Pour l’avenir de Mayotte, l’Etat promet toujours plus d’inégalités
Alors que la colère gronde à Mayotte et que les revendications se font plus pressantes que ...
« Tout pour les Français, rien pour les autres. Je vais tout couper : le droit du sol, c’est fini. Les aides sociales pour les clandestins, c’est terminé. Les soins pour les clandestins, c’est terminé. La scolarisation des enfants des clandestins, c’est terminé ». Sur une île où près de la moitié de la population est étrangère, avec de nombreuses personnes en situation irrégulière, rarement de tels propos d’un politique n’auront été aussi dangereux, pour les Comoriens et pour la population de Mayotte dans son ensemble.
Depuis début décembre, Marine Le Pen est de retour sur les médias français. Sa sortie médiatique pour demander la fin de la scolarité des enfants de « clandestins » devant un institut de sondage a eu le don de relancer sa campagne. Pourtant, c’est quelques jours auparavant, à Mayotte, 101ème département français depuis 2011, que la Présidente du Front National avait pour la première fois tenu ce discours.
Si plusieurs observateurs locaux se sont questionnés sur une telle visite dans un département où 95% de la population est musulmane, cela n’a pas empêché Marine Le Pen d’y avoir un accueil bienveillant et un écho auprès d’une partie de la population mahoraise et pour cause : ses multiples attaques envers les personnes étrangères et/ou migrantes, ses raccourcis mêlant immigration et délinquance, ne pouvaient que trouver un public à Mayotte. Avec une augmentation des violences ces dernières années, avec un véritable enjeu démographique et une immigration qui est présentée comme étant à l’origine de la majorité des maux de l’île, le terreau est fertile pour les discours d’extrême-droite.
Emportée par sa vision frontiste classique visant à stigmatiser les Comoriens, Marine Le Pen a en réalité montré qu’elle n’a aucune solution concrète pour l’île ; les uniques pistes qu’elle propose ne peuvent être que dangereuses pour les habitants de Mayotte.
Ainsi, dans une île où 50% des habitants sont mineurs, ses propositions en termes de scolarisation, prises au pied de la lettre, pousseraient des dizaines de milliers de jeunes hors du cadre scolaire, créant une véritable bombe à retardement sur un territoire grand de 374 km2. À l’heure où l’on s’inquiète de la non-scolarisation de « quelques » milliers de jeunes à Mayotte et de l’accroissement de la délinquance juvénile, le Front national semble être en décalage total avec les besoins de l’île, ses véritables enjeux et les dangers qui la guettent.
La question de l’accès aux soins est elle aussi particulièrement prégnante : alors que la gratuité des soins pour les mineurs et les femmes enceintes a été obtenue il y a un an seulement, après une intense mobilisation de Médecins du Monde, Marine Le Pen voudrait couper l’accès aux soins pour…. 100 à 150 000 personnes. Au-delà du caractère inhumain d’une telle décision, les plus cyniques regretteront les probables conséquences en termes de santé publique. Qu’arriverait-il si une épidémie de choléra ou de dengue se déclenchait en pleine saison des pluies ?
En s’attaquant de plein fouet aux droits des étrangers et en s’enfermant dans une vision sécuritaire du territoire mahorais, la candidate frontiste rappelle l’étendue du danger que son parti représente. A travers ses propos, elle menace l’ensemble des Mahorais, ceux-là même qu’elle prétend vouloir aider.
En se refusant à aborder les questions de fonds, tels que les enjeux de circulation et de relations économiques historiques avec l’archipel des Comores, l’héritage colonial, la départementalisation à marche forcée ou encore la formation de la jeunesse, le Front national met en lumière le fond de sa pensée, : déshumanisé et contraire aux intérêts des habitants de l’île.
Madame Le Pen, si selon vous la Cimade vise « à mettre en œuvre, ou à pousser ou à inciter des gens à violer la loi française », nous préférons vous rappeler que la situation est trop grave à Mayotte pour venir y porter des paroles aussi simplistes et dangereuses, dans l’espoir de récolter quelques voix.
Comme l’a rappelé la Cour des Comptes dans son rapport de janvier 2016, l’avenir de Mayotte passera par une ouverture vers les îles voisines et non par un repli sur soi. Personne n’a contesté ce rapport. Seriez-vous la première ?
Le groupe local Cimade-Mayotte
Crédit photo : Journal de Mayotte
Auteur: Région Outre-Mer