Pour l’avenir de Mayotte, l’Etat promet toujours plus d’inégalités
Alors que la colère gronde à Mayotte et que les revendications se font plus pressantes que ...
L’Etat enjoint par le Conseil d’Etat à fournir les conditions d’accueil aux demandeurs d’asile pendant toute la procédure.
Par une décision du 12 mars 2020, le Conseil d’Etat a jugé que les conditions d’accueil des personnes qui demandent asile à Mayotte n’étaient pas conformes au droit européen, en particulier à la directive accueil du 26 juin 2013, parce qu’elles ne sont pas fournies pendant toute la procédure d’asile.
Saisis d’un appel de référé par une demanderesse d’asile qui vit sans aucune ressource depuis plus d’un an, avec son enfant mineur et douze autres personnes, dans des conditions indignes, sans eau courante ni électricité, les magistrats ont considéré que cela constituait une urgence particulière, et une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. Ils ont enjoint à l’Etat (l’OFII, compétent en la matière, étant peu présent dans l’archipel) de lui fournir sans délai une aide lui permettant d’avoir un niveau de vie suffisant, en fonction de la situation dans le département.
Cette décision est une première. Il n’existe à Mayotte que 105 places d’hébergement (pour environ 3 000 demandes en instance) qui n’accueillent les personnes que pour de courtes périodes de trois semaines renouvelables trois fois. La loi y remplace l’allocation pour demandeur d’asile – versée dans les autres départements au demandeur – par une possibilité d’aide matérielle sous forme de bons alimentaires d’une valeur d’un euro par jour (50 centimes étant ajoutés si un enfant accompagne le demandeur). En pratique, à Mayotte, cette aide n’est fournie que pendant six mois alors que, du fait de la distance, les procédures devant l’office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont encore plus longues qu’en métropole.
Ces pratiques plongent les demandeurs d’asile dans des situations de précarité inhumaines. A la fin de l’année dernière, une cinquantaine d’exilés avaient d’ailleurs été contraints pendant plusieurs mois de dormir dehors, faute de solution d’hébergement, devant les locaux de l’association Solidarité Mayotte à Mamoudzou, avant de se voir déloger à grand renfort de policiers nationaux, municipaux et gendarmes mobiles. Outre ces conditions de détresse extrême, La Cimade avait alors également dénoncé les opérations de contrôles d’identité et les interpellations déloyales menées aux abords des associations – et autres lieux accueillant un public vulnérable.
Le Conseil d’Etat précise que l’Etat doit fournir des aides de nature à assurer à la requérante ainsi qu’à son enfant mineur un niveau de vie qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale, en prenant en compte la circonstance qu’il ne leur est pas proposé d’hébergement.
Après cette importante décision, la Cimade demande au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la dignité de tous les demandeurs d’asile dans ce département.
Si la situation à Mayotte est particulièrement critique, il faut rappeler que, dans les autres départements d’outre-mer, les conditions d’accueil sont également insuffisantes, comme l’a montré la constitution d’un campement de demandeurs d’asile sur une plage de Cayenne, évacué en février 2021.
Les associations réunies dans le collectif migrants outre-mer ont alerté les pouvoirs publics et ont demandé au ministre de l’intérieur de les intégrer dans le schéma national d’accueil. L’arrêté qui a été pris pour son entrée en vigueur ne les a, en effet, pas inclus, et le groupe de travail spécifique annoncé par la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, pour le début janvier ne s’est pas tenu. C’est l’un des principaux motifs pour lesquelles la Cimade et cinq autres associations ont décidé de contester ce schéma devant le Conseil d’Etat.
Auteur: Région Outre-Mer