Charter affrété par Frontex : 58 personnes géorgiennes expulsées au mépris de leurs droits
COMMUNIQUE DE PRESSE CIMADE / MRAP 35 Rennes, le 2 mars 2024 « En fin de journée, le mercredi ...
Rennes, le 2 mars 2024 « En fin de journée, le mercredi 26 février, la rumeur commence à se ...
Mohammed, de nationalité tunisienne, a été enfermé au centre de rétention administrative de Saint-Jacques-de-la-Lande à sa sortie de prison, en janvier 2021.
« J’aimerais dénoncer plusieurs choses : le comportement de la police (pas tous bien sûr), la vie dans le centre au niveau de l’hygiène et l’injustice qu’on ressent.
On n’est pas parfait bien sûr, mais malgré tous les efforts qu’on fait : apprendre la culture, la gastronomie, participer à la vie économique en travaillant, faire du bénévolat, etc. On a le sentiment qu’on est séparés de la société, qu’on est oubliés, maltraités, qu’on n’est pas respectés, que tout ce qu’on fait c’est rejeté. Pas par les citoyens mais par le système. Heureusement qu’il y a des associations, des citoyens pour nous aider.
Je suis arrivé en 2007. Je me suis marié en 2009. J’avais un casier judiciaire propre, et j’étais en bonne santé. A la suite de mon mariage, on m’a demandé de retourner en Tunisie pour demander un visa vie privée et familiale. A mon retour en France, j’ai commencé à travailler avec le visa et l’autorisation de travail avant d’avoir mon titre de séjour valide pour une durée de 10 ans. J’ai appris la langue française et le métier d’étancheur (l’isolation thermique sur les toitures). Hélas la préfecture a annulé mon titre de séjour de 10 ans en 2013, juste à cause de mon divorce. J’ai malgré tout toujours continué à travailler jusqu’en 2018. J’ai toujours déclaré mes impôts. Au bout de 8 ans de travail, j’ai passé un diplôme pour valoriser mes acquis d’expérience et ai obtenu le titre de chef d’équipe. J’ai également passé plusieurs permis. J’ai déposé une demande de titre de séjour salarié, faisant valoir mes contrats de travail et mes diplômes. Mais ma demande a été refusée et ils ont appelé mes employeurs pour exiger qu’ils arrêtent de m’employer. Alors aujourd’hui je me retrouve en situation irrégulière, obligé de travailler pour survivre, maltraité. Pourtant en 2019, j’ai eu un fils, né d’une mère française. Malgré tout ça la préfecture n’a jamais voulu m’autoriser à rester sur le territoire français pour pouvoir être à côté de mon fils et continuer mon travail en situation légale.
Maintenant, au bout de 10 ans de travail d’étancheur, je suis devenu asthmatique à cause du froid et de l’humidité.
Aujourd’hui je me retrouve dans un centre de rétention administrative où on a presque plus de droits mais beaucoup de devoirs. Juste d’écouter, d’appliquer et d’accepter la décision de la justice d’être peut-être expulsé dans un pays où je n’ai jamais travaillé, jamais cotisé. Je me retrouve enfermé dans un centre où il y a des policiers qui nous provoquent juste pour montrer qu’on est agressifs. Dans un centre où on dort mal, où on a peur d’être expulsé tous les soirs. On est dans des cages, comme des animaux, on n’a pas l’impression d’être humain. Des fois on est enfermés avec des personnes malades, des handicapés, des femmes enceintes. Tout le monde est pareil, ils ne prennent soin de personne et traitent tout le monde de la même façon. Tellement tu as peur d’être expulsé que tu ne peux pas parler, dénoncer, de peur d’empirer la situation. Nous sommes dans un centre où l’hygiène est limite : 3 serviettes par semaines, changement des draps une fois par semaine si on est chanceux, toilettes bouchées pendant 2-3 jours, eau mal réglée. Nous n’avons pratiquement aucune communication avec l’extérieur. On n’a pas le droit d’avoir des mandats cash, même au parloir on est guettés, dérangés, effondrés sous la pression. »
Suite à un refus de test Covid (utilisé par l’administration pour pouvoir expulser), Mohammed a été condamné à 2 mois de prison et incarcéré, après 55 jours d’enfermement.
La Cimade publie les témoignages des personnes qu’elle accompagne, en particulier dans les centres de rétention. Une parole libre d’une personne enfermée. Une parole qui permet de saisir les conséquences des politiques à l’égard des personnes en migration. Des textes, des extraits sonores ou des vidéos recueillis par les intervenant·e·s de La Cimade.
Photographie : centre de rétention administrative de Rennes, décembre 2020. © Jérémie Lusseau / hanslucas.com
Auteur: Région Bretagne Pays de Loire