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Migrant.es d’ici et d’ailleurs, exilé.es victimes des guerres, de la misère et de catastrophes ...
Pour la première fois en dix ans, deux parlementaires se sont penchés sur le coût des expulsions, confirmant ce que La Cimade dénonce depuis des années : le gouvernement privilégie la surveillance et l’enfermement massif tout en sachant que l’administration ne réalisera pas vraiment plus d’expulsions. Politique menée sans réelle évaluation ni prise en compte des droits bafoués et des souffrances infligées à des personnes migrantes ainsi précarisées.
En 2018, 15 677 expulsions ont été réalisées depuis la métropole et 18 283 depuis l’outre-mer, soit 33 960 au total. Selon un rapport présenté début juin 2019 par les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Alexandre Holroyd (LREM), ces expulsions ont coûté, en 2018, 500 millions d’euros. L’expulsion d’une personne coûte donc en moyenne 14 723 euros. Derrière ces chiffres, ce sont des vies humaines brisées et des droits bafoués par une violence institutionnelle dont l’inefficacité reste criante.
En 2018, sur les 24 531 personnes enfermées en métropole en centre de rétention administrative (CRA), 9 782 ont été expulsées, soit environ 40 %. Pour expliquer un tel écart, certaines préfectures ont cru se justifier en indiquant que « les décisions de placement prennent moins en compte les possibilités d’éloignement effectif et reposent largement sur la volonté de maintenir l’ordre public et de dissiper tout sentiment d’impunité au sein des communautés étrangères les moins aisément ‘éloignables’ ».
Or, la rétention n’est autorisée par la loi que pour le temps strictement nécessaire à l’organisation du départ. Si l’expulsion est impossible, le maintien en CRA « devient » injustifié. L’administration admet donc sa vision punitive de la rétention.
Dans cette optique, alors que l’enfermement ne sera jamais anodin, l’allongement de la durée à 90 jours et une augmentation du nombre de places en CRA que seul Nicolas Sarkozy avait initié auparavant, n’en apparaît que plus cynique. L’efficacité prétendument recherchée n’a jamais été l’objectif principal. La volonté de dissuader et de « faire des exemples » sont les véritables moteurs de cette politique.
Le rapport révèle en outre que le nombre d’assignations à résidence a été multiplié par 20 : de 904 en 2012, il est passé à près de 18 500 en 2018. Mais là encore, cette surveillance massive ne produit pas les effets escomptés : 10,5 % des personnes assignées ont été expulsées en 2018.
Pour rendre le dispositif plus efficace et moins coûteux, les rapporteurs préconisent entre autres « d’externaliser, à titre expérimental, certaines missions ne relevant pas du cœur de métier des fonctionnaires de police dans les CRA, comme l’accueil du public venant visiter les personnes retenues, le gardiennage aux abords des centres, la gestion des systèmes de sécurité incendie, la vidéosurveillance, ou la conduite des véhicules d’escorte ».
Une telle préconisation est extrêmement dangereuse : elle ouvre la porte à une privatisation de l’expulsion en France. De courte vue, cette externalisation, déjà appliquée en prison, fait mine d’ignorer les conséquences néfastes pour les personnes détenues comme pour leurs proches.
Il n’est pas démontré non plus qu’une telle « externalisation » permette à l’État de faire une quelconque économie : le système britannique, entièrement privatisé, continue de coûter 500 millions d’euros annuels aux autorités. Qu’elle soit étatique ou privatisée, l’expulsion massive reste donc une gabegie par rapport à ce que coûterait un accueil digne et élargi.
À l’inverse, « les rapporteurs portent un regard très favorable sur le fonctionnement des salles d’audiences délocalisées », proposent de poursuivre leur développement, et d’évaluer le recours à la vidéo audience avant d’envisager sa généralisation, en reconnaissant toutefois que « les vidéos audiences posent de réelles questions en matière de déroulement de la procédure juridictionnelle ».
Détourner le regard en ouvrant une partie de la politique d’expulsion au privé, et en même temps poursuivre la mise au ban du service public de la justice. Deux propositions qui à elles seules illustrent parfaitement la courte vue qui régit actuellement les politiques migratoires, enfermées dans une logique répressive et punitive.
Une logique également technocratique qui sacrifie les droits les plus fondamentaux et aggravent les discriminations visant les personnes étrangères. Les principes garantissant une justice équitable ou plus largement les droits fondamentaux sont ainsi bafoués, relégués au vulgaire rang de supposés obstacles à l’exécution des expulsions.
Encore une fois, il y a urgence à mettre un terme à l’obsession du chiffre en matière d’enfermement et d’expulsion dépourvue d’évaluation et inhumaine. Et au fond, il y a urgence à changer radicalement de cap, pour des politiques migratoires enfin tournées vers l’accueil, l’intégration des personnes et la recherche de leur liberté de circulation et d’installation.
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Photographie : Centre de rétention du Mesnil-Amelot, novembre 2017. © Yann Castanier | Hans Lucas
Auteur: Service communication
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