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La nuit des tentes : le pire s’est produit. L’horreur et l’indigne, la statue de la République était pétrifiée.

24 novembre 2020

Le pire n’est pas les images, c’est la nuit qui a de nouveau avalé les exilé·e·s dehors
Le pire est que les 400 exilé·e·s présent·e·s à 19h, place de la République, dormiront de nouveau dehors cette nuit, loin à Clichy, loin à Saint-Denis, caché·e·s sous les ponts des canaux ou ailleurs, invisibles. Le pire est que de nouveau, nous ne les verrons pas s’endormir blessé·e·s dans le froid.

Communiqué commun – Paris, le 24 novembre 2020

Le pire n’est pas les images, c’est la nuit qui a de nouveau avalé les exilé·e·s dehors

Le pire est que les 400 exilé·e·s présent·e·s à 19h, place de la République, dormiront de nouveau dehors cette nuit, loin à Clichy, loin à Saint-Denis, caché·e·s sous les ponts des canaux ou ailleurs, invisibles. Le pire est que de nouveau, nous ne les verrons pas s’endormir blessé·e·s dans le froid.

Non, l’épouvantable n’est pas arrivé lorsque la police a sorti les exilés, à 20h, des tentes que l’association Utopia 56 avait dressées sur la place de la République [1]. Les forces de l’ordre ont commencé à jeter plusieurs centaines de tentes achetées ce week-end pour les mettre à l’abri. Les corps délaissés des exilé·e·s, sortis de force, les tissus légers volant dans les airs, de mains en mains policières, les toiles bientôt déchirées, les visages de toutes et tous fatigués… Nous n’étions là qu’au début.

Non plus, ce n’était pas le pire lorsque avocates et avocats de Droits d’urgence, du Bus de la solidarité, du Conseil national du barreau, ont plaidé sans succès devant les forces de l’ordre pour éviter les charges de la police. Ils et elles se sont fait·e·s charger comme toutes les personnes exilées, et les associations présentes. Il était 21h, place de la République, et les trois charges successives de la police n’étaient toujours pas le pire contre ce campement de fortune et ces défenseur·euse·s comme les associations et collectifs Utopia, la Ligue des Droits de l’homme (LDH), Solidarité Migrants Wilson.

Encore, des élu·e·s de la République, l’écharpe tricolore devant les tentes, protégeant les exilé·e·s et les soutiens, ont été bousculé·e·s sans raison. Ce n’était pas non plus l’impuissance des élu·e·s face à la force publique qui était le plus traumatisant ce soir. Non, la plus grande colère n’a pas été causée par ces démantèlements organisés et violents des chaînes pacifistes d’hommes et de femmes, des associations et collectifs de la LDH, d’Utopia, de Médecin du monde, des élu·e·s et des avocat·e·s. Les vagues policières ont brisé ces chaînes de solidarité ; nous n’étions encore qu’au début.

Plus tard, élu·e·s, exilé·e·s, associations, pourchassé·e·s dans les rues de Paris. Ce n’était pas le pire pour ce soir, malgré les coups de matraque pour ceux et celles qui ne couraient pas assez vite, malgré la résignation qui gagnait tous les cœurs devant l’absence de solutions d’hébergement que pourtant certain·e·s élu·e·s proposaient à la préfecture de Paris. De 21h à 1h du matin, cette longue course parsemée de charges policières, de tirs de LBD, de grenades de désencerclement, de milliers de forces de l’ordre quadrillant l’espace pour deux cents personnes, cette longue marche absurde, sans cohérence ni respect des droits, n’a pas été le plus triste cette nuit.

Le pire n’est pas les images choquantes, horribles et indignes, ces vidéos de personnes exilées pourchassées, de journalistes piétinés par les forces de l’ordre ou d’élu·e·s maltraité·e·s. Ces images qui circuleront les prochains jours dans tous les médias et réseaux associatifs, ne montrent pas la véritable horreur.

Le pire s’est produit : ils et elles resteront dehors cette nuit. Là est la folie.

Et les nuits à venir, ils et elles seront là ou reviendront, d’autres s’y ajouteront, là est l’indicible. Tant que ce cycle sans cohérence d’évacuations bâclées continue, tant que les dispositions législatives ne permettent pas à toute personne demandeuse d’asile, réfugiée ou sans-papier, sans distinction, l’accès à un hébergement digne, tant que les fonds étatiques seront insuffisants pour créer des places d’accueil véritable, le système perdura malgré les éclats violents d’une nuit. De Calais à Paris, à la Roya, les mêmes méthodes s’installent petit à petit sur tout le territoire.

La plus lourde faute de l’État se trouve plus loin, ancrée plus profondément. Au-delà du droit international et français bafoués, c’est la destruction de l’espoir qui en anime pourtant plus d’un·e. Espoir d’une vie meilleure après des vies persécutées, espoir d’avoir ici un droit inaltérable, simple et nécessaire, d’obtenir protection : un accueil, un toit et une procédure d’asile respectant les droits.

Nous étions sous la statue de la République, réclamant l’application des principes du droit républicain. Nous n’avons vu qu’un déchaînement de violences inutiles, sans solutions d’hébergement pour ces 400 personnes exilées.

La statue n’a pas réagi cette nuit, elle est restée seule sur la place vidée, pleurant ses droits, une fois de plus, piétinés.

Premiers signataires :

Utopia 56, Droits d’Urgence, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Solidarité migrants Wilson, Syndicat des avocats de France (SAF), Elena, Réseau d’éducation sans frontières (RESF), Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Cimade Ile-de-France, Dom’Asile, Syndicat de la magistrature, Emmaüs France, Mrap, Paris d’exil, CCFD Terre solidaire, Jeune garde de Paris, France famille humanité

 

[1] 20000 euros de budget selon l’association

[Crédits photo : Solidarité migrants Wilson]

 

 

Auteur: Admin_Ile_de_France

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