S'informer

» retour

Les conditions de détention des personnes étrangères en France 

En France et depuis toujours, les mêmes mots reviennent pour décrire l’état des prisons : surpopulation, insalubrité, manque d’activités, violences, vétusté de certains établissements, déshumanisation d’autres établissements plus récents, etc. De l’aveu général, les conditions matérielles de détention sont indignes, en particulier au sein des maisons d’arrêt. Pire, elles tendent à empirer au fil des années, notamment du fait du nombre toujours plus grand de personnes emprisonnées. Ces constats, qui impactent évidemment tout le monde, touche de manière plus forte encore les personnes étrangères, du fait notamment des spécificités liées à leur statut.

Quelles sont les différentes prisons qui existent en France ? 

Il existe près de 190 prisons, réparties sur l’ensemble du territoire. Les personnes qui y sont incarcérées, et le régime de détention (voir question suivante), diffèrent suivant la nature de l’établissement.

Il existe deux catégories principales : les maisons d’arrêt et les établissements pour peine, même s’il faut notamment distinguer, pour cette seconde catégorie, les centres de détention, les maisons centrales et les centres de semi-liberté. Par ailleurs, un certain nombre des établissements sont des établissements mixtes, c’est à dire qu’ils regroupent au moins deux quartiers avec deux régimes de détention différents (par exemple, un quartier “maison d’arrêt” et un quartier “centre de détention”) : on parle alors de centres pénitentiaires. En France, il existe donc :

Les maisons d’arrêt enferment les personnes prévenues, c’est à dire les personnes en attente de jugement (soit un tiers de la population pénale environ), ainsi que les personnes condamnées dont la peine ou le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans. Il existe environ 80 maisons d’arrêt en France, et une cinquantaine de quartiers ‘maison d’arrêt’.

  • Au 1er janvier 2021, la population étrangère détenue représentait 24,5% de la population pénale, soit 15 422 personnes. Parmi elles, près de 5 000 étaient incarcérées en maison d’arrêt, soit 32,3%.

Les centres de détention enferment les personnes détenues condamnées à une peine supérieure à deux ans. Il existe environ 25 centres de détention et une quarantaine de quartiers ‘centre de détention’.

  • Au 1er janvier 2021, la population étrangère détenue représentait 24,5% de la population pénale, soit 15 422 personnes. Parmi elles, environ 1 700 étaient incarcérées en centre de détention.

Les maisons centrales enferment les personnes détenues condamnées à une longue peine. La sécurité est un élément essentiel du régime de détention. Il existe 6 maisons centrales et 7 quartiers ‘maison centrale’ en France.

  • Au 1er janvier 2021, la population étrangère détenue représentait 24,5% de la population pénale, soit 15 422 personnes. Parmi elles, 180 étaient incarcérées en maison centrale.

Les centres de semi-liberté enferment les personnes détenues dont la peine d’emprisonnement a été aménagée, ainsi que celles qui bénéficient d’une mesure de semi-liberté ou d’un placement extérieur. Une dizaine de centres de semi-liberté et une vingtaine de quartiers ‘centre de semi-liberté’ existent en France.

  • Au 1er janvier 2021, la population étrangère détenue représentait 24,5% de la population pénale, soit 15 422 personnes. Parmi elles, seules 37 étaient incarcérées en centre de semi-liberté.

Les centres pour peines aménagées et les structures d’accompagnement vers la sortie enferment des personnes condamnées à deux ans maximum, ainsi que des personnes détenues bénéficiaires d’une semi-liberté ou d’un placement extérieur. Il existe une dizaine de centres pour peines aménagées.

A cette liste s’ajoutent :

Le centre national d’évaluation (entité répartie sur quatre sites distincts aux centres pénitentiaires de Fresnes, du Sud-Francilien, de Lille-Loos-Sequedin et d’Aix-Luynes), destiné à évaluer la personnalité et la dangerosité de certaines personnes condamnées.

Les établissements pénitentiaires pour mineurs, qui enferment les mineur·e·s, sont au nombre de 6 sur l’ensemble du territoire, et une cinquantaine de ‘quartiers mineurs’.

  • Au 1er janvier 2021, la population étrangère détenue représentait 24,5% de la population pénale, soit 15 422 personnes. Parmi elles, 89 étaient incarcérées en établissement pénitentiaire pour mineure·s.

Références : 

Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire (Bureau de la donnée, de la recherche et de l’évaluation), année 2024.

Personnes étrangères en prison : surveiller, punir et expulser, La Cimade, coll. Rapports d’observation, février 2022, 70 pages.

Quelle est la différence entre un centre de détention et une maison d’arrêt ?

La différence entre les centres de détention et les maisons d’arrêt, est qu’elles enferment          les personnes prévenues, c’est à dire les personnes en attente de jugement, ainsi que les personnes condamnées dont la peine ou le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans. Il s’agit du type d’établissement le plus répandu : elles enferment les deux tiers environ de la population détenue. La surpopulation carcérale concerne essentiellement les maisons d’arrêt, et ces prisons se caractérisent par un régime de détention plus strict que dans les établissements pour peine.

