Océan Indien

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Les fantasmes guerriers de Bacar Ali Boto

1 mars 2018

Quand la sempiternelle thématique des « tensions communautaires » sert de prétexte au déploiement d’une rhétorique belliqueuse faisant de « l’étranger » un ennemi -d’autant plus dangereux qu’il est intime- menaçant le « vivre ensemble », il convient de dévoiler la nauséabonde logique qui sous-tend un pareil discours. Sympathisant de la Cimade, l’auteur de ces lignes s’y attelle.

Bacar Ali Boto @France Mayotte Matin

Laiila! « La guerre communautaire est à nos portes », nous prévient, dans sa grande sagesse et clairvoyance », l’adjoint au maire de Mamoudzou Bacar Ali Boto. Retour sur un article de France Mayotte Matin écrit par …..l’inévitable et omnipotent Samuel Boscher. Un militant du groupe local de Mayotte nous livre son analyse. 

L’autre jour, en jetant par inadvertance un regard rapide à la « une » du France Mayotte Matin du 9 octobre 2017, mon regard n’a pu qu’être attiré par cette accroche pour le moins racoleuse et intrigante : « guerre imminente », écrit en caractères gras ; et surplombant le portrait de Bacar Ali Boto- légèrement en contre plongée, visage de profil et regard pénétrant. (1)
Que contemple t-il donc de son air  grave et solennel ?
Sans doute voit-il poindre au loin cette immigration « massive, clandestine et guerrière » (l 41-43), annonciatrice d’une  grande « déflagration » (l 24)?
Sans doute.

Où sommes-nous donc ?

– La scène du crime :  Au cœur même de la matrice médiatique Mahoraise (c’est-à-dire pas bien loin) : un  article de Samuel Boscher, le rédacteur en chef de France Mayotte Matin (dont parfois tous les articles sont curieusement signés de son nom – un hyperactif sans doute), « journaliste »  omnipotent et protéiforme qui a choisi pour son papier du jour de commenter un « écrit lapidaire » (l 18) de Bacar Ali Boto, publié le 7 octobre sur son propre compte facebook (2).
– La thématique : le grand classique de la psychose Mahoraise, : les tensions communautaires.
– Le protagoniste : (le prophète) Bacar Ali Boto, premier adjoint au Maire de Mamoudzou, qui, dans un élan visionnaire et incontrôlé souhaite nous alerter sur la situation catastrophique de Mayotte. Tant de sollicitude est touchant.
– La plume : Samuel « Herr » Boscher, éminent journaliste aux approximations syntaxiques et à la démagogie authentique.
– Son style :  à genoux devant les puissants, oups pardon, l’analyse de fond et la parole critique.
– Sa posture : la courbette
– Sa chronique : c’est plutôt sa désinformation qui est chronique
– Le champ lexical de Boto: les tensions, la guerre, la déflagration, le cataclysme post-apocalyptique. Oui, nous prévient Mr Boto dans un cri du cœur déchirant, la troisième guerre mondiale approche, inéluctablement, elle est là, tout près.

Invoquer n’est pas évoquer, je vous révoque Mr Boscher

Trépignant d’impatience, je me rends donc sur le champ (de ruines !) à la page 5.

– Le titre : « Bacar Ali Boto invoque (c’est moi qui met en gras) un risque de « guerre » imminent sur le département ».
Ah bon.
Que Mr Boscher (s’il a vraiment écrit cet article) me pardonne d’être tatillon et de revenir sur le mot « invoque » qu’il utilise. Lorsqu’on invoque quelque chose, on appelle de ses prières une puissance disons surnaturelle.  Il serait sans doute malvenu et perfide de ma part de croire que le grand pacifiste Mr Ali Boto souhaitât une « guerre » communautaire.
Diable, dans quel but !?
A moins qu’il ne nous sorte la  stratégie tant éculée d’agiter l’épouvantail pour  mieux pouvoir se placer en sauveur ( je ne crois pas à si vile démagogie), il semblerait plutôt qu’il évoquât un risque de guerre.
C’est-à-dire que ce risque est « possible » selon Mr Boto, et que vous le rendez  souhaitable Mr Boscher, par votre maladresse d’écriture, qui semble être votre signature.
Coquin.
Bref, joli lapsus Mr Boscher, pourquoi voudriez-vous qu’une guerre éclatât ?
« Mal nommer les choses, c’est participer aux malheurs du monde » disait Camus, et Mayotte hélas connaît déjà suffisamment de malheurs pour n’avoir guère besoin des gribouillages de Sa Majesté Samuel Boscher.

