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Migrant.es d’ici et d’ailleurs, exilé.es victimes des guerres, de la misère et de catastrophes ...
A l’occasion de la journée de l’Europe, La Cimade alerte sur la gravité de la situation des personnes mises en danger aux frontières européennes : Nous refusons que la « protection » des frontières prime sur la protection des vies humaines !
32 ans après la chute du mur de Berlin, 1 800 km de clôtures ont été construites ou sont en cours de construction aux frontières de l’Europe[1]. Ces murs, clôtures, barbelés et miradors s’accompagnent généralement d’une mobilisation policière accrue et sont les lieux de nombreuses violations des droits ainsi que d’actes de violence et d’humiliation à l’endroit des personnes exilées. En parallèle, les ressources engagées par les institutions et les Etats européens au service de la fermeture et de la militarisation de leurs frontières ont explosé. Pour ne citer que cet exemple, le budget de l’agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (Frontex) – dont les dérives et les pratiques irrespectueuses des droits humains sont documentées et dénoncées depuis plus de dix ans[2] – est passé de 6 à 543 millions d’euros entre 2005 et 2021 tandis que ses effectifs seront portés à 10 000 agent∙e∙s d’ici 2027.
Ces moyens humains, matériels et financiers colossaux ne visent pourtant qu’à empêcher l’entrée d’un nombre dérisoire de personnes : en 2021 un peu moins de 200 000 personnes sans papiers auraient rejoint l’Europe, ce qui représente 0,04 % de la population européenne[3]. Sur leurs routes, ces personnes sont susceptibles d’être interceptées et refoulées, parfois avec violence, par les agent.e.s de contrôle de l’UE et de ses Etats membres. C’est le cas en mer Egée ou le long du fleuve Evros à la frontière gréco-turque, à la frontière hispano-marocaine près des enclaves de Ceuta et Melilla, en Méditerranée, en passant la route des Balkans et jusqu’à nos frontières françaises avec l’Espagne et l’Italie.
Dans un rapport publié le 7 avril 2022, le Conseil de l’Europe dénonce ce « refoulement généralisé aux frontières » qu’il qualifie de « problème paneuropéen systématique »[4] et critique les Etats membres de l’UE qui se rendent responsables de ces pratiques illégales (Autriche, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne).
Le nouveau pacte européen sur les migrations et l’asile, actuellement en cours de négociation au sein des instances européennes[5], semble n’être qu’un nouveau cadre de plus pour poursuivre cette approche répressive et sécuritaire des mouvements migratoires. La France, qui occupe actuellement la Présidence du Conseil de l’UE, soutient par exemple la proposition de la Commission européenne de créer de nouveaux camps associés à une « procédure de filtrage accélérée » aux frontières extérieures de l’Union européenne. Cette nouvelle procédure tend une fois de plus à généraliser des procédures dérogatoires, en privant les personnes concernées d’un bon nombre de garanties procédurales et d’un examen individuel de leur situation. Ce « filtrage » n’est rien d’autre qu’un tri visant à dissuader et à empêcher un maximum de personnes d’entrer sur le territoire européen.
Ces pratiques de refoulement se poursuivent également aux frontières intérieures de l’UE. Depuis plus de six ans, la France – de même que plusieurs Etats membres de l’espace Schengen[6] – justifie le rétablissement des contrôles à ses frontières, au motif d’une « menace » persistante liée au terrorisme et aux mouvements de populations. Or, le travail d’observations que nous menons depuis plusieurs années avec nos partenaires[7] aux frontières françaises démontre que le contrôle migratoire prime. Sur le terrain, nous constatons que les motifs de sécurité servent de prétexte pour renforcer des logiques de refoulement. Rien qu’à la frontière franco-italienne, plus de 24 000 refus d’entrée ont été notifiées par les autorités françaises depuis Menton et Montgenèvre en 2020, soit environ 65 personnes renvoyées de l’autre côté de la frontière chaque jour[8]. Parmi elles, des familles, des femmes enceintes et des enfants en bas âge. De nombreuses personnes en quête de protection ont perdu la vie à des frontières intérieures européennes, notamment aux frontières françaises avec l’Italie[9] et avec l’Espagne[10], en tentant des passages risqués[11] pour éviter d’être contrôlées, enfermées et refoulées immédiatement sans prise en compte de leur minorité ou de leur demande d’asile.
L’Europe traverse une crise politique profonde caractérisée d’un côté par l’accueil concret des Etats membres de personnes réfugiées ukrainiennes, perçues comme de « vrais réfugiés » et de l’autre par l’absence de volonté commune des mêmes Etats de répondre aux enjeux de l’accueil d’autres personnes exilées considérées comme moins désirables[12], autrement que par la poursuite et l’aggravation des logiques de fermeture. En se focalisant sur des mesures sécuritaires visant à dissuader, repousser, traquer, ficher, maltraiter les personnes, les responsables des politiques migratoires confortent la perception que ces familles, ces femmes, ces hommes et ces enfants, seraient une menace pour l’Europe. Loin d’apaiser les peurs, ils ne font que légitimer les idéologies xénophobes et aggraver les fractures sur notre continent.
La Cimade appelle l’UE et ses Etats membres à accueillir toute personne en danger aux frontières afin d’examiner avec attention et impartialité chaque situation et d’assurer le respect des droits de toutes et tous. Aux frontières maritimes en particulier, l’obligation de porter secours aux passagers d’un bateau en difficulté et le débarquement des personnes dans un lieu sûr dans les meilleurs délais doivent être garantis. Respecter les valeurs fondatrices de l’Europe implique également de défendre le principe de la libre circulation dans l’Espace Schengen, l’un des socles de la construction européenne.
[1] Telegraph, Enquête « Fortress Europe », 21 décembre 2021
[2] Voir les communiqués du réseau Migreurop (dont La Cimade est membres) du 8 décembre 2020 Frontex, 15 ans d’impunité : l’agence hors la loi doit disparaître ! et du 5 mai 2022 Il ne suffit pas de changer le Directeur, c’est Frontex qu’il faut supprimer ! 5 mai 2022
[3] Frontex, UE External borders 2021 : Arrivals above pre-pandemic levels, 11 janvier 2022
[4] Conseil de l’Europe, Repoussés au-delà des limites. Quatre domaines d’action urgente pour faire cesser les violations de droits de l’homme aux frontières européennes, 7 avril 2022
[5] La Cimade, Pacte européen migrations et asile : le rendez-vous manqué de l’UE, 25 septembre 2020
[6] L’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège.
[7] Dans le cadre du projet de la Coordination d’action aux frontières intérieures (CAFI) et en partenariat avec l’ANAFE
[8] Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur français
[9] principalement des cas d’électrocution à bord des trains et de collision sur la voie ferrée Nice-Vintimille ainsi que des cas de chute ou d’hypothermie sur les chemins de montagne du Briançonnais
[10] Principalement des cas de noyade dans la Bidassoa, rivière frontière soumise aux marées
[11] Voir les communiqués conjoints du 15 octobre 2021 Ne laissons pas le contrôle des frontières primer sur la protection des vies humaines et du 9 décembre 2021 Hécatombe aux frontières : identifier les responsables.
[12] Voir le communique du réseau Migreurop (dont La Cimade est membre) du 23 mars 2022 Accueil sélectif aux frontières européennes : du racisme des politiques migratoires
Auteur: Pôle Europe et International
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