Réaffirmons notre rôle de vigie, défendons nos libertés
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Alors que le Conseil européen des 28 et 29 juin était annoncé comme une échéance clé pour trouver des solutions aux fortes tensions entre plusieurs États membres de l’Union européenne, cristallisées autour de la question migratoire, le résultat n’est pas, une fois de plus, à la hauteur des enjeux. Bien au contraire, les conclusions de ce Conseil montrent que des heures de discussions et des semaines de polémiques n’ont abouti sur…rien ou presque.
Les enjeux entourant le Conseil européen des 28 et 29 étaient de taille. En effet, sur fond de tensions fortes entre États membres sur la question migratoire et surmédiatisation de cette réunion européenne, ces derniers étaient appelés à se mettre d’accord sur les grands principes d’une réforme de l’asile en Europe. Avec l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir en Italie et l’Autriche à la présidence de l’UE à partir du mois de juillet, les perspectives d’aboutir à un système de solidarité européenne ambitieux se réduisent pourtant de plus en plus. Plusieurs États, dont la France, ne s’encombrent d’ailleurs plus des conventions internationales et européennes et refoulent quotidiennement des personnes en quête de protection. Les navires Aquarius et Lifeline se sont par ailleurs vus empêchés d’accoster en Italie ou à Malte pendant plusieurs jours, en violation du droit maritime. L’Aquarius a d’ailleurs dû parcourir la Méditerranée pour finalement débarquer les 629 personnes naufragées en Espagne. Pendant que les États s’agitent pour criminaliser les ONG intervenant en mer, à l’instar du président français affirmant que celles-ci feraient le jeu des passeurs, les naufrages se multiplient et le nombre de personnes mortes et disparues en mer avec.
Les 12 points de « consensus » auxquels sont arrivés les États membres après une nuit entière de pourparlers laissent un goût particulier amer : alors que ceux-ci étaient clairement attendus pour avancer sur la réforme du règlement Dublin et sur la question des naufrages en mer, ce sont à nouveau les vieilles recettes qui sont sorties du chapeau. Externalisation vers des pays tiers en évoquant l’idée de plateformes régionales de débarquement et ce, alors que les pays évoqués comme ceux du Maghreb et l’Albanie ont déjà clairement annoncé qu’ils refuseraient ce genre de deal. Renforcement des frontières extérieures avec toujours plus de moyens humains et matériels pour l’agence Frontex et poursuite de la sous-traitance du contrôle aux gardes-frontières turcs, libyens, nigériens etc. pour empêcher les personnes de quitter ces territoires.
Quant à la solidarité européenne, elle est complètement absente des conclusions. Les nombreux naufrages en Méditerranée ne sont même pas évoqués, sauf à dire que les navires en Méditerranée ne doivent pas « faire obstacle aux opérations des garde-côtes libyens ». Pour les personnes arrivant néanmoins sur le territoire européen, la vieille idée de hotspots est réactivée mais sur une « base volontaire » des Etats, sans précision des lieux, des conditions d’enfermement des personnes exilées, ni des procédures de détermination des besoins de protection. Autant dire, une coquille vide, qu’aucun Etat ne souhaitera voir se mettre en place sur son territoire. Enfin, la question de la réforme du régime d’asile européen commun, qui était censé être le cœur des discussions, est à peine abordée, laissant ainsi entendre que les négociations ne sont pas prêtes d’aboutir. Pourtant, cela fait des mois que le Parlement européen a adopté une position, d’ailleurs beaucoup plus ambitieuse et européenne que celle que proposait la Commission européenne au départ.
Depuis près de vingt ans, La Cimade et ses partenaires en Europe et à l’international sont témoins des conséquences de politiques migratoires pensées en priorité par le prisme de la fermeture et la répression. Dans ses prises de position, ses constats de terrain, ses publications régulières sur les frontières, l’externalisation, l’enfermement ou encore le droit d’asile (voir ici le dernier rapport d’observation de La Cimade : Dedans, dehors, une Europe qui s’enferme), La Cimade n’a de cesse d’alarmer l’opinion publique et les responsables politiques sur les conséquences mortelles de ces orientations. Mise en danger des personnes en migration, violation des droits fondamentaux, effritement de la liberté de circulation dans l’espace Schengen, multiplication des morts et disparus à nos frontières, en Méditerranée mais aussi de plus en plus loin dans les geôles libyennes ou dans les étendues du Sahara. Ces politiques renforcent les réseaux criminels, rendent les routes plus dangereuses pour les personnes exilées et se révèlent incompatibles avec l’idée de solidarité européenne et avec les valeurs qui font l’essence même de la construction européenne.
Il y a bien trop longtemps que des personnes continuent de mourir car les États européens préfèrent se refermer sur leurs frontières nationales au lieu de s’entendre pour accueillir.
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Photographie : Sauvetage par SOS Méditerranée dans les eaux internationales au large de la Libye, octobre 2017. © Anthony Jean
Auteur: Pôle Europe et International
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