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Nouveaux camps fermés de 5 000 places, barrière maritime flottante en mer Egée, déploiement des armées grecques et bulgares…. A la frontière extérieure de l’Union européenne, la guerre aux migrant·e·s est-elle déclarée ? Comment en est-on arrivé là ? Chronique d’une Europe à la dérive sur les frontières de ses îles grecques
Le 1er mars 2020, les autorités grecques ont décidé de suspendre l’enregistrement des demandes d’asile pour une durée d’un mois, afin de refouler – contre le droit international et européen – toutes les personnes qui tenteraient de pénétrer le territoire européen depuis la Turquie voisine. Nouveaux camps fermés de 5 000 places, barrière maritime flottante en mer Égée, déploiement des armées grecques et bulgares…. A la frontière extérieure de l’Union européenne (UE), la guerre aux migrant·e·s est-elle déclarée ? Comment en est-on arrivé là ?
En 2015, l’émotion a été immense après la noyade du jeune syrien Aylan Kurdi et l’exode de centaines de milliers de personnes sur les routes des Balkans. Quatre ans et demi après, le 2 mars 2020, la vie d’un jeune garçon syrien de 4 ans, emportée par le naufrage d’un canot pneumatique au large des côtes turques, ne provoque plus aucune réaction. Au même moment, sur la route d’Erdine au nord-est de la Grèce, des milliers des personnes exilées sont « nassées » dans la région de l’Evros à la frontière gréco-turque, victimes des marchandages entre la Turquie et l’Union européenne et des expulsions collectives du gouvernement grec, qui ne cessent de les renvoyer de part et d’autre de cette frontière. Les pays européens affirment leur soutien aux gouvernements grec et bulgare. Cette indifférence est le symptôme de l’attitude européenne marquée du sceau de l’ambigüité.
En parallèle, l’UE met en place son approche « hotspot », notamment en Grèce. Présentés comme une mesure phare de la réponse de l’UE à la crise de l’accueil des personnes exilées en juin 2015, l’objectif des hotspots était de déterminer rapidement, parmi les personnes arrivées aux frontières, « qui a besoin d’une protection qui n’en a pas besoin ». Celles considérées comme de potentielles réfugiées devaient être relocalisées vers d’autres Etats membres tandis que les autres, stigmatisées comme « migrantes économiques », seraient éloignées du territoire.
Cette approche a engendré un monstre. Le mécanisme de relocalisation n’a concerné que 25 000 personnes en deux ans. Surtout, dès mars 2016, les États membres de l’UE ont fait une déclaration infamante avec la Turquie. Celle-ci acceptait le renvoi de toutes les personnes débarquées sur les îles grecques et rejetées par les hotspots en contrepartie, entre autres, du versement de 6 milliards d’euros et de la promesse de son accession future à l’UE.
Depuis, la Grèce est laissée seule : en 2019, 55 000 personnes sont arrivées sur les îles grecques, déjà transformées en prison à ciel ouvert pour les personnes à la recherche d’une protection. Dans ces conditions inhumaines d’insalubrité, de surpeuplement, et d’insuffisance d’accès à l’ensemble des services de base, la situation devient explosive et les incidents se multiplient. Le 29 septembre 2019, le camp de Moria (sur l’île de Lesbos) s’enflamme faisant plusieurs victimes et de nombreuses personnes blessées. Deux semaines plus tard, c’est au tour du camp de Vathi (sur l’île de Samos) de s’embraser à son tour. Le 26 décembre 2019, deux hommes exilés se suicident de désespoir dans un hôtel à la frontière entre la Grèce à la Macédoine. Au cœur de l’archipel des camps grecs, les situations de violences physiques et sexuelles se multiplient.
77 290 demandes d’asile ont été enregistrées en Grèce en 2019 et à peine 2 500 personnes ont été transférées dans d’autres États membres pour raisons familiales et humanitaires dans le cadre du règlement Dublin. Le nombre de dossiers en cours d’instruction a dépassé les 100 000, bien au-delà des capacités du système grec d’asile.
Isolé et dépassé, le gouvernement grec durcit le ton et présente un plan d’action visant à mettre définitivement à distance et punir ceux que l’UE et ses Etats membres ont désignés comme indésirables. Parmi le train de mesures répressives annoncées, un « système de protection flottant » pour lequel le ministère de l’intérieur a publié un appel d’offre fin janvier 2020. Cette nouvelle frontière maritime pourrait prendre la forme de « barrières » ou de « filets » afin de repousser les personnes tentant la traversée depuis la Turquie voisine. En parallèle, Athènes s’est engagée à fermer les trois plus grands camps sur les îles égéennes de Lesbos, Samos et Chios, au profit de centres fermés de 5 000 places chacun. Les deux autres camps de Kos et Leros devraient, quant à eux, être agrandis et rénovés.
Pour les habitant·e·s des îles comme les personnes exilées, la situation devient intenable. Après une montée de tensions aux relents xénophobes et une manifestation violemment réprimée, les îles grecques sont le théâtre de nombreuses violences.
De l’autre côté de la frontière, face aux critiques des Etats européens contre l’offensive turque en Syrie et suite au décès de plusieurs dizaines de soldats turcs à Idlib, la Turquie met à exécution sa menace d’ouvrir sa frontière et appelle les réfugié·e·s syrien·ne·s présent·e·s sur son territoire à se rendre en Europe. Loin de répondre aux enjeux de l’accueil des personnes exilées autrement que par des logiques de fermeture et de répression, la Grèce décide de suspendre temporairement la procédure d’asile sur son territoire afin de refouler toutes celles et ceux qui tenteraient d’entrer avec le soutien de son armée et de l’agence européenne Frontex.
Face à la surpopulation et à la multiplication des drames sanitaires et humains dans les camps à ciel ouvert des îles grecques, conjuguée à une vive montée des tensions, la frontière entre la Grèce et la Turquie illustre de manière glaçante le chaos d’une Europe à la dérive, qui semble bien incapable de faire preuve de la solidarité et de l’humanité nécessaire pour mettre en œuvre l’accueil et la protection des droits et de la dignité des personnes. Loin d’apaiser les peurs, ces mesures ne font que légitimer les idéologies xénophobes et aggraver ainsi les fractures sur notre continent.
Alors que la Commission européenne présentera son nouveau « pacte européen sur l’asile et les migrations » au printemps, La Cimade appelle les États européens à un changement de cap urgent et à l’abandon des logiques de tri, d’enfermement et d’expulsion. L’Europe doit permettre un accès inconditionnel au territoire européen pour les personnes bloquées à ses frontières extérieures afin d’examiner avec attention et impartialité leurs situations et d’assurer le respect effectif de leurs droits. La mise en place d’un véritable système d’asile européen, fondé sur le respect des droits fondamentaux des personnes en quête de protection et sur la solidarité européenne ne peut plus attendre.Rappelons enfin, que les États membres de l’UE doivent respecter leurs obligations internationales en matière de secours et de sauvetage en mer de manière à ce qu’aucune zone maritime ne soit ignorée ou laissée sans moyen de recherche.
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Auteur: Pôle Europe et International
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