des motifs psychiatriques.
Pourtant, sur l’accès des journalistes, le ministère de l’intérieur s’était dit prêt, le 4 juin dernier , à ouvrir l’accès des lieux d’enfermement des étrangers aux journalistes. Les modalités concrètes de cet accès ne sont pas encore connues, mais nous ne pouvons que regretter que les refus opposés aux journalistes ces dernières semaines ne traduisent cette volonté annoncée.
Le 16 juillet prochain, Sylvie Guillaume (MEP – SD, France) se rendra au centre de rétention de Lyon. Elle tentera elle aussi d’être accompagnée de journalistes.
En Espagne, le 10 mai, organisations et journalistes n’ont pas pu accéder au centre d’internement des étrangers (CIE) d’Aluche (Madrid). L’entrée a uniquement été accordée aux représentants politiques, Raül Romeva i Rueda (MEP – Verts, Espagne), Ska Keller (MEP – Verts, Allemagne), Ulrike Lunacek (MEP – Verts, Autriche) et Mauricio Valiente (parlementaire autonome Madrid, IU). Seul un représentant associatif a été autorisé à entrer mais a refusé d’accéder afin de dénoncer les conditions d’accès et de soutenir les autres membres associatifs et nombreux journalistes laissés à la porte.
Au CIE de Barcelone (visite le 28 juin), plusieurs députés ont pu entrer, Carmen Romero Lopez (MEP – GUE, Espagne), Dolos Camats i Luis (parlementaire autonome, ICV-EUiA), Gemma Calvet Barot (parlementaire autonome, ERC), David Fernandez i Ramos (parlementaire autonome, CUP). Les médias ont de nouveau été empêchés d’entrer.
Ces centres ont déjà fait l’objet de diverses dénonciations concernant les abus dont ont fait l’objet les détenus. L’opacité perdure alors que le 27 juin, le « juge de contrôle » du CIE de Barcelone consacrait le droit des ONG et des avocats à accéder aux lieux d’enfermement .
En Italie, pour refuser l’accès des ONG à cinq aéroports, le ministère a considéré que les étrangers en attente de refoulement sont « hébergés » dans les locaux de la police aux frontières le temps nécessaire à la mise en place de celui-ci. Ces lieux ne seraient donc pas des lieux de rétention et les règles concernant l’accès des associations ne s’y appliqueraient pas. Or, il est pourtant clair que les migrants y sont privés de liberté et que ces lieux en ont bien la fonction. Finalement, trois aéroports seront visités, à Rome, Palerme et Bari, mais uniquement par des parlementaires puisque l’interprétation des autorités laisse peu d’espoir à la société civile.
Le « monitoring » des « centres d’identification et expulsion » (CIE) dans le cadre de la campagne nationale « LasciateCIEntrare » poursuit. Y participent avocats, journalistes, représentants de la société civile et, depuis quelque temps, conseillers régionaux et municipaux. Une visite du centre de Ponte Galeria (Rome), le plus important d’Italie en termes de capacité (360 places), par le Président de la Commission spéciale pour les droits humains du Sénat est prévue dans les prochains jours. La campagne est également engagée contre la réouverture des CIE de Santa Maria Capua Vetere (Caserte) et Palazzo San Gervasio (Potenza), fermés en 2011.
En Belgique, Marie-Christine Vergiat avait demandé à visiter le centre fermé de Bruges le 20 juin accompagnée par une journaliste de la RTBF (radio-télé publique belge francophone). L’Office des Étrangers lui a refusé la possibilité d’être accompagnée d’un média. Elle est donc entrée seule dans le centre dont l’atmosphère et le régime sont particulièrement carcéraux. Les migrants n’ont aucune intimité, ils doivent rester dans les espaces communs la journée et dorment à vingt dans des petits dortoirs. Les familles y sont séparées.
Au-delà des conditions d’accès, après les visites organisées en 2009 et 2011 et 2012 , on constate que la situation dans les camps d’étrangers est globalement inchangée : des conditions de détention qui rappellent le système carcéral et des atteintes aux droits fondamentaux (accès aux soins, demandes d’asile, assistance juridique, contrôle de la privation de liberté par un juge).
Au Liban, Migreurop a déposé des demandes d’accès à deux prisons (Roumieh et Zahlé) et un poste de police (Adlieh) où de nombreux migrants sont enfermés et attend actuellement des réponses. L’enjeu est particulièrement important.
En effet, selon les chiffres du ministère de la justice, en 2012, 10% des personnes incarcérés dans les prisons libanaises l’étaient pour entrée ou séjour illégal. La prison de Roumieh a particulièrement fait parler d’elle en 2011 lors de révoltes violentes qui ont eu lieu à l’intérieur. Les conditions de détention y sont difficiles compte-tenu de la surpopulation carcérale (près de 2400 détenus pour une capacité officielle de 1300 places). A Zahlé, il s’agirait de visiter la prison pour femmes afin d’étudier les conditions et problèmes spécifiques des femmes migrantes en prison.
De plus, des centaines de migrants dits illégaux sont enfermés dans un poste de police situé au cœur de Beyrouth, utilisé en violation de la loi comme un lieu de détention de longue durée. 500 à 600 personnes sont entassées pendant des semaines voire des mois dans des cellules sous un pont, sans lumière du jour et air extérieur tandis que les formalités de retour ou d’expulsion sont en cours. Les conditions de détention y sont déplorables et l’accès des avocats, de la société civile et des journalistes y est tout à fait restreint.
D’autres visites sont envisagées pour juillet et septembre dans ces pays mais également en Allemagne, à Chypre, en Bulgarie.
Le compte-rendu détaillé de cette nouvelle campagne de visites, tant du point de vue de l’accès, que du point de vue de conditions de détention, sera rendu public en septembre.
Campagne de visites 2012 : Des entraves au droit de savoir, 10 mai 2012 – communiqué de fin de campagne.
Auteur: Service communication
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