Pourquoi les migrants quittent-leur pays ?
Selon l’ONU, le terme de « migrant international » désigne « toute personne se trouvant à l’extérieur de l’État dont elle possède la nationalité ou la citoyenneté ou, dans le cas des apatrides, de son pays de naissance ou de résidence habituelle. Ce terme englobe les personnes qui envisagent de migrer à titre permanent ou temporaire, celles qui migrent de manière régulière ou munies des documents requis, ainsi que les migrants en situation irrégulière »[1].
Ainsi, selon les Nations unies, toute personne qui traverse une frontière internationale et quitte son pays temporairement ou durablement et pour quelques raisons que ce soit, peut être considérée comme migrante. Dans les discours publics actuels, le terme « migrant » fait généralement référence aux personnes qui quittent leurs pays de manière irrégulière. Quelles que soient les situations, La Cimade préfère employer les termes de « personnes migrantes », « personnes en migration » ou celui de « personne », plutôt que le terme unique de « migrant ». Ce dernier efface une multitude d’individualités et de diversité de vécu et colle une identité indélébile liée au mouvement, qui ne reflète pas la réalité ou la volonté des personnes sur l’ensemble de leur parcours de vie. De plus, La Cimade utilise une écriture inclusive, afin de prendre en considération la personne quelle que soit son identité de genre (masculine, féminine et autres).
Quelles sont les causes de l’immigration ? Pourquoi des personnes décident de quitter leur pays ? d’aller dans un pays voisin, en Europe ou ailleurs ? Ces causes sont multiples. Chaque parcours migratoire, qu’il soit forcé ou voulu, reflète un enchevêtrement de facteurs et de motivations propres à chaque personne. Bien que les raisons de migrer soient souvent présentées comme limitées à un élément principal, les réalités individuelles sont plus complexes. Ainsi, les catégories présentées ci-dessous ne doivent pas être cloisonnées, mais pensées comme autant d’éléments potentiels et cumulables à prendre en compte dans les parcours de chaque personne.
Une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), publiée en 2019 sur des personnes originaires d’Afrique résidant en Europe et venues par voie irrégulière, estimait ainsi que 94% des 3000 personnes interrogées mentionnaient plus d’une raison pour expliquer leur venue en Europe[2].
Par ailleurs, les motivations sont souvent liées à des proches, ou à des raisons très personnelles. Selon cette même étude, au moins 40%, invoquaient des raisons liées à la famille, aux ami·e·s, à des problèmes personnels ou à un désir de liberté.
Les migrations pour des raisons de voyage ou de vie privée et familiale
Les raisons des migrations peuvent être liées à des besoins et envies de voyage de court ou long terme, pour éventuellement rejoindre de la famille vivant à l’étranger, pour des vacances, etc. Ces déplacements peuvent être limités par la politique de visas des pays d’arrivée. Les ressortissant·e·s de la plupart des pays européens peuvent ainsi avoir accès à de multiples destinations sans visa en ce qui concerne le tourisme ou la visite de proches à l’étranger, alors que beaucoup de ressortissant·e·s de pays d’Asie ou d’Afrique doivent obtenir des visas pour la grande majorité des destinations. À titre d’exemple, une personne détenant un passeport français pourra se rendre librement sans visa dans 173 pays, alors qu’une personne détenant un passeport afghan ne pourra le faire que dans 39 pays, aucun de ces derniers n’étant un État occidental[3]. Ces différences liées aux nationalités et aux politiques de visas des États entraînent des conséquences sur le parcours des personnes, notamment pour celles qui doivent en faire la demande pour se déplacer pour n’importe quelle raison que ce soit.
Partir à l’étranger peut être aussi motivé par la volonté de rejoindre un proche ou sa famille. Dans les pays membre du Conseil de l’Europe comme la France, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacre le droit de chacun·e au respect de sa vie privée et familiale. Les conditions pour rejoindre sa famille ou un proche ne sont cependant pas appliquées de façon uniforme dans tous les pays. De façon générale, les conditions d’obtention d’un titre de séjour pour des motifs de vie privée et familiale en France ont été considérablement durcies au gré des différentes réformes sur l’asile et l’immigration (conditions de ressources, caractéristiques du logement, etc.). Seule une infime partie des installations dans le pays concernent ces motifs[4].