Ce qui me hérisse d’autant plus dans cet « article », c’est la manière dont Mr Boscher feint d’être choqué- en surjouant les pudeurs de gazelle- par la rhétorique guerrière de Boto : « décrit Bacar Ali Boto avec (et non pas « avait » l 33) des mots qui font froid dans le dos ». « Il tire une effroyable conclusion l 64) , « à lire le premier adjoint, la guerre est d’ores et déjà déclarée » (l 61)
Brrr, glaçant !

Revenons sur le titre de l’article.

« IMMIGRATION : des tensions communautaires qui atteignent des sommets »

De l’art de mettre de l’huile sur le feu.

Titre courageux s’il en est, tant il est vrai que le thème des tensions communautaires et son faux corollaire l’insécurité ne sont jamais abordés dans les médias.
Les tensions  évidemment sont là : comment pourrait-il en être autrement quand un collectif  qui deviendra pour ne pas le nommer le Codim, procède au début de l’année 2016 à une vaste opération de décasages  dans le sud de l’île, laissant des centaines de personnes sur le carreau, obligées de fuir, et se retrouvant parquées dans un enclos place de la République à Mamoudzou ? Expulsés que l’Etat s’est vite empressé de « reloger » au gîte de Bengali, dans un souci peut-être de préserver symboliquement  le charme exotique de la carte postale de Mayotte l’île lagon, l’île au parfum…de scandale.
Mettons la poussière sous le tapis.
Pas de vagues ici, seulement du vague à l’âme pour ceux qui ne sont pas nés du bon côté de la barrière de corail.


Mayotte département, je ne savais pas qu’en France des collectifs de citoyens pouvaient brûler des banga dans lesquels des gens habitent, sous le regard mi-médusé mi-protecteur des gendarmes, et avec l’approbation à peine dissimulée de Mme le maire de Chirongui qui comprend l’exaspération des Mahorais.
Je ne savais pas non plus que dans cette société post-coloniale qui ne dit pas son nom, l’Etat français, dans une fuite en avant vaine et désespérée, s’efforçait de ne pas perdre la face sur la question migratoire, et insistait sur le tout répressif (renforcement des radars, multiplication des contrôles de la PAF ……) alors que l’on sait pertinemment- et Mr Bacar Ali Boto en tête- que les clandestins ( les personnes sans papier) reviennent, et ce au péril de leur vie.
Parlerons-nous ici des multiples entorses aux droits d’une administration multirécidiviste, lorsque celle-ci rattache arbitrairement des enfants mineurs à des adultes lors des expulsions.

Je persiste et saigne :

  • Combien de morts dans le lagon, voilà la seule question qui compte, combien de cadavres sur lesquels crache l’Etat français ?
  • Combien de tâches indélébiles sur le drapeau français ?

Je le proclame haut et fort :

  •  Abolissons le Visa Balladur, responsable de tellement de morts depuis 20 ans.  Stoppons le massacre et réfléchissons ensuite à comment on pourrait vivre ensemble.
  • Le Visa Balladur, c’est le nerf de la guerre. Il faut l’abolir, et que les gens réapprennent à vivre ensemble.
  • La société Mahoraise est hypocrite, faisant du Comorien, autrefois son frère, maintenant un rebut qu’on rend responsable de tous les maux de la société.
  • Qui travaille donc sur les chantiers et dans les champs dans des conditions de misère et toujours sous la pression du chantage à la dénonciation ?
  • Quel Mahorais n’a pas un membre de sa famille vivant aux Comores ?

Triste société mahoraise empêtrée dans ses contradictions schizophrènes. « Vivre ensemble », n’était-ce pas un slogan socialiste Mr Boto ?

Les raisons de la colère : les réseaux de la galère

Instinct de survie face à l’instinct de préserver ses acquis.

Pourquoi les Comoriens risquent-ils leur vie pour venir ici ? Sans doute parce qu’ils sont lassés de cette société Comorienne d’opulence. Comment pourrait-il en être autrement, avec un PIB aux Comores dix fois inférieur à celui de Mayotte ? Comment ne pas être tenté de venir ?

Quand je vois les conditions déplorables dans lesquelles certains clandestins vivent dans différents ghettos à Mayotte, sans accès à l’eau, parfois sans électricité, au milieu des ordures, et que malgré tout, certaines personnes préfèrent rester ici plutôt que de rentrer aux Comores, je ne peux pas concevoir à quel point la vie doit être rude là-bas. Le bon sens voudrait que la France, pays des droits de l’homme bla bla bla  qui aime tant se draper de ses principes humanistes, accueille dignement  ces personnes. Mais sommes-nous réellement en France à Mayotte?

