Pour l’avenir de Mayotte, l’Etat promet toujours plus d’inégalités
Alors que la colère gronde à Mayotte et que les revendications se font plus pressantes que ...
Le Conseil d’Etat estime que la sortie de Mayotte sans « autorisation spéciale » est opposable aux personnes qui demandent à renouveler leur droit au séjour en métropole ; y compris les personnes qui ne sont pas soumises à une exigence d’entrée régulière.
En 2016, une ressortissante comorienne, mère d’un enfant français, titulaire d’un titre de séjour délivré à Mayotte, décide de venir s’installer avec son enfant en métropole, à Paris. Mais au moment du renouvellement de son titre, le préfet de police estime que comme elle a quitté Mayotte sans demander « l’autorisation spéciale » prévue à l’article L.832-2 du CESEDA, son entrée et son séjour en métropole sont « irréguliers » et par conséquent, elle ne peut pas prétendre au renouvellement de sa carte de séjour, pourtant de plein droit. Son enfant mineur se voit ainsi, de fait, dénier le droit de vivre librement sur le territoire de l’Etat dont il possède la nationalité.
Cette décision porte donc atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant ; elle questionne aussi le droit, puisque l’article L.313-11-6° du CESEDA n’exige pas que les parents d’enfants français soient entrés en France sous couvert d’un visa, ou d’une quelconque autorisation, pour la délivrance de leur titre de séjour.
Le Tribunal administratif de Paris avait ainsi annulé en première instance le refus de renouvellement décidé par le préfet. Ce dernier ayant fait appel, la Cour administrative d’appel de Paris a alors décidé de demander l’avis du Conseil d’Etat.
Par un avis rendu le 30 janvier 2019, le Conseil d’Etat estime que la sortie de Mayotte sans « autorisation spéciale » est opposable aux personnes qui demandent à renouveler leur droit au séjour en métropole ; y compris les personnes qui ne sont pas soumises à une exigence d’entrée régulière, comme les parents d’enfants français.
Or, un père ou une mère d’un·e enfant français·e, établi·e à Perpignan a parfaitement le droit de déménager à Colmar sans devoir demander d’autorisation spéciale à l’administration, et son droit au séjour ne sera pas remis en cause par un simple changement de département. Sauf, donc, concernant Mayotte.
La Cimade déplore cette jurisprudence qui porte atteinte au droit à la vie privée et familiale des personnes que nous accompagnons et qui conforte une discrimination entre enfants français selon leur lieu de naissance.
Malgré la loi sur l’égalité réelle de l’outre-mer et les revendications des habitant.e.s de Mayotte, le territoire est toujours bien en dessous des standards des autres départements.
Mayotte est un département sous doté, en souffrance : 85% de la population vit en deçà du seuil de pauvreté, l’assurance maladie complémentaire de la CMU, destinée aux personnes précaires, n’est pas effective, le taux de chômage est de 27%, soit presque 3 fois supérieur à celui de métropole, le RSA est minoré de 50%… Les personnes précaires n’y ont pas les mêmes droits que dans les autres départements français, et les personnes étrangères non plus : pas d’Aide Médicale d’Etat, pas d’allocation pour les demandeurs et demandeuses d’asile, etc… Et pourtant, Mayotte est un département français depuis bientôt huit ans.
Fidèle à son combat pour l’égalité des droits, la Cimade demande la suppression des régimes dérogatoires pour toutes et tous à Mayotte et l’alignement de la législation applicable dans ce département sur le régime de droit commun.