Quoi qu’il en coûte… pour leur vie
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À Paris depuis le printemps 2015, l’arrivée de nombreuses personnes exilées a donné lieu à la formation de campements précaires de plusieurs milliers de personnes dans les rues de Paris (Afghans, Érythréens, Soudanais, etc.). La réponse des pouvoirs publics a alterné depuis entre répression et mise à l’abri humanitaire.
En novembre 2016, la mairie de Paris ouvre un camp dit humanitaire pour accueillir et héberger les hommes isolés, d’une capacité de 400 places complété par un autre lieu réservé aux femmes et familles situé à Ivry de 400 places également. Ces hommes y sont tout d’abord accueillis, après un entretien d’évaluation, pour une période de trois à cinq jours. Cette initiative salutaire devait permettre de mettre fin aux infamants campements.
Mais ce lieu d’accueil a un côté obscur, dispositif à la limite de la légalité mis en place à la demande du préfet de police et du ministère de l’intérieur pour endiguer l’augmentation de demandeurs d’asile dublinés (près de la moitié des demandes d’asile en Ile-de-France fin 2016). Pour pouvoir être orientées vers un lieu d’hébergement, les personnes ont l’obligation de se rendre dans le centre d’examen de situation administrative – CESA – créé spécifiquement pour les personnes hébergées dans ce camp humanitaire. Sans examen individuel et sans que les personnes puissent manifester leur intention de demander asile, leurs empreintes sont relevées et comparées aux relevés du fichier européen Eurodac au vu de l’application du règlement Dublin. En cas de résultat positif, la préfecture enclenche immédiatement une procédure de reprise en charge auprès du pays responsable. En février 2017, les personnes dublinées représentent 90% des personnes passées par le CESA.
Après le passage par le CESA, la minorité de personnes qui peut déposer une demande d’asile en France est orientée vers un centre d’accueil et d’orientation – CAO – dans les autres régions de France.
Les personnes dublinées sont, quant à elles, orientées vers les 93 centres d’hébergement d’urgence pour migrants – CHUM – en Ile de France où les conditions d’hébergement et d’accompagnement sont très disparates*. Les travailleurs sociaux le plus souvent sans connaissance pointue sur la procédure Dublin y sont désemparés.
Ces CHUM sont l’objet d’un cahier de charges particulier. Pour s’y maintenir, les personnes doivent se présenter à toutes les convocations de l’administration ainsi qu’à celles d’évaluation administrative et sociale du GIP HIS, mandaté par le préfet de région. Surtout, elles sont, le plus souvent, empêchées par les préfectures de déposer leur demande d’asile au motif qu’elles sont passées par le CESA parisien. Par conséquent, elles sont privées de l’allocation pour demandeur d’asile qui est versée à tous les demandeurs d’asile si la demande est enregistrée. Lors d’une des convocations en préfecture, elles sont interpellées et conduites dans un centre de rétention (45 personnes ont été placées dans les centres du Mesnil-Amelot depuis janvier 2017). Si, par crainte d’une expulsion, une personne ne s’y présente pas, la préfecture n’hésite pas prolonger la procédure Dublin d’un an en la considérant en fuite. Cette prolongation de la procédure Dublin, promue par une instruction du ministère de l’intérieur de juillet 2016, semble être une autre stratégie que les préfectures utilisent abondamment pour décourager l’enregistrement des demandes d’asile en France. Mais, ce faisant, elles prennent aussi le risque de saturer inutilement les centres d’hébergement où les personnes continuent d’être prises en charges.
Pourtant, concernant les ex calaisiens, le ministère de l’intérieur a enfin pris les mesures pour demander aux préfets de « dédubliniser » les personnes hébergées en CAO qui avaient été évacuées du bidonville de Calais, respectant ainsi la promesse de Bernard Cazeneuve d’octobre 2016. Cela prouve que quand la volonté politique existe, il est possible de ne pas imposer la procédure Dublin aux personnes qui sollicitent l’asile en France.
Au demeurant, nous pouvons nous interroger sur l’objectif de réduction des campements parisiens qui prévalait avant l’ouverture du centre. Les campements n’ont pas réellement disparu de la capitale puisque les capacités du centre sont inférieures aux arrivées régulières de migrants et que depuis quelques semaines, les propositions de réorientations en CAO ou en CHUM s’essoufflent du fait de leur saturation par les dublinés. L’ouverture du centre sert également de justificatif à un durcissement cynique de la répression contre les migrants en errance : épisode des couvertures confisquées, interdictions de distributions alimentaire, mise en place de blocs de pierre pour empêcher les personnes de dormir sur les trottoirs, arrestations et délivrances massives de mesure d’éloignement aux alentours du centre le 22 février dernier, etc.
Ce dispositif sui generis ne garantit pas les droits des personnes. La Cimade estime que toute personne qui demande une protection internationale doit pouvoir le faire dans les plus brefs délais suivant une procédure unique quelle que soit sa nationalité, son parcours migratoire, sa situation administrative. La Cimade demande à ce que la répression contre les personnes exilées cesse, que le CESA soit supprimé afin de garantir un accueil inconditionnel et que les personnes dublinées puissent déposer une demande d’asile en France.
La Cimade IDF, le 9 mars 2017
*NB : pour illustrer les conditions de prise en charge disparates dans les CHUM, nous publions ici un appel des migrants hébergés au centre d’hébergement de Champcueil (91).
Photographie : P’tits Déj à Flandre
Auteur: Admin_Ile_de_France
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