Réaffirmons notre rôle de vigie, défendons nos libertés
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La France connaît aujourd’hui une grave crise de l’asile qui rappelle celle du début des années 2000. À l’insuffisance chronique des places disponibles dans le système d’accueil s’ajoute, depuis mai 2009, une nouvelle réforme dite de « régionalisation » qui oblige les demandeurs d’asile à déposer leur demande à la préfecture de région et non plus à la sous-préfecture la plus proche de leur lieu de « résidence » provisoire… Conséquence : un dispositif d’accueil déstabilisé et des demandeurs d’asile livrés à eux-mêmes, en contradiction avec les engagements internationaux de la France.
À l’insuffisance chronique des places disponibles dans le système d’accueil s’ajoute, depuis mai 2009, une nouvelle réforme dite de « régionalisation » qui oblige les demandeurs d’asile à déposer leur demande à la préfecture de région et non plus à la sous-préfecture la plus proche de leur lieu de « résidence » provisoire… Conséquence : un dispositif d’accueil déstabilisé et des demandeurs d’asile livrés à eux-mêmes, en contradiction avec les engagements internationaux de la France.
Pontoise, Val d’Oise : des dizaines de demandeurs d’asile soudanais et somaliens, ayant fui les violences du Darfour, n’ont eu d’autre choix cet hiver que de s’installer dans une caserne militaire désaffectée, sans aucun équipement ni eau, électricité ou chauffage. Ils ont vécu dans ces conditions inacceptables jusqu’à ce que l’association AFTAM leur aménage un foyer d’urgence dans une aile de la caserne. Sur demande de la préfecture, certains d’entre eux ont également été pris en charge par le 115, qui leur a trouvé des places d’hébergement d’urgence dans deux hôtels de Gonesse et de Saint-Ouen l’Aumône. Mais le 31 mars a sonné la fin de la trêve hivernale et la décision, par la préfecture, d’évacuer d’une part de la caserne les demandeurs n’ayant toujours pas trouvé d’autre solution d’hébergement et, d’autre part, de suspendre la prise en charge par le 115 des demandeurs hébergés dans les hôtels. De nombreuses associations comme La Cimade sont aujourd’hui mobilisées pour leur venir en aide et éviter qu’ils ne se retrouvent à la rue ou condamnés à errer de squat en squat…
Rennes, Ille-et-Vilaine : de nombreux Kurdes, qui avaient été pris en charge par le 115 et logés à l’hôtel, ont été évacués sans solution d’hébergement. Une famille de Serbes, un couple d’Érythrée dont la femme est enceinte de 8 mois, une femme isolée avec un enfant malade ou encore un couple d’Albanais et leur fille adolescente se sont aussi retrouvés à la rue à la fin de la trêve hivernale, et la liste s’allonge de jour en jour…
Tous ces cas ne sont pas isolés et se multiplient partout en France, à Angers, Bordeaux, Cayenne, Metz, Mulhouse, Nice, Paris, Poitiers, Calais, Tarbes ou Tours… Des centaines de demandeurs d’asile sont ainsi contraints de dormir dehors ou de squatter des bâtiments… Comment en est-on arrivé là alors que la loi de notre pays impose d’assurer aux demandeurs d’asile des conditions décentes d’accueil et d’hébergement ?
Les dégâts de la régionalisation des demandes d’asile
En France, c’est l’Ofpra(1) qui est chargé de recevoir et d’instruire les demandes d’asile. Mais la procédure doit se faire en deux temps : pour accéder au formulaire qu’il devra adresser à l’Ofpra, le demandeur d’asile doit d’abord se rendre en préfecture, où lui sera également remis un titre de séjour provisoire et où doit lui être proposé un hébergement en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) ou, à défaut, une autre solution d’hébergement ou encore une allocation journalière pendant toute la durée de sa procédure de demande d’asile.
Cette procédure dite « normale » a connu, ces dernières, années de nombreuses dérives dans le but de réduire le nombre de demandes d’asile. La multiplication des procédures « d’exception » (Dublin II et procédure prioritaire), qui concernent aujourd’hui près de 40% des demandeurs d’asile, a notamment transformé la demande d’asile en parcours du combattant et développé une véritable « migrerrance » au sein de la France et de l’Europe(2).
