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Monsieur V et son épouse sont deux demandeurs d’asile arméniens arrivés en France en 2009. Depuis, ils connaissent une vie d’errance à Nantes entre la rue et les foyers pour SDF.
Monsieur V et son épouse sont deux demandeurs d’asile arméniens arrivés en France en 2009. Depuis, ils connaissent une vie d’errance à Nantes entre la rue et les foyers pour SDF.
«- Bonsoir mademoiselle
– non, monsieur ya pas de place
-Please, ma femme est enceinte…dans la rue mademoiselle
– non, Monsieur, pas de place. »
Chaque jour, V. rappelle et rappelle le 115 dans l’espoir d’obtenir une place en foyer. A 8 h le matin, et à 20h le soir. Puis rappeler et rappeler. Les premiers jours de son arrivée en France en octobre 2009, V., demandeur d’asile arménien a passé quatre nuits assis dans une cabine téléphonique. Il a 22 ans, comme sa femme qui l’a rejoint il y a peu. Mais arrivée après l’inscription de l’Arménie sur la liste des pays sûrs de l’Ofpra, sa demande d’asile à elle a été placée en procédure prioritaire. Elle n’est donc pas admise au séjour et ils vivent donc tous les deux sur l’allocation temporaire d’attente de V.(10,64 euros par jour).
Leurs journées sont rythmées par la recherche d’un hébergement. Régulièrement le 115 leur propose une place dans un des sept foyers, saturés de demandes. Ils peuvent parfois y rester quelques jours. Mais sur Nantes il n’y a que trois chambres couple dans ces foyers pour sept couples de demandeurs d’asile. Ils y sont hébergés chacun à leur tour. Parfois, l’un des deux obtient une place dans un foyer, mais sans l’autre. La femme de V. a eu ainsi la possibilité une fois de dormir seule dans un foyer pour SDF. « J’ai refusé, je ne peux la laisser seule dans un endroit pareil ! Il y a beaucoup de Français. Ils boivent, se droguent et viennent avec leurs chiens. » Ils ont préféré passer la nuit dehors. Mais la rue peut être dangereuse. Récemment une demandeuse d’asile dagestanaise a été agressée alors qu’elle était seule. Maintenant ceux qui n’ont pas obtenu d’hébergement d’urgence tentent de se rester ensemble la nuit.
De 8h du matin jusqu’au soir, en attendant une réponse du 115, ils déambulent dans la ville que maintenant ils connaissent par cœur. Des heures de marche pour relier un foyer, la préfecture, la permanence Cimade ou la plateforme d’accueil Aida. La femme de V., enceinte de deux mois, se fatigue rapidement, elle a beaucoup de nausées. Quand après 20h, ils n’obtiennent pas de place en foyer, ils se rendent à la gare ou aux urgences, où ils peuvent rester assis au chaud au moins jusqu’à minuit. S’ils arrivent à convaincre les vigiles, ils pourront passer la nuit sur les chaises d’une salle d’attente. Le lendemain, il faut recommencer le périple dans la ville. En plein hiver, ils marchent des kilomètres et des kilomètres pour survivre. S’ils veulent déjeuner, il faut compter deux heures de marche, et donc faire un trait sur les cours de français qui sont organisés cinq jours sur sept à 10h le matin. Les restaurants qui accueillent les demandeurs d’asile isolés sans enfants, se trouvent à cinq kilomètres du centre ville. S’ils tentent de prendre le tramway sans ticket, c’est avec la peur de se faire contrôler. Des choix impossibles.
Épuises par cette préoccupation incessante de trouver chaque soir un abri, V. et sa femme ne peuvent que difficilement préparer leur demande d’asile, ni même penser à demain. Quand on lui demande ce qu’il attend de la France, V. répond, laconique : « rien, je n’attends plus rien. Je n’ai envie de rien. Si j’avais un travail… »
Témoignage recueilli par Vali à la permanence de La Cimade de Nantes.
Crédit photos Vali/ La Cimade
Auteur: Service communication