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Campagne Boycott Désinvestissement Sanctions : est-ce que le boycott sert à quelque chose ?

Qu’est-ce que la Campagne Boycott Désinvestissement Sanctions ?

La campagne Boycott Désinvestissement Sanctions, ou BDS, est une campagne non violente née du cri d’alarme de la société civile palestinienne en juillet 2005. Un an après un avis de la Cour internationale de justice concluant à l’illégalité du mur de séparation construit en territoire palestinien, 170 organisations palestiniennes (syndicats, réseaux de réfugié·e·s, organisations de femmes, associations de défense des droits humains et autres organisations) ont appelé à une pression non violente sur l’État d’Israël jusqu’à ce qu’il réponde positivement aux trois demandes suivantes :

  1. La fin de l’occupation et de la colonisation de toutes les terres arabes et le démantèlement du mur
  2. La reconnaissance des droits fondamentaux des citoyen·ne·s arabo-palestinien·ne·s d’Israël à une égalité absolue
  3. Le respect, la protection et le soutien des droits des réfugié·e·s palestinien·ne·s à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU (adoptée le 11 décembre 1948).

Les membres de BDS lancent un appel aux organisations de la société civile internationale, aux gouvernements, aux entreprises et aux citoyen·ne·s à soutenir cette pression non violente par trois moyens différents et complémentaires :

    1. Le Boycott, de toutes les institutions et entreprises israéliennes et internationales, qu’elles soient culturelles, sportives, académiques, administratives ou économiques, qui soutiennent ou profitent du régime d’apartheid et de violation des droits humains du peuple palestinien imposé par Israël.
    2. Le Désinvestissement, de la part d’acteurs de toutes sortes, des institutions de l’État d’Israël ainsi que des entreprises israéliennes et internationales qui soutiennent la politique d’apartheid.
    3. Les Sanctions, de la part des gouvernements envers les autorités israéliennes, tant que celui-ci ne respecte pas le droit international. Les sanctions demandées peuvent prendre différentes formes : mettre fin aux échanges avec les colonies israéliennes illégales, mettre fin aux accords de libre-échange et au commerce d’armes avec Israël, ainsi que suspendre la présence d’Israël au sein d’organisations politiques et sportives, comme les Nations Unies ou la FIFA.

La campagne BDS défend une vision inclusive, anti-raciste des droits humains et rejette ainsi toutes formes de discrimination religieuse. Elle est donc opposée à l’antisémitisme et à l’islamophobie.

La Cimade n’est pas une organisation membre de BDS, mais soutient le mouvement et la campagne.

 

Voir l’engagement de La Cimade sur la construction de la Paix en Israël et Palestine : https://www.lacimade.org/nos-actions/europe-et-international/construction-de-la-paix/

 

 

Pourquoi boycotter ?

La définition de boycott peut être la suivante : « une concentration systématique d’actions individuelles et volontaires conduisant au refus d’entretenir une relation (commerciale, politique, culturelle, sportive, diplomatique ou encore académique) avec un tiers (collectivité, entreprise, État, etc.) en vue d’exercer sur lui une pression »[1]. Par l’arrêt de ces relations par tout un ensemble d’acteurs à différentes échelles, un rapport de force se crée avec les institutions et les acteurs ciblés.

Boycotter permet ainsi de rendre visible les acteurs et institutions qui participent notamment à la colonisation des territoires palestiniens, soit parce qu’ils travaillent directement sur les territoires colonisés, soit parce qu’ils entretiennent un partenariat avec des acteurs israéliens implantés dans les colonies. La dénonciation, l’arrêt de la consommation, de la vente, ou de la promotion des produits de la colonisation, incitent les entreprises ou acteurs à cesser leurs activités en lien avec les autorités israéliennes et à respecter le droit international.

La colonisation des territoires palestiniens est contraire au droit international humanitaire, et notamment la 4ème Convention de Genève ratifiée en 1951, dont elle enfreint notamment deux principes fondamentaux : une occupation de territoires en temps de guerre ne peut être que temporaire, et un État ne peut installer ses ressortissants dans des territoires occupés[2]. De plus, elle constitue un crime de guerre, selon le statut de Rome de la Cour pénale internationale. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations unies ont adopté, depuis le début de l’occupation en 1967, plus de 60 résolutions enjoignant les autorités israéliennes à mettre fin à cette politique.

