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Après avoir alerté les autorités marocaines, huit ONG et associations marocaines interpellent ouvertement l’Ambassadeur d’Espagne au Maroc concernant la responsabilité de l’Espagne dans les violations de droit des migrants aux frontières de Ceuta et Melilla.
À l’attention de
Monsieur José de Carvajal Salido, Ambassadeur d’Espagne au Maroc
Rabat, le 13 février 2014
Objet : Violences et violations de droit à l’encontre des migrants, liées au contrôle des frontières de Ceuta et Melilla
Votre Excellence,
Notre réseau d’associations marocaines et d’ONG qui interviennent pour la défense des droits des migrants au Maroc, a été amené à interpeller fortement depuis décembre 2013 les autorités marocaines concernant le regain de violences exercées par les forces de l’ordre à l’encontre des migrants dans le Nord du Maroc.
Avec autant de vigueur nous nous joignons aux protestations de la société civile espagnole ces jours-ci, contre les pratiques de la Guardia civil pour le contrôle des frontières de Ceuta et Melilla.
Plus largement nous estimons que la responsabilité du gouvernement espagnol est engagée face à l’ampleur des violations de droit à l’encontre des migrants de part et d’autre de ces frontières.
Nous en sommes directement témoins puisque depuis décembre 2013, les migrants arrêtés dans les environs des enclaves espagnoles ou qui sont régulièrement « remis » aux autorités marocaines par la Guardia civil après avoir pénétré dans Ceuta ou Melilla, ne sont plus refoulés à la frontière algérienne mais déplacés vers les villes de l’intérieur du pays, en dehors de tout cadre légal. Nos organisations qui leur portent assistance recueillent depuis deux mois quotidiennement leurs récits et constatent les séquelles physiques des agressions subies :
1) En territoire espagnol :
Parmi les migrants reçus à Rabat ces deux derniers mois, plusieurs expliquaient qu’ils avaient été arrêtés un ou deux jours plus tôt dans l’enceinte de Ceuta ou Melilla. Ils rapportent avoir été remis aux Forces auxiliaires marocaines à travers le grillage peu de temps après leur arrestation (ce qui leur serait déjà arrivé plusieurs fois pour certains ce qui ne nous a pas étonné car de nombreux migrants en attestent auprès de nous régulièrement et depuis longtemps). Plusieurs présentaient des blessures qu’ils attribuent clairement aux violences exercées par la Guardia civil.
Le vendredi 7 février, nos structures ont reçu plusieurs dizaines de personnes qui faisaient partie du groupe de migrants entrés dans Ceuta le 6 février au matin. Ceux qui sont entrés par la mer témoignent que les forces de l’ordre espagnoles ont visé leurs embarcations et les personnes elles-mêmes avec des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes alors même qu’ils appelaient au secours, ce qui aurait causé plusieurs décès par noyade.
2) Lors du franchissement des grillages
L’installation de multiples dispositifs sécuritaires sur les grillages de clôture de Ceuta et Melilla, dont notamment des lames de rasoir, occasionne des blessures graves que nous constatons régulièrement.
3) En territoire marocain à proximité de la frontière espagnole
Suite aux Hautes orientations Royales pour une nouvelle politique migratoire annoncées en septembre 2013, les arrestations de migrants en situation administrative irrégulière ont été suspendues dans tout le pays, excepté au Nord où elles se sont au contraire intensifiées.
Ces arrestations sont actuellement concentrées presque exclusivement dans les environs de Tanger et des enclaves espagnoles. Généralement collectives, elles ne respectent aucune des procédures prévues par la loi n°02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières (art. 21 à 24 sur la reconduite à la frontière et 34 à 36 sur la rétention administrative notamment) et viole l’article 16 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Les personnes sont ensuite « déplacées » par bus à plusieurs centaines de kilomètres vers l’intérieur du pays, une pratique qui n’est évidemment référencée nulle part dans le droit marocain.
En l’espace de deux mois, ces « déplacements » au sujet desquels nous n’avons obtenu aucune explication officielle ont touché plusieurs centaines de personnes. Dans le seul centre de Caritas à Rabat, un recensement partiel a été effectué de 159 personnes reçues entre le 26 novembre et le 26 janvier suite à une arrestation au Nord du pays. Parmi eux un nombre significatif (38 personnes) présente des fractures et divers traumatismes qu’ils attribuent clairement, pour 24 d’entre eux, à des violences, exercées lors de l’arrestation.
Plusieurs témoignent par ailleurs de maltraitances diverses tout au long de cet épisode : vol d’argent, d’effets personnels et de documents d’identité, privation d’eau ou de nourriture, exposition au froid, abandon dans des lieux isolés…
Ces violations de droit sont particulièrement graves lorsqu’elles sont exercées à l’encontre de mineurs : au moins 9 adolescents de moins de 18 ans figuraient parmi les 159 personnes recensées victimes d’un déplacement forcé. Certains, à l’instar des adultes, présentaient des traumatismes allant jusqu’à des fractures qu’ils attribuent à un passage à tabac par les Forces auxiliaires.
Nous sommes donc très préoccupés de constater que la coopération étroite en matière de gestion des frontières dont se félicitent mutuellement l’Espagne et le Royaume du Maroc se traduit aujourd’hui par des expulsions illégales de personnes susceptibles de demander la protection internationale, par une généralisation des violences à l’encontre des migrants et de pratiques sécuritaires hors de tout cadre légal.
Nous vous demandons donc d’intervenir en urgence auprès de votre gouvernement pour mettre un terme à ces agissements.
Recevez, Votre Excellence, l’assurance de notre considération respectueuse.
Les organisations signataires suivantes :
Amane, Association de Lutte Contre le Sida, Caritas Maroc, Groupe Antiraciste de Défense des Etrangers et Migrants, Comité d’Entraide International, Délégation diocésaine des migrations à Nador et à Tanger, Fondation Orient Occident, Oum el Banine
Auteur: Service communication
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