Inlassablement, les préfectures de Guyane et de Guadeloupe continuent les expulsions vers Haïti
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Exiger inutilement un document dont l’obtention nécessite des démarches interminables et coûteuses : c’est la décision réactivée le 1er juillet dernier par la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre pour les personnes étrangères qui demandent un titre de séjour. Il y a un an, cette pratique avait pourtant pris fin après l’interpellation du préfet par La Cimade et Tèt Kolé, une association haïtienne.
C’est une véritable attaque contre l’accès aux droits des personnes étrangères vivant en Guadeloupe, qui sont en large partie haïtiennes : depuis le 1er juillet dernier et alors qu’Haïti a depuis replongé dans une profonde crise politique, elles sont sommées par la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre de produire un acte de naissance légalisé par l’ambassade de France dans leur pays d’origine pour que soit traitée leur demande de titre de séjour. Cette exigence, qui n’existe qu’en Guadeloupe, cache une procédure non seulement incroyablement kafkaïenne et coûteuse, mais aussi tout simplement abusive.
Pour demander ou renouveler un titre de séjour, toute personne étrangère doit justifier de son identité (état civil et nationalité). Cette justification peut se faire par tout moyen : un seul document suffit. Dans l’immense majorité des cas, les personnes qui accomplissent cette démarche en Guadeloupe, et en particulier les Haïtien·ne·s, disposent d’un passeport en bonne et due forme, qui satisfait cette exigence. Mais, de manière abusive puisque qu’inutile, la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre exige depuis de nombreuses années la production supplémentaire d’un acte de naissance.
En grande précarité et craignant de prendre des risques en s’exposant, très peu de personnes osent saisir le tribunal administratif d’une requête pour forcer la préfecture à instruire leur demande sans acte de naissance. Une dame s’est tout de même lancée dans cette procédure et a eu gain de cause devant le tribunal de Basse-Terre, sans que la sous-préfecture ne tire toutes les conséquences de ce camouflet et ne modifie ses exigences : dans une décision du 22 avril 2021, le tribunal affirme que la préfecture ne peut refuser un titre de séjour à une personne présentant un passeport valide, au motif que son acte de naissance serait frauduleux.
Car c’est du fait de la suspicion de fraude que tout dérape et que l’exigence infondée devient une entrave majeure à l’accès aux droits : la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre suspecte massivement les actes de naissance haïtiens de ne pas être authentiques. A quoi bon donc les exiger, alors que les passeports eux, ne font l’objet d’aucune suspicion ?
Au motif de s’assurer de l’authenticité des actes de naissance, elle exige que ceux-ci soient « légalisés », donc certifiés par les autorités. Une procédure qui peut en principe être accomplie par le consulat d’Haïti, dont les locaux se trouvent à Pointe-à-Pitre. Mais au cours des dernières années, et de nouveau depuis le 1er juillet 2021, la préfecture exige que cette légalisation soit accomplie par l’ambassade de France en Haïti… donc, à Port-au-Prince. Même si les Haïtien·ne·s de Guadeloupe avaient la possibilité d’aller accomplir ces démarches sur place, celles-ci seraient d’une complexité sans nom. Mais le plus souvent, ils et elles sont contraint·e·s de les accomplir à distance.
Voici la description de la procédure, dont n’ont connaissance que les personnes qui l’ont expérimentée, nécessaire à la légalisation d’un actes de naissance dressé en Haïti :
C’est donc, au mieux pour les personnes réussissant à comprendre la marche à suivre, plus de 10 étapes à accomplir, au moins 6 mois de procédure et jusqu’à plusieurs centaines d’euros dépensés pour obtenir un document permettant de voir instruire une demande de titre de séjour… Alors même que ce document n’est pas nécessaire à l’instruction et qu’il arrive même que son authenticité soit remise en cause malgré la légalisation ! De nombreuses autres personnes originaires d’autres Etats sont également confrontées à cette exigence de légalisation, selon des procédures toujours caractérisées par leur lourdeur et leur complexité.
L’exigence d’un acte de naissance et d’une légalisation par l’ambassade de France dans le pays d’origine est aujourd’hui une stratégie déguisée pour entraver l’accès aux droits personnes étrangères installé·e·s en Guadeloupe, et contribue à maintenir des milliers de personnes dans une profonde précarité administrative, sociale et économique. La Cimade appelle le préfet de Guadeloupe à prendre la décision la plus simple et évidente qui soit : cesser d’exiger la production d’un acte de naissance pour l’instruction d’une demande de titre de séjour alors que l’état civil et la nationalité de la personne concernée est justifiée par la présentation d’un passeport ou de tout autre document valable.
Pour aller plus loin :
Auteur: Service communication
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