La partie boycott de la campagne BDS ne vise pas seulement la politique de colonisation des territoires palestiniens. Elle a pour objectif de faire respecter par les autorités israéliennes les droits du peuple palestinien et le droit international : droit à l’auto-détermination, droit au retour des personnes réfugiées, respect des libertés fondamentales des citoyen·ne·s arabo-palestinien·ne·s vivant en Israël, etc.

 

Le boycott est-il efficace ?

Le boycott comme moyen de contestation a une longue histoire. Un des exemples de boycott les plus marquants de la fin du XXème siècle, et qui a servi d’inspiration pour BDS, est la pression internationale sur le régime de ségrégation raciale en Afrique du Sud. Elle a été alimentée par plusieurs décennies d’actions du mouvement international anti-apartheid, dont de nombreux boycotts sur la consommation, ainsi que sur les plans sportif, universitaire et diplomatique. Parmi ces actions, le boycott des oranges Outspan : en incitant les magasins à refuser ces produits, la vente de ces fruits cultivés sur en Afrique du Sud a chuté de 25% en France entre 1975 et 1976. Cette action participe à un ensemble qui a permis d’influencer sur le temps long une multitude d’acteurs, contribuant ainsi à l’isolation du régime sud-africain sur la scène internationale.

Les campagnes d’appel au boycott de BDS s’inscrivent également dans ce temps long, et elles ont obtenu plusieurs succès dans le monde depuis 2005. Par exemple, la campagne de boycott contre Hewlett Packard (HP), entreprise fournissant du matériel informatique et de la maintenance auprès des autorités israéliennes, est suivie par des acteurs aux profils variés depuis son lancement. Elle a été rejointe, entre autres, par 32 congrégations chrétiennes aux États-Unis entre 2015 et 2019, par le conseil municipal de Dublin en avril 2018, ainsi que le plus grand syndicat interprofessionnel néerlandais en avril 2019. Tous et toutes ont cessé de se fournir auprès Hewlett Packard. La campagne menée contre la marque de sport Puma, sponsor principal de l’association de football israélienne (laquelle inclut des équipes issues des colonies dans les territoires occupés) a conduit depuis 2018 plusieurs équipes sportives à ne plus se fournir auprès de cette entreprise. En France, l’opérateur Orange a cessé son accord avec l’opérateur israélien Partner Communication, à l’issue d’une campagne longue de 6 ans[3].

En France, des actions menées s’inscrivant dans le cadre de campagnes internationales BDS ont provoqué des réactions politiques et judiciaires. Des militant·e·s du collectif Palestine 68, qui avaient organisé des actions contre des produits israéliens dans des supermarchés en 2009 et 2010, ont vu leurs condamnations en Cour de cassation invalidées par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Celle-ci a considéré, dans l’arrêt Baldassi et autres c. France du 11 juin 2020, que l’appel au boycott concerné relevait de la liberté d’expression et qu’il ne pouvait être assimilé à une forme de discrimination : il participe au débat public de façon non violente[4]. En dépit de cet arrêt, le ministère de la Justice a publié une circulaire la même année, à l’attention des magistrat·e·s, considérant que la CEDH ne remettait pas en cause la possibilité pour les juridictions nationales de condamner des actions de boycott si elles présentent des motifs de discrimination[5]. Cette circulaire enjoint donc les magistrat·e·s à mieux caractériser les faits et d’assortir les peines de stages « pédagogiques » de lutte contre la discrimination aux personnes qui pourraient être condamnées.

Malgré les oppositions politiques, judiciaires ou les prises de paroles de personnalités publiques à l’encontre de BDS, l’ensemble des campagnes que le mouvement initie et soutient permet d’impacter l’opinion publique et de continuer à revendiquer le respect du droit international pour une paix juste et durable.

 

 

Pour aller plus loin :

Site officiel de BDS

Site de la Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

L’illégalité des colonies israéliennes expliquée, Amnesty International (vidéo)

 

 

 

[1] Ingrid Nyström, Patricia Vendramin, Le Boycott, Presses de Sciences Po, Collection Contester, 2015, p10.

[2]  L’illégalité des colonies israéliennes expliquée, Amnesty International (vidéo)

[3] Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, « L’entreprise israélienne Partner confirme la résiliation de son contrat avec Orange », 7 janvier 2016

[4] https://www.dalloz-actualite.fr/flash/cedh-appel-au-boycott-des-produits-venant-d-israel-et-droit-liberte-d-Dalloz, « CEDH : appel au boycott des produits venant d’Israël et droit à la liberté d’expression », 17 juillet 2020

[5] Ministère de la Justice, Dépêche relative à la répression des appels discriminatoires au boycott des produits israéliens, 20 octobre 2020

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