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Campements de migrant·e·s à Paris : Quand l’État défait d’une main ce qu’il fait de l’autre !

29 mai 2018

C’est devenu désormais un indigne rituel coutumier depuis 3 ans : la pénurie de places d’hébergement contraint des milliers d’exilé·e·s à dormir à la rue dans l’une des villes les plus riches de la planète.

Au fil des semaines et des mois des campements de fortune grossissent jusqu’à atteindre une taille suffisamment critique pour que les pouvoirs publics s’en émeuvent. Ils décident alors d’évacuer leurs occupant·e·s vers des hébergements plus ou moins temporaires et précaires … jusqu’au prochain recommencement.

Plusieurs explications naturelles viennent à l’esprit : inadéquation du dispositif national d’accueil ; augmentation des arrivées d’exilé··s ; manque de moyens et d’anticipation de la part de l’État… À cela s’ajoute également une procédure d’accès à la demande d’asile incroyablement complexe qui génère des files d’attente inutiles avant tout début de prise en charge. Mais les explications ne s’arrêtent pas là.

Depuis 3 ans les gouvernements ont démultiplié les dispositifs d’hébergement pour les personnes migrantes. Les initiatives différentes du ministère de l’intérieur et de la préfecture de région Île-de-France ont généré une cacophonie d’acronymes (CAO, CHUM, PRAHDA, CAES, DPAR, CADA, etc.) dans laquelle il devient difficile de s’y retrouver. Pourtant, si cet état des lieux semble confus, il ressort clairement que la volonté de l’État est de conditionner sa générosité à la situation administrative des personnes prises en charge. C’est ainsi que le système d’hébergement d’urgence de droit commun et le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile (DNA) ont désormais pris une tournure assumée de tri et de contrôle. Dans le collimateur, se trouvent en particulier les « dubliné·e·s » que le gouvernement voudrait bien renvoyer vers les autres pays d’Europe sans avoir à examiner leur demande d’asile. Pour renforcer l’efficacité des transferts Dublin, l’hébergement est de plus en plus conditionné au respect des procédures administratives coercitives. De nombreux centres accueillent des personnes sous mesures de privation de liberté, telles que les assignations à résidence. Il n’est même plus rare que des interventions policières s’y déroulent, souvent en marge de la légalité, pour interpeller et conduire à l’aéroport des personnes dublinées.

Depuis plusieurs mois, La Cimade et ses partenaires associatifs ont contesté systématiquement les circulaires et les consignes des autorités de l’État qui demandent aux gestionnaires de centre de bafouer leur éthique sociale et les principes d’accueil inconditionnel. Mais le mal est fait et la défiance s’est aussi installée chez les personnes exilées à l’égard des structures d’accueil.

À la veille d’une 35ème opération d’évacuation, le gouvernement continue de renvoyer la balle à la ville de paris alors que nul n’ignore que selon la loi, l’hébergement d’urgence est de sa compétence. L’État n’est d’ailleurs pas avare de contradictions et il ne serait pas étonnant de constater que de nombreux migrants ont déjà fait l’objet d’une prise en charge, puis d’une « fin de prise en charge » – à la légalité douteuse – en raison d’une absence à un rendez-vous administratif.

Combien d’exilé·e·s se méfient d’un système conçut de plus en plus comme une antichambre avant le centre de rétention ou l’aéroport et refuseront les hébergements proposés ?
Combien de fois les pouvoirs publics détricoteront ce qu’ils ont tricoté avant de comprendre l’absurdité de la situation ?

Combien de temps encore perdura cette politique fondée sur la dissuasion et le rejet des personnes exilées en quête de protection, contraire au principe des conventions internationales ?

 

[Le 30 mai 2018, le campement du Millénaire a été évacué]

Auteur: Admin_Ile_de_France

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