Mayotte, laboratoire expérimental pour l’Etat français ?

Si le territoire de Mayotte est trop petit et que ses infrastructures ne peuvent supporter une telle pression démographique, le bon sens voudrait aussi que l’on se questionnât sur les raisons de la migration Comorienne et que, pourquoi pas, à la suite d’une longue tradition d’ingérence  et de coups d’Etats français fumeux aux Comores, l’Etat français change son fusil d’épaule, non plus pour renverser tel dirigeant Comorien, mais pourquoi pas aider au développement des Comores.
Et pas seulement pour des intérêts politiques et économiques. Ce serait évidemment questionner le passé colonial français et la séparation arbitraire de Mayotte de ces trois îles sœurs en 1975.
Il serait temps de faire front face aux francs-tireurs de la Françafrique.
L’immigration des Comoriens, c’est le retour du refoulé colonial.
La maladie sur ces territoires a trop longtemps été le cancer du colon.

L’Etat français sait pertinemment ce qu’il se passe ici, et il apparaît certain que pas un dizième de ce qu’il se passe sur ce territoire ne pourrait se produire en métropole. Quels sont les intérêts de la France ici, on parle de contrôle du canal du Mozambique, ou de l’extension des eaux territoriales…
Mayotte est une épine dans le pied de l’Etat français et son  préfet est à la botte du lobby colonial.

 

Revenons à nos moutons, Boto me donne des boutons, je suis libre de lui mettre des bâtons dans les roues pour qu’il ne nous mène pas en bâteau.

Boto, imbattable dans le domaine de l’imbittable

Les tensions communautaires existent, mais elles ne sont pas nouvelles. Mr Moussa Madi, le maire d’Hamouro, et quelques-uns de ses employés, ne mettaient-ils pas le feu à des bangas de clandestins dans sa commune en ce premier jour de Ramadan 2003 ?

Je reviens sur le passage « cet état d’esprit ……….son camp, celui de l’Ennemi »( l 49-53).

Outre la grandiloquence quelque peu ridicule de la rhétorique Botonienne – pourquoi Ennemi avec une majuscule ? –  on note encore ici le souci compulsif du premier adjoint au Maire de Mamoudzou de nous fantasmer et de nous conter une fresque épique et manichéenne.
Mais je ne m’en laisserai pas compter.
Pourquoi tant de passions ?
L’élu Boto a le sang chaud à défaut d’avoir la tête froide.
« L’Etat aurait choisi son camp, celui de l’Ennemi. Fantasme ou réalité ? Hélas, peu importe ; la masse y croit dur comme fer. » (l 52-53) :
C’est vous Mr Boto, et non la masse (qui ce terme désigne-t-il ?) qui choisissez le mot « ennemi », c’est vous en écrivant ce mot qui vous placez dans une lecture manichéenne, conflictuelle, loin d’être pacifiste.

Je trouve l’argumentation de ce passage quelque peu perverse et très confuse. Mr Boto se veut ici le porte-parole de la population Mahoraise qui est selon lui, « prête au combat l’état d’esprit renforcé par la triste et regrettable conviction selon laquelle (sic !) l’Etat aurait choisi son camp, celui de l’Ennemi » (l 49-56) .
On ne comprend rien à ce salmigondis Mr Boto.
« Fantasme ou réalité ? Hélas, peu importe, la masse y croit dur comme fer »
De quoi parlez-vous ? Vous écrivez que la masse croit que l’Etat aurait choisi le camp de l’Ennemi. Comme si c’était acquis qu’il y aurait pour la masse (dénomination confuse) un camp de l’ennemi, alors que c’est vous qui vous vous positionnez dans une lecture manichéenne (qui parlez d’ennemi) et qui prêtez à la masse cette vision manichéenne. Vous faîtes mine de le regretter (dans une posture noble tout en hypocrisie) alors que c’est vous qui créez des fantasmes, que vous mettez par la suite dans la bouche de la masse.
Posture pathétique, quelle mystification, qui croyez-vous leurrer ? Vous prenez à ce point là vos (é)lecteurs   pour des idiots ?
C’est hautement nocif comme argumentation, car vous glissez dans la bouche de la « masse » des arguments chocs et inavouables, vous lui prêtez des arguments qui vous entacheraient s’ils étaient vôtres, vous n’avez pas le courage de les assumer, vous les glissez dans leur bouche et par là même vous les fabriquez ; oui encore une fois, et qu’on me pende si je me trompe (et alors vous n’avez pas le monopole de la grandiloquence !) vous fabriquez donc de la Désinformation (moi aussi, je suis libre de mettre des majuscules où je veux !)
Habile .

