Quoi qu’il en coûte… pour leur vie
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Un centre de rétention administrative (CRA) pouvait-il aller encore plus loin dans l’isolement, la dégradation des conditions de vie et le sentiment d’injustice des personnes qui y sont retenues ? Le dernier épisode traversé par le CRA du Mesnil-Amelot nous aura prouvé que oui. Dans la soirée du dimanche 13 […]
Un centre de rétention administrative (CRA) pouvait-il aller encore plus loin dans l’isolement, la dégradation des conditions de vie et le sentiment d’injustice des personnes qui y sont retenues ? Le dernier épisode traversé par le CRA du Mesnil-Amelot nous aura prouvé que oui.
Dans la soirée du dimanche 13 décembre, le lieu est soudain plongé dans le noir. Panne d’électricité totale : plus d’éclairage, plus de courant, plus d’eau chaude et, pire que tout – alors que l’hiver a fait sienne la région et que les températures nocturnes dansent avec le zéro –, plus de chauffage. À l’arrivée des intervenants de La Cimade le lendemain matin, la situation demeure inchangée et l’incertitude plane, tant sur la source du problème que sur la nature des solutions apportées et le délai qu’elles requièrent.
Pendant ce temps, outre des conditions de vie extrêmement dégradées – froid, insalubrité des sanitaires qui ne peuvent être évacués, odeurs nauséabondes qui en découlent, impossibilité de se laver, absence d’alimentation chaude –, les retenus sont plongés dans une situation d’isolement complet. Impossibilité de contacter l’extérieur (batteries des portables déchargées, cabines téléphoniques hors service) à laquelle s’ajoute l’interdiction de visites pour d’impérieux motifs de sécurité – et ce alors que c’eût été la seule voie pour entrer en contact avec ses proches et se faire apporter, entre autres, des vêtements et des documents à faire valoir devant les tribunaux –. Impossibilité d’avoir recours aux services des bureaux de La Cimade et de l’OFII au chômage technique faute d’outils en état de fonctionner et incapacité de déposer des recours devant les juridictions idoines. Autant d’atteintes caractérisées aux droits des personnes enfermées en CRA, tels que définis sans équivoque par le CESEDA.
De plus, les personnes convoquées devant des juridictions éloignées (tribunal administratif de Melun, cour d’appel de Paris) n’y sont pas escortées par l’administration du centre ; ils n’auront pas leur mot à dire au cours d’une représentation dont ils sont pourtant les personnages principaux. Dans le même temps, les escortes prenant le chemin de l’aéroport et de l’expulsion, quant à elles, sont toujours assurées.
Face à l’étendue de la panne – qui frappe non seulement le CRA mais également la caserne de CRS et l’annexe du tribunal de grande instance, plus mitoyens que jamais du centre de rétention -, le système D prévaut du côté de l’administration. Lundi après-midi, un premier groupe électrogène d’appoint est livré au CRA. Opérationnel en fin de journée, il ne suffit toutefois pas à alimenter une si vaste enceinte, si bien que le Mesnil-Amelot reste plongé dans le froid pour une seconde nuit. Ce n’est que le surlendemain après-midi que le renfort d’un second groupe électrogène viendra rétablir la situation, quoique de manière partielle : mercredi, le froid règne encore dans l’un des bâtiments du CRA n°3, et jeudi, une nouvelle coupure de courant intervient pendant une heure.
Face à ces conditions d’enfermement indignes, la riposte juridique est attendue dans l’annexe voisine du juge des libertés et de la détention (JLD). Nous étions en mesure d’espérer que ce magistrat, précisément en charge (entre autres attributions) de contrôler le respect des droits des personnes en rétention, vienne faire la lumière sur ces événements.
Dans l’épaisse pénombre du tribunal, les juges, statuant à la chaîne et à la bougie, rendront des décisions dont le fond comme la forme ne lassent pas d’étonner.
Tandis que sur certaines ordonnances l’on peut constater les marques de la débrouille désespérée d’un magistrat qui, faute d’équipement informatique en état de marche, s’adonne à l’art du palimpseste sur de vieilles décisions, sur d’autres apparaissent les traces d’une empathie sans faille : « le maintien du retenu dans un local sans électricité, et notamment sans chauffage, durant l’hiver à des températures proches de zéro degré, ne constitue pas encore à ce jour des conditions de rétention contraires au principe de respect de la dignité de la personne humaine« . Pour les derniers dossiers de la journée, les magistrats finiront par renoncer et par se dessaisir, ce qui rimera avec la remise en liberté de quelques heureux élus. Pour ceux maintenus en rétention, la lumière ne viendra pas non plus de la cour d’appel de Paris, qui ne trouvera rien à redire en confirmant massivement les décisions prononcées par les JLD mesnilois.
La Cimade déplore que l’État, responsable de l’enfermement administratif de près de 50 000 hommes, femmes et enfants par an, ne soit pas capable d’assurer des conditions décentes et respectueuses de la dignité et des droits. Les personnes enfermées se retrouvent décidément toujours plus à l’ombre.
On aurait pu espérer que l’administration, embarrassée de bafouer ainsi la dignité et les droits les plus élémentaires des personnes enfermées, décide de les libérer ou à tout le moins les transférer dans d’autres lieux, mais ce ne fut le cas que pour une infime minorité. À l’inverse elle huile chaque jour un peu plus la machine à expulser.
Auteur: Service communication
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