Les migrations pour des raisons économiques ou d’éducation
Les personnes peuvent partir à la recherche de meilleures perspectives socio-économiques et tenter de travailler à l’étranger, tant dans le cadre d’un projet personnel que par besoin vital de subvenir à ses besoins. Certaines personnes vont pouvoir se rendre légalement dans le pays de destination pour travailler, dans des conditions facilitées par des espaces politiques régionaux de circulation dont elles sont ressortissantes (espace Schengen dans l’Union européenne par exemple) ou par des politiques de visas ouvertes des États. D’autres rencontrent des difficultés pour accéder à un permis de travail, or un tel permis conditionne l’obtention d’un visa et, selon la législation du pays d’arrivée, également le séjour longue durée. Néanmoins, beaucoup de personnes font le choix de se déplacer malgré l’absence d’autorisation des pays concernés, et sont employées dans des conditions informelles et contraires au droit du travail.
Partir pour des raisons économiques ne signifie pas seulement travailler pour soi-même. Les personnes travaillant à l’étranger peuvent envoyer des transferts de fonds vers leur pays d’origine, lesquels perçoivent des ressources qui jouent un rôle clé dans leur économie. À titre d’exemple, en 2022, 38% du produit intérieur brut (PIB) du Liban provenait des transferts de fonds de ses ressortissant·e·s établi·e·s hors de son territoire national[5].
De nombreuses personnes se déplacent également à l’étranger pour des raisons scolaires ou universitaires. Que cela soit pour suivre un cursus complet, pour bénéficier d’échanges courts ou s’installer plus durablement, la même logique s’applique pour les étudiant·e·s internationaux·ales. Par exemple, dans les pays de l’espace Schengen, les étudiant·e·s internationaux·ales devront s’affranchir d’une demande de visa payante et obtenir un titre de séjour pour pouvoir rester sur territoire dans lequel se trouve l’université d’accueil. Ces exigences ne seront pas demandées pour les ressortissant·e·s d’un pays de l’espace Schengen.
Les migrations pour des raisons de persécutions, de guerre et de violence
Certaines personnes sont déplacées car elles fuient les guerres civiles ou internationales, et les violations des droits humains. Elles peuvent alors se déplacer au sein de leur pays d’origine (déplacées internes) ou dans un pays voisin limitrophe ou non, qui devient pour un temps, un pays d’accueil. Elles peuvent, si l’État d’accueil est signataire de la convention de Genève ou par la présence du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), y demander une protection internationale, comme le statut de réfugié ou une protection subsidiaire ou temporaire. Néanmoins, l’accès au territoire pour le dépôt d’une demande d’asile et les critères de détermination dépendent de la politique de chaque État sous réserve du principe de non-refoulement[6]. En dépit de ce cadre international de protection, nombre de personnes fuyant des conflits ou de régimes de terreur qui, pour certains, perdurent depuis plusieurs décennies, se retrouvent dans des situations précaires et ne parviennent pas à obtenir de protection et une situation administrative stable et régulière qui leur permet de reprendre une vie normale.
Les migrations pour raisons environnementales.
Le réchauffement climatique en cours, les catastrophes écologiques résultat des activités humaines, et d’autres facteurs peuvent rendre invivables certaines parties du territoire et rendre impossibles les conditions de vie des personnes qui y résident et sont alors amenées, à quitter leur lieu de vie temporairement ou définitivement.
La communauté internationale ne s’est pas dotée d’un cadre légal spécifique à ces situations. Toutefois, parce que de tels bouleversements conduisent à des conflits, à des persécutions, des atteintes graves et des déplacements forcés, certaines personnes pourraient se voir reconnaître une des protections internationales existantes. La Convention de Genève et les autres instruments (comme la protection subsidiaire ou temporaire) peuvent être interprétés plus largement pour donner un statut aux personnes concernées.
Quels termes utiliser ? On entend souvent le terme de réfugié·e climatique ou migrant·e climatique. Ces termes n’englobent pas nécessairement l’ensemble des réalités. Les « migrations pour des causes environnementales » permettent de mieux rendre compte de la réalité car ils prennent également en considération les changements directement imputables à l’activité humaine, etc.
POUR ALLER PLUS LOIN :
CRID, « Les « Migrations Environnementales »… pour les Nul·le·s ! », novembre 2019
La Cimade, Petit guide Lutter contre les préjugés sur les personnes étrangères, édition 2022
La Cimade, Petit guide – Comprendre les migrations internationales, édition 2016
[1] Adapté du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, « Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales », p. 4, note de bas de page 2
[2] PNUD, « Au-delà des barrières : voix des migrants africains irréguliers en Europe », p. 40, 2019.
[3] Passport Index, classement
[4] La Cimade, Droit au séjour
[5] The World Bank, World Development Report 2023, « Migrants, refugees and societies », p. 129 (lien vers page de téléchargement)
[6] Ce principe est régi par l’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il interdit le retour des personnes réfugiés et des demandeurs d’asile vers des pays où ils risquent d’être persécutés.