Mais depuis 2009, la procédure dite « normale » a elle aussi été frappée de plein fouet par la régionalisation des demandes d’asile, généralisée en mai à toutes les régions françaises excepté l’Ile-de-France, l’Alsace et la Corse. Désormais, les demandeurs d’asile doivent ainsi s’adresser à la préfecture de région et non plus, comme avant, à la préfecture la plus proche de leur lieu de « résidence ». Pourquoi une telle réforme ? Tout d’abord pour utiliser au mieux les coûteuses bornes du fichier EURODAC, qui servent à relever les empreintes digitales des demandeurs d’asile afin de vérifier qu’ils ne sont pas passés par un autre pays d’Europe et que leur demande est bien éligible en France(3). Ensuite, pour concentrer sur un seul lieu l’enregistrement des demandes d’hébergement en CADA.
Les conséquences pour les demandeurs d’asile sont désastreuses : pour se rendre à la préfecture de région dont ils dépendent, beaucoup sont obligés de parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres… Plus grave encore, cette réforme, qui s’est effectuée à effectifs constants, n’a pas été accompagnée de l’augmentation de moyens nécessaire pour faire face à un nombre plus important de demandes d’asile (+12% en 2009). Résultat : des délais de convocation qui peuvent désormais aller jusqu’à un mois, la limitation de l’accueil des personnes et, surtout, une crise sans précédent des conditions de prise en charge des demandeurs d’asile…
Un dispositif d’accueil au bord de l’explosion
On compte aujourd’hui 21 400 places de CADA sur l’ensemble du territoire métropolitain (mais aucune en Guyane, où survivent 900 demandeurs d’asile, ni à Mayotte), mais cela ne suffit pas à accueillir l’ensemble des demandeurs d’asile. En 2009 seulement 26% des demandes d’asile déposées on été suivies d’une entrée en CADA. Les autres, soit plus de 30 000 personnes, sont inscrites sur les listes d’attente ou sont exclues parce que faisant l’objet d’une procédure prioritaire. Les 1 000 places supplémentaires annoncées par le ministère de l’Immigration en 2010 ne suffiront donc pas pour accueillir tous ceux qui ont cruellement besoin d’accueil et de protection.
Pour pallier les défaillances de ce dispositif, et surtout les délais d’attente de plusieurs mois pour obtenir une place en CADA, des plateformes d’accueil ont été progressivement mises en place à partir de l’année 2000. Leur rôle : assurer le premier accueil des demandeurs d’asile, les aider dans la rédaction de leur formulaire Ofpra et les accompagner dans leurs démarches sociales et juridiques.
La régionalisation des demandes d’asile s’est accompagnée d’une politique de réduction du nombre de ces plateformes : 25 plateformes et points d’accueil ont été supprimés en 2008 et, suite à une baisse continue des subventions qui leur sont accordées, il ne devrait plus en subsister qu’une petite trentaine en 2010. Parallèlement, il était décidé de confier à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII)(4) la mission d’assurer ce premier accueil dans la plupart des régions, seul ou en partenariat avec les plateformes d’accueil restant opérationnelles. Mais là encore les moyens alloués à l’OFII ne sont pas à la hauteur d’une telle mission, qui par la même occasion a été réduite à une simple information des demandeurs d’asile, l’aide éventuelle à la rédaction de leur demande et leur orientation vers les services sociaux… Mais leur hébergement d’urgence, l’aide matérielle à laquelle ils ont droit ou encore le remboursement de leurs frais de transport pour se rendre à la préfecture ou à l’Ofpra ne sont, eux, prévus qu’à titre « exceptionnel ».
Cet accompagnement et la prise en charge de ces frais repose donc de plus en plus sur des associations comme La Cimade dont les bénévoles doivent, sur le terrain, faire face à des situations toujours plus dramatiques.
(1) Office français de protection des réfugiés et apatrides.
(2) Voir Actions Communes n°21 de décembre 2009 et sur Internet : lacimade.org > publications > Voyage au centre de l’asile.
(3) Depuis 1995, le règlement Dublin II a instauré le principe « une seule demande dans un seul pays d’Europe ».
(4) Anciennement ANAEM.
Auteur: Service communication
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