A l’inverse, les centres de détention sont réservés aux personnes définitivement condamnées, le plus souvent à des peines supérieures à deux ans. Le régime de détention est censé être orienté vers la réinsertion, et est donc plus souple qu’en maison d’arrêt. Par exemple, les personnes enfermées en centre de détention peuvent bénéficier de permissions de sortir (sous certaines conditions)

Toujours dans la catégorie des établissements pour peine, les maisons centrales, elles, se caractérisent par une organisation et un régime de sécurité renforcé. Elles enferment les personnes condamnées aux plus longues peines.

Références :

Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire (Bureau de la donnée, de la recherche et de l’évaluation), année 2024.

Personnes étrangères en prison : surveiller, punir et expulser, La Cimade, coll. Rapports d’observation, février 2022, 70 pages.

Existe-t’il des prisons n’accueillant que certaines catégories de personnes ?

En prison, les personnes prévenues sont séparées des personnes détenues (voir question suivante).

Par ailleurs, les majeur·e·s sont séparé·e·s des mineur·e·s, et ces dernier·e·s sont enfermé·e·s soit dans des “quartiers mineur·e·s”, soit dans des établissements pénitentiaires pour mineurs. Les mineur·e·s représentent environ 1% de la population carcérale.

Également, les femmes sont également séparées des hommes, et sont notamment enfermées dans des quartiers ‘femmes’. Même si la stricte séparation reste la règle, des activités mixtes peuvent être envisagées. Dans la mesure où la population féminine représente moins de 4% de la population carcérale, seul un tiers environ des prisons sont susceptibles de pouvoir enfermer des femmes. A ce titre, il n’existe en France que deux prisons qui enferment uniquement des femmes, à savoir la maison d’arrêt de Versailles et le centre pénitentiaire pour femmes, à Rennes.

Par ailleurs, à l’exception de quelques règles (femmes enceintes, femmes incarcérées avec leur enfant de moins de 18 mois, surveillance des femmes détenues faite uniquement par un personnel de surveillance féminin, etc.), il n’existe pas de régime de détention spécifique ; en pratique, et notamment lorsqu’elles sont incarcérées dans des “quartiers femmes”, les femmes subissent donc les conséquences de leur minorité.

Enfin, il n’existe pas de prison pour personnes étrangères, et ces dernières ne sont pas incarcérées dans un lieu spécifique pour y attendre leur jugement, ou pour y purger leur peine. En revanche, les personnes étrangères faisant l’objet d’une mesure d’éloignement peuvent être enfermées dans des centres de rétention administrative, dans l’attente de leur expulsion forcée du territoire français, en l’absence de toute infraction ou de condamnation pénales donc. Que l’on prenne pour indice le nombre de personnes enfermées en prison puis en rétention ou inversement (voire indéfiniment), ou l’interdépendance de deux régimes juridiques originellement distincts (en matière de mise à l’isolement et en matière disciplinaire notamment), la porosité croissante entre ces deux lieux est dénoncée depuis plusieurs années par les associations comme par les autorités administratives indépendantes.

Références :

Personnes étrangères en prison : surveiller, punir et expulser, La Cimade, coll. Rapports d’observation, février 2022, 70 pages.

Les allers-retours entre prison et centre de rétention, La Cimade, 2021, 24 pages.

Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire (Bureau de la donnée, de la recherche et de l’évaluation), année 2024.

La prise en charge des personnes détenues, site du ministère de la Justice.

Carte de l’administration pénitentiaire en 2021, site du ministère de la Justice.

Rapports d’activité 2023, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, juin 2024, 258 pages.

Qu’est-ce que la détention provisoire ?

La détention provisoire désigne l’incarcération, dans une maison d’arrêt, d’une personne inculpée de crime ou de délit. Qualifiées de prévenues, les personnes en détention provisoire sont présumées innocentes : certaines ne sont pas passées en jugement, et sont donc incarcérées sur décision judiciaire, dans l’attente de leur présentation devant un tribunal correctionnel, une cour d’assises ou encore une juridiction pour mineur·e·s ; d’autres ont été jugées, mais ont exercé un droit de recours contre la décision (appel, pourvoi, etc.). La population prévenue représente environ un tiers de la population pénale.

En principe, les personnes prévenues sont incarcérées à la maison d’arrêt où siège la juridiction compétente pour juger de l’affaire. Il existe toutefois des exceptions, par exemple si la ville concernée ne comporte pas de maison d’arrêt, si celle-ci n’est pas compatible avec l’état de santé ou l’âge de la personne concernée, ou si celle-ci n’a pas de quartier femme ou de quartier mineur·e·s. Ces personnes sont alors incarcérées, en principe, à la maison d’arrêt la plus proche.

