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À l’heure où celles et ceux qui le peuvent se confinent, les personnes exilées, parmi les plus précaires, demeurent vulnérables à travers le monde face à l’épidémie du coronavirus. Aux frontières de l’Union européenne, les conditions sanitaires sont exécrables et la violence perdure.
En Libye, alors que le pays a fermé ses frontières le 17 mars 2020, la situation sur place demeure chaotique et violente notamment pour les personnes exilées. Dans un rapport sorti mi-mars, l’association italienne MEDU (Medici per i Diritti Umani) souligne que 85% des personnes passées par la Libye et interrogées par leurs équipes ont souffert de torture, de violences et de traitements inhumains et dégradants. Basé sur 3000 témoignages collectés entre 2014 et début 2020, les deux tiers des personnes interrogées ont été détenues, près de la moitié kidnappées ou mise dans des situations où leurs vies étaient en danger. C’est dans ce contexte complexe que le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) a dû annoncer le 17 mars la réduction d’une partie de ses activités notamment les visites en centre de détention et la fermeture de leur centre d’enregistrement de Tripoli. Par ailleurs le HCR a suspendu jusqu’à nouvel ordre les programmes de réinstallation de personnes réfugiées à travers le monde.
En parallèle en mer Méditerranée, la suspension des opérations de sauvetage solidaires, déjà opérationnelle pour certaines ONGs placées sous quarantaine depuis fin février 2020, a été confirmée mi mars par la plupart d’entre elles. Les refoulements en pleine mer continuent, notamment dans la zone de recherche et de sauvetage de l’île de Malte, où les autorités compétentes maltaises collaborent avec les « garde-côtes » libyens afin qu’ils viennent récupérer les bateaux et poussent ainsi les personnes exilées vers l’enfer des lieux d’enfermement libyens. Documentés par l’association AlarmPhone, ces refoulements brisent plusieurs règles du droit international dont le principe de non refoulement et le renvoi vers des Etats où il existe des risques de traitements inhumains et dégradant.
À la frontière gréco turque, d’un côté, la Turquie a cessé de « contenir » sur son territoire les personnes exilées et de l’autre la Grèce a suspendu l’accès à l’asile et à son territoire. L’Union européenne quant à elle répond par le renforcement des contrôles aux frontières extérieures avec un déploiement plus important de l’agence Frontex. Refoulements, désastre humanitaire à la frontière et sur les îles grecques où sont « nassées » des milliers de personnes en quête d’asile – surpeuplement, insalubrité, insuffisance d’accès à l’ensemble des services de base… 42 000 personnes seraient bloquées dans les 5 hotspots des îles grecques. Un départ de feu a eu lieu dans le campement le 16 mars 2020, une enfant de 6 ans est décédée. Alors que les autorités grecques, pour lutter contre la propagation du virus restreignent les mouvements des personnes exilées dans les campements depuis le 18 mars, MSF demande[1] depuis deux semaines l’évacuation de l’ensemble des hotspots et la prise en charge sanitaire des personnes exilées qui s’y trouvent, les conditions du confinement ne pouvant être mises en œuvre. Sur l’ile de Lesbos, les organisations intervenant habituellement dans les camps de Moria et de Kara Tepe, ont un accès réduit aux personnes pour une période de 14 jours. Les personnes exilées s’auto organisent dans le camp. La «Moria Awareness Corona Team» (ΜΑCT) composée de personnes exilées explique les règles sanitaires, la nécessité de limiter les contacts, etc. Dans ce contexte, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits fondamentaux des migrant.e.s a interpellé la Grèce dans une communication du 23 mars 2020 sur les violations des droits aux frontières maritimes et terrestre, les violences dont font l’objet les soutiens des personnes exilées et les journalistes ces dernières semaines ou encore sur la suspension de la possibilité de demander l’asile, rappelant à l’État ses responsabilités. Les autorités européennes ont également été destinataires de ce courrier. Le Parlement européen a également réagi en demandant l’évacuation des personnes vulnérables. De nombreuses ONGs grecques et européennes demandent quant à elle la fermeture des camps et la prise en charge des personnes exilées.
Sur la route dite « des Balkans », les frontières se ferment également en raison de la pandémie. La Serbie est en état d’urgence COVID 19 depuis dimanche 15 mars, sans mesure de confinement en journée pour les ressortissant.e.s serbes (exceptées les personnes malades) mais avec un couvre-feu. A contrario, les personnes exilées et hébergées ont besoin d’une permission pour sortir de leur lieu d’hébergement. L’armée a été déployée pour faire des contrôles, notamment la frontière avec la Croatie. En Bosnie, depuis début mars, les autorités communiquent sur la crainte du nombre de personnes qui pourraient arriver dans le pays au regard de la situation en Syrie et à la frontière gréco turque. La Bosnie accueille actuellement environ 7000 personnes qui demandent l’asile. Dans les camps, les conditions de vie sont indignes, l’hiver et les neiges de novembre et décembre étant passés par là, la situation s’est encore aggravée. Les médecins sont inquiets car si des cas de COVID 19 y apparaissaient, rien n’est organisé pour permettre un confinement correct.
Aux frontières extérieures de l’Union européenne comme sur le territoire européen, à la crise de l’accueil s’ajoute une crise sanitaire. Les mesures de protection doivent être accessibles à toutes et tous et notamment aux personnes les plus fragiles, qu’elles soient étrangères ou non.
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Photographie : La double clôture à la frontière entre la Hongrie et la Serbie, mars 2018. © Elsa Putelat
Auteur: Pôle Europe et International
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