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C’était le dernier contingent de Négro-mauritaniens en provenance du Sénégal. Ils sont arrivés ce 24 mars à Rosso, petite ville frontière du sud. Ces 59 familles, soit 297 personnes, ont été conduites sur des sites d’accueil provisoires, où ils devaient remplir les formalités d’inscription et recevoir leurs pièces d’état civil avant d’être acheminées vers leurs lieux de résidence définitifs.
C’était le dernier contingent de Négro-mauritaniens en provenance du Sénégal. Ils sont arrivés ce 24 mars à Rosso, petite ville frontière du sud. Ces 59 familles, soit 297 personnes, ont été conduites sur des sites d’accueil provisoires, où ils devaient remplir les formalités d’inscription et recevoir leurs pièces d’état civil avant d’être acheminées vers leurs lieux de résidence définitifs. Cela fait, depuis 2008, une centaine de convois pour un total d’environ 25 000 rapatriés rentrés chez eux, en vertu d’un accord tripartite signé à cette époque entre Nouakchott, Dakar et le Haut Commissariat aux Réfugiés.
Ce retour tente d’effacer une douloureuse injustice commise dans les années 1989-1991. La Mauritanie est historiquement marquée par des antagonismes entre maures d’origine arabo-berbère, de tradition nomade au Nord, et noirs d’origine peule et soudanaise, de tradition pastorale et sédentaire au Sud. C’est en avril 1989 que le régime autoritaire du colonel Ould Taya avait exploité un incident frontalier survenu entre éleveurs peuls mauritaniens et agriculteurs soninké sénégalais. En plus d’un chassé-croisé entre Sénégalais et Mauritaniens, 120 000 Négro-Mauritaniens, des agriculteurs vivant au sud autour du fleuve Sénégal, avaient alors été brutalement évacués vers le Sénégal ou le Mali. Une manière aussi de récupérer leurs terres fertiles.
25 000 réfugiés sur un total de 60 000 prévu théoriquement pour cet accord ne concernant que les exilés au Sénégal: cette proportion paraît faible. Il est vrai que le processus du retour enclenché à partir de 2008 a été particulièrement complexe. Depuis l’exode, une partie a émigré vers d’autres pays africains ou vers l’Europe. « Certains ont honte de revenir, car ils se souviennent bien qu’on leur avait dit de ne pas partir », explique Soulé N’gaidé. Lui dont la famille est d’origine mauritanienne et qui vit aujourd’hui à Massy a fait partie d’une mission d’observation sur la situation de ces rapatriés, organisée à l’automne dernier par la Cimade et l’AMDH, l’association mauritanienne pour les droits de l’homme.
Une injustice réparée ? Pas vraiment. Car le retour au pays s’est dans la plupart des cas traduit par une grande désillusion. Pour les premiers convois, l’heure était à la réconciliation. L’ANAIR, l’agence nationale d’appui et d’insertion de réfugiés, distribuait deux vaches laitières par famille. Et puis… Le constat de la mission d’observation est accablant. L’accord prévoyait notamment la récupération d’un bien fondamental pour ces paysans: leurs terres. Mais, vingt ans plus tard, ils découvrent que d’autres les cultivent : les Harratines, des tribus maures noires, complaisamment soutenues par les autorités. « Nos maisons sont habitées par d’autres, témoignent-ils ; nos villages ont été rebaptisés de noms maures ». Il en est de même pour l’accès à l’eau, la récupération de biens confisqués ou encore la réintégration des fonctionnaires: toutes ces promesses semblent s’être envolées. La mission a aussi pointé du doigt les difficultés rencontrées à l’école par ces enfants rapatriés : entre la Mauritanie et le Sénégal, les systèmes éducatifs et la langue usuelle (arabe ou français) ne sont pas les mêmes: d’où les difficultés de réinsertion.
L’état-civil, déchiré en 1989, est difficile à reconstituer. Les litiges s’accumulent et les réfugiés au Sénégal se retrouvent… réfugiés en Mauritanie. Chez eux. Ces rapatriés se sentent aujourd’hui impuissants. Qui peut défendre leur cause ? Le HCR s’en tient à son contrat initial: une aide logistique pour le retour. Le gouvernement rétorque que les protagonistes de ces terres n’ont qu’à s’arranger entre eux. Rien qu’à l’idée d’une indemnité, ces rapatriés s’insurgent: « nous, on demande à récupérer nos terres, les terres de nos ancêtres, le gouvernement n’a qu’à indemniser les usurpateurs qui les occupent », raconte ce témoin rencontré par Soulé Ngaidé. Quant à l’ANAIR, elle suscite des doutes sur le bon usage des fonds qui lui sont alloués.
Le rapport qui sera établi prochainement par la mission d’observation interpellera principalement les autorités mauritaniennes. C’est à elles qu’il revient de s’attaquer aux litiges ainsi créés en trouvant des réponses juridiques appropriées, mais aussi de mettre en place l’accompagnement nécessaire: une véritable politique de réinsertion, concernant notamment le soutien scolaire. Ces Négro-mauritaniens sont revenus vingt ans plus tard avec de nouvelles bouches à nourrir. Et c’est la misère qu’ils trouvent chez eux.
Dominique Chivot
Auteur: Service communication
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