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Le 5 novembre, la carte ADA délivrée aux personnes qui demandent asile devient une carte de paiement sans possibilité de retrait d’espèce, ni de paiement en ligne. Malgré une opposition unanime, la mesure va compliquer la vie de milliers de personnes qui demandent l’asile.
Avec la transformation annoncée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) le 2 août 2019, la carte de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), qui permettait aux personnes d’effectuer des retraits et des achats, devient exclusivement une carte de paiement à compter du 5 novembre 2019. Quel est le sens de cette mesure qui complique la vie des personnes et des centres d’hébergement ?
L’allocation pour demandeur d’asile (ADA) a été mise en place avec la loi de juillet 2015 pour remplacer l’allocation temporaire d’attente (ATA) versée par pôle emploi.
Elle est versée à toute personne dont la demande d’asile est enregistrée par la préfecture et qui a accepté l’offre de prise en charge faite par l’OFII. Elle est calculée selon le nombre de personnes qui composent un ménage. Son montant forfaitaire journalier est calculé selon la formule (n+1)*3.40€ soit pour une personne seule 6.80€ par jour. Lorsqu’un ménage n’est pas hébergé à titre gratuit de quelque manière que ce soit, un montant additionnel de 7.40€ par adulte est versé. Ces montants sont rabotés de 3€ et de 2,50€ en Guyane et à Saint Martin.
Au 31 juillet 2019, 151 886 personnes étaient bénéficiaires de l’allocation. Le rapport d’activité de l’OFII pour l’année 2018 permet de dresser une cartographie des 90 000 allocataires et du nombre de personnes qui perçoivent le montant additionnel.
Pratiquement, c’est l’OFII qui décide du montant de l’allocation et peut l’interrompre si la personne refuse une orientation vers un lieu d’hébergement (et à l’avenir si elle refuse une orientation vers une région sans hébergement quand l’orientation directive sera mis en œuvre) ou ne se présente pas aux convocations (notamment les dubliné·e·s en fuite). Mais c’est l’agence des services et paiements qui la verse mensuellement après que l’OFII lui a transmis la liste le 5 de chaque mois.
À compter de mars 2016, au lieu de demander des coordonnées bancaires, a été mise en place une carte spéciale où le montant de l’allocation est transféré. Dans un premier temps, cette carte n’a permis que des retraits (5 par mois), avec un montant limité par retrait. Des frais bancaires étaient perçus pour chaque retrait (ou tentative de retrait) supplémentaire.
Depuis sa mise en place, l’ADA connaît de nombreux dysfonctionnements. En raison des bugs répétés du traitement du Dispositif national d’accueil (DNA), des personnes ne la touchent pas pendant plusieurs mois et se voient prélever des frais bancaires pour avoir simplement consulté le solde de la carte. Par ailleurs, il était impossible de retirer l’ensemble de l’allocation dès lors qu’elle dépassait les montants plafonnés. Ainsi 6.7 M€ en 2018 ont été considérés comme des sommes dormantes (source rapport de performance LRC 2018) et reversées dans le « pot commun ».
En raison du coût de gestion (4.72 M€ en 2018), le Gouvernement a décidé de transformer la modalité de la carte. Une disposition réglementaire a été modifiée pour en faire une carte de paiement. En février 2019, la Guyane a été choisie comme terrain d’expérimentation d’une carte qui est exclusivement une carte de paiement dématérialisé sans possibilité de retrait, ni de paiement en ligne. Visiblement satisfait de l’expérience, le ministère de l’intérieur et l’OFII ont décidé la généralisation de cette mesure annoncée le 2 août 2019 avec une entrée en vigueur le 5 septembre 2019.
La raison principale de ce changement est budgétaire selon le rapport de la commission des finances pour le budget 2020, » le coût de cotisation mensuel d’une carte s’établit à 2,02 euros pour une carte autorisant cinq retraits (situation actuelle) et à 1,94 euros pour une carte de paiement illimitée (situation à compter du 5 novembre 2019). L’OFII a également étudié, mais non retenu, l’hypothèse d’une carte mixte qui aurait fait office de carte de retrait et de carte de paiement. Le coût de cotisation unitaire d’une carte mixte autorisant 25 transactions par mois aurait été de 3,65 euros et celui d’une carte mixte autorisant des transactions illimitées aurait été de 3,96 euros ». C’est donc pour une économie de huit centimes par mois et par carte soit environ 115 000 € par an pour 120 000 cartes que l’on va compliquer la vie des personnes qui demandent asile qui pour la plupart dispose par ailleurs d’un compte bancaire sur lequel elles ne pourront plus virer des sommes qu’au prix de multiples opérations.
