L’enfer des migrant·e·s en Méditerranée
Guerres, persécutions, crises économiques, violations des droits humains… Les raisons qui poussent quelqu’un·e à migrer d’un pays vers un autre sont plurielles. Pour des milliers de personnes, la seule solution pour survivre est de tout quitter pour recommencer leur vie ailleurs. Sans savoir ce qu’ils·elles vont retrouver, ces individus se lancent dans un parcours périlleux. Si durant l’expédition se dressent de nombreux obstacles, ils·elles gardent comme source de courage, l’espoir d’un avenir meilleur.
Dès les premiers jours, les jeunes personnes migrantes se retrouvent souvent face à l’humiliation et au véritable racket des passeurs. Unique moyen de passer les frontières, ils·elles n’hésitent pas à demander des fortunes pour faire passer illégalement des groupes de sans-papiers d’un pays à un autre. La vie des personnes migrantes est déjà mise en jeu à cette première étape du parcours.
Quand vient la nécessité de traverser la mer Méditerranée, le bateau de croisière prend bien souvent la forme d’une embarcation de fortune pas prévue pour braver les grandes vagues. Entassé·e·s par dizaines voir centaines pendant des heures, il·elles sont nombreux·ses à y laisser la vie. L’angoisse d’échouer en pleine mer s’ajoute au traumatisme inhérent au voyage. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), depuis 2014 plus de 19 000 personnes sont décédées en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe.
En fonction des évènements, certains trajets sont plus ou moins privilégiés par les personnes étrangères en exil. La carte des flux méditerranéens a été redessinée. Il a été observé que ces dernières années, trois routes menant à l’Europe en passant par la mer Méditerranée sont nettement plus utilisées que les autres. On les nomme communément, les routes de la Méditerranée orientale, occidentale, et centrale.
Quelles sont ces routes empruntées par des milliers de personnes chaque année ?
Traversée en mer : la route de la Méditerranée orientale
La mer Méditerranée est le passage obligé pour rejoindre l’Europe. Pour y parvenir, les personnes réfugiées empruntent le plus souvent la route de la Méditerranée orientale. Ligne directe entre la Turquie et la Grèce, ce passage a été particulièrement utilisé par les populations syriennes, tentant d’échapper à la guerre en 2015.
Cherchant à tout prix une terre d’accueil, celles et ceux osant la traversée de la Méditerranée orientale proviennent le plus souvent de Syrie, d’Afghanistan, d’Albanie et d’Irak. Il·elles cherchent en général à rejoindre la Grèce, la Bulgarie ou encore Chypre.
On comptait en 2019, 82 000 arrivées irrégulières dans l’Union Européenne par le biais de la route de la Méditerranée orientale. Le nombre de personnes migrantes a considérablement diminué depuis l’accord entre la Turquie et l’Union Européenne.
Cet accord a participé à la réduction des passages vers l’Europe, ce qui a techniquement engendré une réduction des décès lors de la traversée en mer. Ces chiffres sont significatifs d’un traitement autoritaire et répressif des personnes migrantes désireuses de rejoindre le territoire européen.
Rejoindre l’Espagne par la route de la méditerranée occidentale
Considérée comme la deuxième voie maritime la plus utilisée, la route de la Méditerranée occidentale rejoint l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord à l’Europe, en passant par le Maroc comme zone de transit.
Les personnes migrantes proviennent d’une pluralité de pays : de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Mali ou encore du Maroc. Elles empruntent cette voie pour rejoindre l’Espagne par la mer, via le détroit de Gibraltar, ou bien par la terre, en escaladant les barrières de barbelés pour rejoindre les enclaves de Ceuta et Melilla.
Les États du Maghreb interviennent comme zone tampon entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe. Du fait de la pression de l’Europe pour l’externalisation du contrôle aux frontières, des raids d’arrestations de personnes exilées ont eu lieu en Algérie. Plusieurs expulsions massives par les autorités algériennes ont été signalées, mettant en péril la vie des centaines de personnes, personnes réfugiées et demandeurs ou demandeuses d’asile y compris.
En 2018, il avait été comptabilisé près de 40 % d’entrées irrégulières sur le territoire espagnol. Il s’agit de la route ayant compté le plus grand nombre d’arrivées dans l’espace Schengen, avec près de 64 300 personnes exilées la même année.
Route de la Méditerranée centrale : un passage pour l’Europe
Pour les populations provenant d’Afrique Subsaharienne et d’Afrique du Nord, la route de la Méditerranée centrale est la voie de passage privilégiée. Elle permet de transiter par la Libye pour se rendre jusqu’en Europe.
Route la plus utilisée entre 2015 et 2017, le nombre de personnes en situation irrégulière signalées a connu une baisse importante depuis 2018. À l’origine de cette diminution du flux migratoire : une politique de traitement des personnes étrangères totalement inhumaine.
En Libye, les personnes réfugiées sont véritablement piégé·e·s. Au-delà de la situation alarmante du pays, liée à des escalades de violence dans la capitale ainsi que la propagation de la Covid-19, différentes actions visant à limiter le nombre d’arrivées en Europe sont menées. Les enfermements en centres de rétention administrative pour une période indéterminée, les mauvais traitements, l’absence de nourriture ou encore les traitements médicaux inadéquats menant aux décès, ont été largement documentés.
Le passage par la Libye est encore aujourd’hui très utilisé, alors même que ce pays n’est pas considéré comme une zone sûre pour l’accueil des exilé·e·s. Des violences sont subies par les personnes réfugiées, sur terre comme en mer.
Quelle est la politique migratoire de l’UE ?
Pour pallier ce qui est à tort nommé la “crise migratoire” de 2015 – il s’agirait en réalité d’une crise de l’accueil – des dispositions ont été mises en place par l’Union Européenne. L’objectif était a priori, de mieux contrôler les frontières extérieures et les flux migratoires. Le résultat est tel que les populations voient leurs chances de survie réduites.
Ces mesures ont surtout permis à l’Union de repousser les réfugié·e·s hors de ses frontières et de sous-traiter ses obligations à la Turquie. Les États membres fuient ainsi leurs responsabilités au mépris du droit d’asile. Ce plan a eu pour conséquence de diminuer le nombre d’arrivées irrégulières de 90 % dans les pays de l’Union Européenne. Un chiffre qui cache une réalité effroyable : que sont devenues ces milliers de personnes sans-papiers ?
S’entassant au niveau des hotspots grecs, censés les relocaliser dans d’autres États de l’UE, ces personnes exilées sont instrumentalisé·e·s au profit de négociations. Laissé seul, le gouvernement grec est loin de répondre aux enjeux de l’accueil des personnes migrantes. En surpeuplement et dans des conditions d’insalubrité extrême, la vie de ces personnes est mise entre parenthèses.
Dépassée par les événements, la Grèce est rentrée dans une logique de fermeture et de répression : la procédure d’asile sur ce territoire est suspendue temporairement, allant à l’encontre du droit international et européen, et une barrière maritime flottante est construite sur la mer Égée.
Alors que des bateaux comme celui de l’ONG Sea Eye sillonnent la mer Méditerranée dans l’espoir de sauver quelques vies humaines, les autorités des pays européens se retranchent un à un derrière l’urgence sanitaire pour empêcher l’accueil de personnes migrantes. Nous assistons depuis des années à des politiques de non-assistance en mer menées par l’Union Européenne.
Association de solidarité active, La Cimade informe et sensibilise sur les enjeux liés aux migrations. Elle accompagne, héberge et défend plus de 110 000 personnes étrangères chaque année. Vous aussi, agissez pour les droits et la dignité des personnes réfugiées. Faites un don.