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L’administration numérique pour les étrangers en France étrillée par le Défenseur des droits

19 décembre 2024

Dans un rapport publié le 11 décembre dernier, le Défenseur des droits (DDD) détaille les dysfonctionnements du téléservice public dédié aux démarches de demandes de titres de séjour. Deux ans et demi après la décision du Conseil d’Etat* venant encadrer le recours à l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), nos préconisations pour garantir aux personnes étrangères l’accès normal au service public et un exercice effectif de leurs droits demeurent opportunes.

Les saisines du Défenseur des droits relatives aux atteintes portées aux droits des personnes étrangères devraient concerner plus d’un tiers des réclamations enregistrées en 2024. Cela représente une augmentation de 400% en quatre ans selon le rapport du DDD intitulé « L’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) : une dématérialisation à l’origine d’atteintes massives aux droits des usagers ».  

Loin de répondre à son objectif de simplification des démarches administratives, l’ANEF entrave l’accès aux droits pour de nombreuses personnes étrangères en France.  

Bugs techniques, couacs de conception, défaillances mettant en danger les personnes vulnérables, insuffisances et illisibilité de l’information sont autant d’obstacles qui fragilisent le quotidien des usagers et usagères du téléservice de demandes de titre de séjour. Les nombreux exemples cités par le Défenseur des droits corroborent les difficultés vécues par les personnes accompagnées dans nos permanences. 

Appréhendée comme étant une avancée notable, le téléchargement de documents provisoires de séjour est semé d’embuches : absences de la mention que la personne titulaire est autorisée à travailler, renouvellements tardifs, difficultés d’opposabilité de ces documents auprès de France Travail, de l’Assurance maladie ou des bailleurs dans le cadre d’une recherche de logement social.   

 

C’est l’occasion pour La Cimade d’alerter sur l’apparition de sites internet et d’intermédiaires commerciaux qui entendent s’appuyer sur la détresse des personnes confrontées au dédale administratif pour proposer des prestations tarifées d’assistance juridique. Bien que relevant d’un parcours kafkaïen, la réalisation des démarches en ligne sur le site de l’ANEF est gratuite. En cas de doute, il est conseillé de se rapprocher d’une association.  

 

Par ailleurs, le Défenseur des droits dénonce l’inconsistance des dispositifs d’accompagnement et de substitution prévus par voie réglementaire.  

C’est très tardivement, par un arrêté du 1er août 2023 que le gouvernement est venu préciser les modalités du dispositif d’accompagnement et des solutions de substitution que le Conseil d’Etat prescrivait dans sa décision du 3 juin 2022.  

  • l’accompagnement est mis à la charge du centre de contact citoyen (CCC) de l’agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et des points d’accueil numérique (PAN) des préfectures et des sous-préfectures. Or, le Défenseur des droits indique que le CCC « ne peut pas […] résoudre ou contourner lui-même des blocages informatiques rencontrés par l’usager, faute de disposer de prérogatives informatiques suffisantes » et ajoute « de façon générale, l’information délivrée par le CCC paraît insuffisante ». Il est également à noter que « la difficulté d’accès au PAN est d’ailleurs fréquemment relevée par les services du Défenseur des droits, et notamment par ses délégués. » 
  • selon l’arrêté du 1er août 2023, la mise en œuvre de la solution de substitution (rendez-vous physique individuel, courrier, courriel)  ne peut intervenir qu’après constat de l’impossibilité technique de déposer sa demande en ligne malgré le recours aux dispositifs d’accompagnement. Au-delà du caractère subsidiaire de l’accès à cette solution alternative au dépôt en ligne, le Défenseur des droits fait état du manque d’informations accessibles à ce sujet.  

Nombre de recommandations formulées par le Défenseur des droits dans son rapport rejoignent les revendications de La Cimade, à savoir :  

  • Garantir la possibilité de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable 
  • Renforcer durablement les moyens humains affectés aux préfectures 
  • Améliorer le régime des documents de séjour dématérialisés pour mieux garantir les droits qui s’y attachent, notamment en mettant en œuvre le renouvellement automatique des attestations de prolongation d’instruction 
  • Faire évoluer les missions du CCC en dotant ses agents de prérogatives leur permettant de lever un ensemble de blocages techniques et du PAN en affectant à cette mission des agents formés au droit au séjour des étrangers et à la médiation numérique  

Dans la continuité du rapport du Défenseur des droits, La Cimade s’est jointe à la Fédération des acteurs de solidarité aux côtés de 8 autres associations signataires pour interpeller le ministre de l’intérieur sur les graves carences de l’ANEF et les manquements de l’Etat à ses obligations relatives à l’accès aux droits des personnes étrangères.  

*Conseil d’Etat, 3 juin 2022, n° 452798.  

Pour aller plus loin : Dématérialisation des demandes de titre de séjour : les pouvoirs publics font l’autruche 

Auteur: Service communication

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