Références :

Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire (Bureau de la donnée, de la recherche et de l’évaluation), année 2024.

– Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapports annuels d’activité.

Quelles sont les conditions matérielles de vie en détention ?

Les établissements pénitentiaires se caractérisent par leur grande hétérogénéité, au regard tant de la vétusté, de l’architecture, de l’hygiène, des activités proposés, et ce y compris dans les établissements les plus récents. Fenêtres cassées ou absentes, moisissures sur les murs, absence d’aération, humidité, infiltrations, tabagisme passif, présence de nuisibles, mobilier en mauvais état, temps passé en cellule trop important, espace personnel réduit à 5m2, promiscuité avec d’autres personnes, absence d’intimité, violences entre personnes détenues ou du fait du personnel, coût excessif des produits de première nécessité ou des communication, accès insuffisant aux soins, délais d’attente de plusieurs mois pour des rendez-vous médicaux, canicule, inondations de cellule, matelas au sol, manque d’activités, etc. Autant de constats formulés au cours de la seule année 2023, et qui se confirment d’années en années. La plupart du temps, le terme “indigne” est employé afin de décrire les conditions de détention en France, notamment en ce qui concerne les maisons d’arrêt.

Face à ce constat presque général d’insalubrité d’une grande partie des prisons, il est souvent souligné, comme facteur aggravant, la surpopulation endémique des prisons françaises. En effet, mois après mois, celle-ci bat des records, ce qui contribue davantage encore à rendre les conditions de détention constitutives d’un traitement inhumain et dégradant. La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, en 2020 puis en 2023, pour sa surpopulation carcérale et ses conditions indignes de détention.

Références :

Pour un point de vue général : 

Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire (Bureau de la donnée, de la recherche et de l’évaluation), année 2024.

– Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapports annuels d’activité.

– Fiche pays France, depuis le site de Prison Insider (données 2023).

Les conditions de détention, site de l’Observatoire international des prisons – Section française.

Pour des exemples récents :

Rapports d’activité 2023, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, juin 2024, 258 pages.

Rapports d’activité 2023, Observatoire international des prisons – Section française, juin 2024, 39 pages.

La justice condamne la prison de Baie-Mahault pour ses conditions de détention indignes, La Cimade, actualité du 2 juillet 2024.

Les conditions de détention sont-elles différentes pour les personnes étrangères ?

A proprement parler, les conditions matérielles de détention ne sont pas différentes suivant que la personne détenue soit française ou étrangère.

Toutefois, et comme le rappelle l’ancien Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté Jean-Marie Delarue, “On doit donc s’attendre à ce que la vie de l’étranger incarcéré soit plus rude « dedans » que « dehors ». Il en va bien ainsi. Chacun d’eux est plus démuni pour affronter la vie carcérale. […] Faute de pouvoir s’exprimer en français et en l’absence d’interprètes prévus par l’administration, les étrangers sont fréquemment dans l’incapacité de vraiment comprendre ce qui leur arrive et d’adopter un comportement approprié, ce qui les met en position de faiblesse, tant vis-à-vis du personnel qu’à l’égard de leurs co-détenus”. […]. Souffrance de ne pas être compris, souffrance même de ne pouvoir parler sa propre langue, comme me l’expliquait un jour un Bosniaque rencontré en cellule, qui suppliait qu’on l’affecte avec un compatriote. Survivre dans ces conditions est redoutable, d’autant que le personnel ne les regarde pas nécessairement avec bienveillance ; une femme détenue témoigne de ce que, si l’on appelle chacun par son patronyme en détention (« Monsieur » et « Madame » n’existent pas), on se contente souvent pour les étrangers, de les baptiser de leur région d’origine : même leur identité a disparu. Du passage de l’être humain à l’état d’objet”.

Pour les personnes étrangères détenues, la langue apparait dès lors comme l’obstacle matriciel : non garantis, les droits à l’interprétariat et à la traduction laissent une grande place à des pratiques très hétérogènes, plus ou moins discriminatoires. En pratiques, le règne de la débrouille prévaut, ce qui favorise également les pressions diverses et les atteintes aux droits fondamentaux : l’absence de compréhension des règles peut venir dégrader      les conditions de détention, sans même parler du sens de la peine.

Références :

Personnes étrangères en prison : surveiller, punir et expulser, La Cimade, coll. Rapports d’observation, février 2022, 70 pages.

 

 

Partager sur Facebook Partager sur Twitter
À partager
Petit guide – La fabrique des sans-papiers
Septième titre de la collection Petit guide, Refuser la fabrique des sans-papiers éclaire les pratiques de l’administration française quant à la délivrance de titres de séjour ainsi que leurs impacts sur le quotidien des personnes étrangères.
Acheter militant
Faites passer le message avec ce t-shirt « Il n’y a pas d’étrangers sur cette terre » !
Retrouvez tous nos produits militants, faites plaisir à vos proches tout en contribuant au financement de nos actions sur le terrain.