Pour l’avenir de Mayotte, l’Etat promet toujours plus d’inégalités
Alors que la colère gronde à Mayotte et que les revendications se font plus pressantes que ...
A la date 23 février 2017, Mayotte Première signait un éditorial intitulé « de quoi se rouler par terre ». Publié par la suite sur le site internet de la chaîne de service public, celui-ci n’a pas manqué de nous faire réagir. L’un d’entre nous lui répond en lui écrivant un billet.
A la date 23 février 2017, Mayotte Première signait un éditorial intitulé « de quoi se rouler par terre ». Publié par la suite sur le site internet de la chaîne de service public, celui-ci n’a pas manqué de nous faire réagir. L’un d’entre nous lui répond en lui écrivant un billet.
Voici la reproduction intégrale de l’éditorial :
“Et si Mayotte était beaucoup plus attractive que ce que l’on entend à longueur de journée ? Et si le département était cet El Dorado pour lequel de nombreuses personnes risquent leurs vies en mer tous les jours ?
“Nous sommes en Europe !”, c’est le cri de joie des jeunes africains qui ont réussi à franchir la barrière qui sépare le Maroc du morceau de territoire espagnol qui se situe en Afrique, en bordure de la Méditerranée.
Deux vagues de migrants ont forcé le passage en moins d’une semaine. Les médias nationaux en ont fait des événements à résonance internationale. Les autorités parlent de 500 personnes à chaque assaut C’est à peu près ce qu’une vingtaine de Kwassas dépose en douce sur les plages de Mayotte en une seule fois. Mais les clandestins qui arrivent à Mayotte ne doivent pas être au courant qu’ils débarquent aussi en Europe, pas seulement en France
Pourquoi alors cette joie, qui fait plaisir à voir, soit dit en passant ?
C’est que le voyage entre leurs pays et l’Europe est plus éprouvant, plus cher est plus risqué. Les coupeurs de routes qui sévissent dans le désert sont plus violents que ceux de Mayotte.
La traversée entre Anjouan ou Nossi-Bé et Mayotte est largement plus aisée. Une barque Yamaha avec un moteur de 15 chevaux et le tour est joué. L’armateur empoche au minimum 15 000 euros (500 euros par passager dans une embarquation de 25 places) par voyage. Le taux de réussite de la traversée est très important selon les passeurs, sinon l’affaire ne serait pas rentable et les kwassas seraient mis au mouillage
Donc débarquer à Mayotte pour un clandestin n’a rien d’exceptionnel Il n’y a donc pas de quoi se rouler par terre comme l’ont fait ceux du Maroc.
Les promesses d’un patrouilleur qui surveillerait les eaux territoriales de Mayotte et une meilleure efficacité des radars ne sont pas encore tenues. Mais cela ne saurait tarder. La longue période de campagne qui s’ouvre devrait nous emmener jusqu’en septembre avec des surenchères sur la lutte contre l’immigration clandestine.
Et il sera plus difficile de venir à Mayotte de façon irrégulière. Ceux qui passeront à travers les mailles se diront enfin qu’ils ont beaucoup de la chance ; que ce sera enfin la liberté pour eux Ils se rouleront par terre et diront nous sommes en Europe.
Les mahorais, eux, sont plus sceptiques, mais ça doit être leur côté français qui les pousse à toujours râler, à ne jamais être satisfaits»
©Axel Roux
Comment ne pas se poser la question du pourquoi? Pourquoi un tel éditorial ?
Voilà qu’ils sont des milliers à risquer leur vie, à s’endetter, à frôler la mort ou à se noyer pour rejoindre un territoire qui n’est attractif que parce que pour les plus pauvres il n’y a chez eux, ni écoles ni hôpitaux, ni perspectives d’emploi et vous faites mine de vous en réjouir. Vous n’ignorez pas que la militarisation de la frontière et la politique de répression qui lui est corrélatif augmente significativement les risques de noyades pour ceux qui tentent la traversée. La politique du rideau de fer que vous semblez défendre n’est qu’un rideau de fumée pour ceux qui fuient la misère et qui continueront à la fuir tant que l’Union des Comores connaîtra des inégalités monstrueuses avec Mayotte.
Espérer une surenchère électorale sur la lutte contre l’immigration clandestine c’est espérer une surenchère mortifère. Aujourd’hui, immigrer à Mayotte, comme au nord de la mer Méditerranée n’est en rien un long fleuve tranquille mais bel et bien une périlleuse épreuve sinon un drame comme en témoignent les derniers naufrages de kwassa. Et, plus la frontière sera militarisée, plus les risques seront élevés pour ceux qui tenteront la traversée, et plus nombreux seront les périls et les vies brisées.
Comment peut-on, en filigrane, s’enorgueillir d’un indice d’attractivité économique sinistre qui mesurerait l’attractivité de Mayotte à partir de la puissance des prétendus cris de joie des quelque uns qui arriveraient à passer les mailles du filet? Le sous entendu est d’autant plus outrageant quand on sait éperdument que ces cris ne peuvent être que proportionnels aux cris de douleurs de bon nombre de ceux qui, bloqués dans le filet, meurent ou se font expulser?
A vous lire, je me suis demandé si vous ne souhaitiez pas que le problème de l’immigration irrégulière à Mayotte ressemble aux mélodrames qu’on regarde parfois à la télévision et qui nous divertissent avec des larmes, du sang et des cris de joies ?… Quand vous avez écrit votre éditorial, aviez vous les pieds sur terre ?
(note : L’éditorial publié le sur le site de mayotte première le 22/05/2017 paraissait un peu plus pertinent dans l’analyse de la réalité migratoire)
Auteur: Région Outre-Mer