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De fausses suspicions plutôt qu’une protection des mineur·e·s isolé·e·s

1 juin 2018

Après le « benchmarking » des migrant·e·s en Europe, le ministre de l’intérieur va-t-il créer un fichier pour suspecter et entraver la mobilité des jeunes isolés d’un département à l’autre ?

MIE Cimade Marseille mineur

À l’occasion d’une audition par la commission des lois du Sénat le jeudi 30 mai 2018, le ministre de l’intérieur s’est livré à une sortie polémique en déclarant : « les migrants aussi font un peu de “benchmarking” ». Comme si ces personnes en exil faisaient des études de marché pour choisir le pays européen à la législation la plus favorable.

Dans l’esprit du ministre Gérard Collomb, les mineur·e·s isolé·e·s étranger·e·s (MIE) tenteraient leur chance d’un département à l’autre à l’image de leurs aîné·e·s. Sa solution ? Ficher les jeunes via la création d’un fichier national des MIE « qui permettrait, selon le ministre, d’économiser beaucoup d’argent ».

Cette proposition est une recommandation issue du rapport de la mission d’expertise récemment rendu public en mai 2018 : créer un fichier national biométrique des personnes évaluées majeures pour lutter contre le « nomadisme » des jeunes qui auraient été déboutés dans un département. Proposition qui couterait cinq millions d’euros alors même qu’aucune donnée ne permet de mesurer l’ampleur du dit phénomène. Sans compter qu’un tel fichier représenterait un danger comme tous les fichiers et porterait atteinte aux libertés publiques et à la vie privée de ces jeunes.

Mais surtout, la réalité est bien différente. Aujourd’hui, des départements refusent de prendre en charge des personnes pourtant évaluées mineure et isolée, renvoyées comme une balle de ping pong d’un département à l’autre.

Un décret du 24 juin 2016 donne un cadre juridique à la répartition et la prise en charge des MIE, mécanisme de répartition guidé par un objectif de péréquation, de solidarité nationale et de résorption des inégalités constatées entre les collectivités territoriales. Aujourd’hui, de trop nombreux enfants reconnus mineurs et isolés se voient refuser leur prise en charge quand ils sont orientés vers un autre département. Le département qui les a évalués serait jugé « trop laxiste » et le département compétent « dépassé, saturé ».

Un enfant âgé de 16 ans a récemment été reconnu mineur par le juge des enfants de l’Yonne. Le rapport d’évaluation signe des fragilités psychologiques importantes, il est orienté pour une prise en charge dans le département des Bouches-du-Rhône. Arrivé à Marseille, personne pour l’attendre ou l’accueillir, il a finalement la possibilité de dormir à l’hôtel et est remis à la rue après 48h. Le jeune est retourné dans l’Yonne pour reprendre contact avec les éducateurs qu’il connaissait sur place. Hébergé dans le foyer, il est remis à la rue, le département n’est pas compétent. Il retourne à Marseille et dort dehors, avec de nombreux autres jeunes qui connaissent le même sort, venant de l’Ardèche, des Hautes-Alpes ou d’autres départements où ils et elles ont été pourtant évaluées mineures. Le département des Bouches-du-Rhône n’est pas le seul à ne plus prendre en charge les enfants, alors même que c’est une de ses missions.

Les juges des enfants, les procureurs de la République, le Défenseur des droits ont tous connaissance de ces situations. Gaspiller l’argent de l’État pour créer un fichier inutile et dangereux n’est pas une solution. La Cimade exige des départements la prise en charge effective et immédiate de tous ces enfants et s’oppose fermement à la création d’un tel fichier national biométrique.

 

Pour aller plus loin lire le communiqué inter associatif du 1er juin 2018 relatif à la situation à Marseille de 6 mineurs à la rue avec une ordonnance de placement pour les Bouches-du-Rhône.

Auteur: Service communication

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