Malgré la trêve estivale, les associations mais aussi les personnes concernées ont vivement contesté cette mesure. Lors d’une réunion organisée avec les seuls opérateurs de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) le 7 août 2019, le ministère s’est rendu compte que ces derniers n’étaient pas équipés de terminaux et ne pourraient donc pas percevoir la contribution à leur hébergement ou la caution. Et pour ce motif, la mise en œuvre a été reculée au 5 novembre 2019.
Malgré toutes les demandes, les pétitions ou manifestations, le gouvernement n’est pas revenu sur cette réforme. Lors d’une réunion au ministère, réunissant les opérateurs de CADA et les associations de la CFDA, tous ont unanimement décrit les grandes difficultés que connaitront les demandeurs d’asile. L ‘OFII a diffusé en novembre des notices d’explication (en ligne sur le site de l’OFII ). Pour connaître le solde, les demandeurs d’asile devront composer un numéro payant 0811 041 041 (6 centimes par minute +coût de l’appel);
Lors d’une réunion au ministère de l’intérieur, le 20 décembre, l’OFII a livré des premières statistiques relatives aux transactions qui ont été effectuées depuis le 5 novembre 2019 qui lui ont été transmises par l’opérateur de l’agence de services et de paiements(ASP), UP France (anciennement SCOP chèque-déjeuners)
Avant le 5 novembre 2019, la carte ADA ne permettait que les retraits aux distributeurs automatique de billets, dans la limite de cinq retraits. Le passage à une carte de paiement a multiplié par sept le nombre de transactions tandis qu’en valeur, l’augmentation est de 4 % (un peu plus de 41 millions d’euros pour environ 108 932 allocataires).
Les petites transactions de 0 à 20€, deviennent la majorité tandis que les transactions pour des montants de plus de 100€ deviennent marginaux
3 % n’ont pas fait de transaction, 14 % sont restés à moins de cinq transactions pour 9 % du montant total, 40 % font entre 6 et 20 transactions (pour 37 % du montant total), 43 % font plus de vingt transactions (pour 51% du montant total)
L’OFII indique également les postes de dépenses : l’alimentation représente près de la moitié des dépenses (48%), 16 % sont consacrés à l’habillement, 10 % pour les services professionnels (tabac, librairie, bricolage etc.), 10 % pour les télécommunications (incluant les frais postaux), 8 % divers services non précisés, 4 % dans les stations services, 2 % pour les transports et 2 % pour la santé.
Un poste n’apparaît pas qui concerne pourtant plus de la moitié des demandeurs d’asile qui n’est pas hébergée par l’Etat : le loyer. Il faut dire que rares sont les propriétaires qui disposent d’un terminal de paiement et faute de possibilité de chèque et de virement, les loyers doivent être payés en liquide. (à noter que le Conseil d’Etat a validé par une décision du 11 décembre 2019 la disposition du décret de mai 2018, permettant à l’OFII de ne pas verser le montant additionnel de 7,40€ par jour si la personne est hébergée à titre gratuit)
Ces données ne permettent pas de voir quelle ampleur a le « cashback » auprès d’établissements commerciaux le pratiquant ou celui, plus informel, qui s’est développé de façon plus ou moins honnête (un demandeur d’asile paie par exemple le plein d’essence ou les courses d’une autre personne qui lui rembourse en liquide, parfois en prélevant une « commission » au taux usuraire) .
Concernant la répartition régionale, on retrouve celle des demandeurs d’asile, pondérée par la part des demandeurs d’asile non hébergés: 43 % du montant des transactions ont lieu en Ile-de-France ; 8:7 % en AURA, 7% en PACA et 6,5 % en Grand Est. Le montant mensuel dépensé par allocataire est de 377 € avec des variations importantes selon les régions. Pour l’outremer, la part dans le montant des transactions est nettement moins forte que celle de la demande.
Enfin l’OFII a voulu montrer que les demandeurs d’asile vivant dans les départements ruraux peuvent utiliser leur carte avec un montant moyen de transaction de 19,35€.
En apparence, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible : les demandeurs d’asile se sont adaptés au nouveau mode de fonctionnement de la carte partout en France. Mais les questions posées par les associations restent d’actualité . Comment payer un loyer si on ne peut faire de chèques ?.Comment payer un billet de train pour se rendre à la préfecture, à l’OFPRA ou à la CNDA si le seul mode autorisé est le paiement à des guichets SNCF de moins en moins nombreux ? Comment laver ses affaires alors que les laveries n’acceptent que des espèces ? Le ministère et l’OFII ont concédé que rouvrir la possibilité d’un retrait par mois pourrait être envisagée mais auparavant il faut procéder à un échange de 70 000 cartes ADA en quelques mois. En effet, les puces des cartes sont programmées pour cesser de fonctionner à l’échéance du marché public de l’ASP et il faut donc les remplacer pour le nouveau marché.
Il faut continuer de se mobiliser avec la CFDA
Auteur: Responsable national Asile
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