Qu’en est –il des «  guerriers féroces et infatigables » ( l 66), Boto se perd encore dans un lyrisme incongru et surréaliste. Guerriers féroces ! Mais de quoi parlez-vous ?

« Peut-on encore éviter cet embrasement généralisé annoncé » ? C’est vous Mr Boto qui l’annoncez !
Vous vous faîtes passer pour celui qui relaie une information alors que c’est vous qui participez à la création de cette information.
Pourquoi vous donnez-vous tant de mal à dissimuler vos desseins ?
Quelle rhétorique manichéenne et pernicieuse.

Quelle magnifique avant dernière phrase « il n’y a guère que Paris qui ne semble pas au sérieux(sic) le critique de la situation à Mayotte ».
Il n’y a pas de correcteurs à France Mayotte Matin ?

Le Deuxième papier 

Suite aux nombreuses réactions provoquées par son papier sur les réseaux sociaux, Ali Bacar Boto sévit une seconde fois le 18 octobre en reprenant la plume sur son compte facebook. (3)

Ali Bacar Boto m’a tuer.

Mr Boto, vous semblez vous émouvoir des réactions de certaines personnes qui ont vu dans votre texte un appel à la guerre. Personnes que vous appelez des « opportunistes machiavéliques » .
Quelqu’un qui ne serait pas d’accord avec vous serait donc machiavélique, c’est comme ça que vous acceptez la critique ?
Et alors, s’ils l’ont cru, c’est qu’ils ont trouvé vos propos ambigus. Vous jouez sur deux tableaux.

Mr Boto, le pompier pyromane

Lorsqu’on écrit un papier Monsieur, on ne peut pas contrôler la façon dont celui-ci va être perçu et compris par le lecteur ; c’est pour cela qu’il faut être le plus précis et rigoureux possible. Ce qui ne semble pas être votre fort, mon avocat me retient le bras…
Libre à vos lecteurs de penser qu’il s’agit d’un appel à la guerre ; libre aux miens d’adhérer ou non à ce que je raconte. Qui plus est, lorsqu’on est élu, on doit savoir encaisser la critique.

Vous écrivez : « L’affrontement direct avec emploi d’armes de destruction constitue la phase ultime de ce fléau aux conséquences incommensurables. » J’en ai marre de commenter votre baragouinage, vous me désespérez.
Plus loin, « Pourquoi le Gouvernement comorien reste insensible aux milliers de vies englouties annuellement dans l’océan ? »
Pourquoi ne pas remplacer dans cette phrase le mot « comorien » par « français » ?

Vous poursuivez : « Que faire pour que les populations de nos îles respectives de l’Ocean Indien et plus particulièrement des îles de l’Union des Comores et de Mayotte cohabitent intelligemment dans la paix et l’harmonie ? ».
Enfin une phrase intéressante, pourquoi la contrebalancer d’une autre : « Pourquoi l’Etat continue à régulariser discrètement et massivement des clandestins ? » !
Connaissez-vous le calvaire des étrangers ici pour obtenir une carte de séjour avec des dérogations dans les délais à la préfecture ; technique pour décourager le plus possible les postulants, on marche sur la tête !
Vous terminez par ce cri du cœur : « Prions pour que Dieu nous aide à consolider le rêve de nos anciens dans la paix et la prospérité. »
Laissez donc Dieu tranquille, oui disons nous les choses sans tabou, Dieu est une création de l’Homme.

 

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(1): L’article « Bacar Ali Boto invoque un risque de »guerre » imminent sur le département » France Mayotte Matin – 9 octobre 2017
     

 

(2) : Le texte de Bacar Ali Boto  du 6 octobre 2017. Il a été publié sur son compte facebook puis a été retiré.
         Mayotte Hebdo a reproduit l’intégralité sur l’une de ses pages.
         Voici sa reproduction.

(3): Le  texte de Bacar Ali Boto du 18 octobre 2017 publié sur son compte Facebook. L’article demeure accessible.
         Voici sa reproduction.

 

Auteur: Région Outre-Mer

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