Pour l’avenir de Mayotte, l’Etat promet toujours plus d’inégalités
Alors que la colère gronde à Mayotte et que les revendications se font plus pressantes que ...
Mettre fin à l’enfermement des enfants en rétention est un combat de longue haleine.
Deux récentes décisions du Conseil d’Etat réaffirment les droits des mineurs en rétention à Mayotte et les garanties particulières qui doivent leur être apportées. Une avancée ambigüe, car elle consacre du même coup la possibilité d’enfermer des enfants en rétention.
Mettre fin à l’enfermement des enfants en rétention est un combat de longue haleine. Tout particulièrement à Mayotte où des milliers d’enfants continuent d’être enfermés en toute illégalité au centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi et dans des locaux de rétention, dans des conditions traumatisantes et indignes [1]. Cette politique est conduite silencieusement, en marge des mesures gouvernementales censées limiter ce phénomène en métropole mais pas à Mayotte. Dans le 101ème département français, l’échec de la régulation humaine des migrations soutenues et ancestrales de l’archipel des Comores, conduit à bafouer les droits les plus fondamentaux, en particulier ceux des enfants.
Si le gouvernement avait jusqu’à présent échappé à la censure d’un Conseil d’État, complaisant s’agissant de l’enfermement de jeunes enfants au CRA de Mayotte, la récurrence et la gravité de cette pratique semblent avoir quelque peu réveillé la haute juridiction.
À travers deux ordonnances rendues le 5 octobre 2014 et le 9 janvier 2015, dans lesquelles La Cimade et le GISTI se sont constitués intervenants volontaires, le Conseil d’État consacrait pour la première fois les droits des mineurs placés en rétention au rang de liberté fondamentale. Il rappelait enfin que l’enfermement des enfants doit être entouré de garanties particulières.
Les faits en cause dans ces deux affaires, sensiblement similaires, apparaissent presque ordinaires au regard des pratiques en cours à Mayotte :
Une embarcation (appelée kwassa) en provenance d’Anjouan est interceptée par la police aux frontières au large de Mayotte. À son bord se trouve un enfant dont au moins l’un des parents est présent sur l’île et en situation régulière, voire de nationalité française. Ce dernier ne réussissant pas à obtenir un regroupement familial, il se rabat sur une traversée dangereuse par bateau pour tenter de régulariser la situation de cet enfant sur place.
Lors de l’interception du kwassa, un adulte parmi ses occupants est arbitrairement désigné par les autorités françaises comme le parent de cet enfant. Ainsi rattaché à un parent fictif, l’enfant est alors enfermé avec ce dernier dans le CRA sous le statut d’accompagnant, en vue d’être expulsé à ses côtés et en quelques heures vers les Comores.
L’insistance des parents pour alerter les autorités sur l’erreur du rattachement parental n’y fait souvent rien. À Mayotte c’est une pratique quotidienne de l’administration ; les enfants sont massivement renvoyés vers les Comores rattachés à ces adultes inconnus. Cette pratique illégale n’est quasiment jamais sanctionnée par le tribunal administratif de Mayotte lorsqu’il est saisi.
En réponse à ces pratiques indignes d’un État de droit, la haute juridiction condamne dans ces deux décisions la légèreté des vérifications effectuées par les autorités quant à l’identité des enfants et rappelle l’obligation de l’administration de s’assurer du lien de parenté des mineurs avec l’adulte auquel ils sont rattachés.
Au regard de la récurrence du placement de mineurs isolés constatée jusqu’à présent au CRA de Mayotte, ces décisions sont un premier pas vers l’amélioration des droits des enfants.
Cette avancée est pourtant très ambiguë. Car si le Conseil d’État réaffirme les droits des mineurs en rétention, il consacre par la même occasion la possibilité de les enfermer.
La haute juridiction française semble ainsi faire la sourde oreille à la condamnation de la France en 2012 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour avoir enfermé des enfants (CEDH, Popov c. France, 19 janv. 2012, n°39472/07).
Cette résistance du Conseil d’État est d’autant plus inquiétante qu’elle concerne le CRA de France dont les conditions d’enfermement sont les plus unanimement décriées. Elle semble aller dans le sens d’une politique de l’État qui sacrifie largement le respect des droits fondamentaux des étrangers de Mayotte. A tel point que les expulsions de mineurs rattachés illégalement à des adultes continuent ouvertement malgré la décision du Conseil d’État.
Le 20 février, alors que La Cimade avait sollicité le ministère de l’Intérieur sur l’application qu’il entendait faire de ces décisions, les intervenants bénévoles de La Cimade à Mayotte constataient à nouveau le placement illégal d’enfants isolés dans ce CRA.
Leur libération, obtenue grâce à une nouvelle action contentieuse menée par le groupe, de concert avec une avocate sur place, démontre que la défense des mineurs enfermés sur ce territoire reste décidément un combat de tous les instants.
En complément des recours menés à tous les niveaux de juridiction, La Cimade poursuit son action de plaidoyer. En direction du défenseur des droits qui sera prochainement saisi à nouveau de cette question. Et auprès des parlementaires pour que la loi change.
[1] En 2013, 3.512 mineurs ont été enfermés dans le CRA de Pamandzi. Cette évolution semblent se poursuivent en 2014 puisqu’en seulement 3 jours, le 8, 9 et 10 février, 185 mineurs étaient expulsés depuis Mayotte.
Auteur: Service communication