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A Mayotte comme partout, défendons l’Etat de droit et la solidarité

26 février 2022

Tribune parue dans Libération le vendredi 25 février : Depuis le 13 décembre, des manifestants empêchent les membres de la Cimade d’accéder à ses locaux, l’accusant de faire le jeu des passeurs. Une situation inacceptable que dénonce un collectif de personnalités du monde associatif et humanitaire.

Depuis le 13 décembre, bénévoles et salariées de La Cimade sont empêchés de mener à bien leurs activités, insultés et sommés de « quitter Mayotte » par un groupe de manifestants qui bloquent illégalement l’accès au local de l’association. Ces personnes se font ainsi l’écho d’une rhétorique régulièrement relayée dans le débat médiatique et politique, par les mouvements d’extrême-droite en particulier : celle qui voudrait que les associations de solidarité, en défendant l’accueil et l’accompagnement des personnes vulnérables, dont les personnes migrantes et exilées, seraient les complices objectifs de l’« immigration clandestine », présentée par les tenants de ces discours comme la cause de tous les maux de Mayotte.

Cette rhétorique est insupportable par son cynisme et par l’instrumentalisation de l’opinion qu’elle induit. Car oui les souffrances sont réelles à Mayotte, avec 77% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, des inégalités et injustices criantes et l’espoir d’une vie meilleure qui semble s’amenuiser chaque jour un peu plus. Mais, dans ce contexte, pointer les responsabilités de personnes migrantes et exilées dont les parcours sont marqués par l’enchaînement de drames, opposer ainsi entre eux des personnes précaires, c’est oublier à dessein des causes structurantes d’inégalités sociales et économiques qui vont bien au-delà des enjeux migratoires. Et c’est surtout dangereux pour le futur du territoire, car nous avons la ferme conviction que seul le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes vivant sur l’île permettra d’améliorer la situation de tou.te.s les habitants : pour l’avenir de Mayotte, il faut résolument faire le choix de la justice et de la solidarité, pas celui d’attiser les divisions et d’opposer les souffrances entre elles.

C’est cette vision que défend à Mayotte La Cimade, comme toutes les associations de solidarité et d’aide aux personnes migrantes : quand elles accompagnent au quotidien des femmes, des hommes et des enfants dans leur accès à leurs droits fondamentaux, en matière de logement, de soins, d’éducation… Ou quand elles s’opposent aux expulsions de bidonvilles sans relogement, poussant dans une précarité accrue des dizaines de familles, de toutes nationalités et situations administratives.

Si nous attirons l’attention sur cette situation aujourd’hui, c’est parce qu’elle doit nous concerner et nous alarmer bien au-delà de Mayotte. Des idées de haine et de rejet de l’autre prospèrent ; des associations de solidarité sont invectivées et empêchées de mener à bien leurs missions ; les pouvoirs publics restent muets et inactifs dans leur mission de les protéger, quand ils ne renvoient pas dos à dos défenseurs des valeurs d’égalité et de solidarité, et des opposants qui font le choix de la diffamation et du piétinement des libertés associatives. Nous ne saurons accepter que le respect des droits fondamentaux de la personne humaine soit à géométrie variable et que certains départements y soient moins soumis que d’autres. Des menaces contre des acteurs de la solidarité où que ce soit doivent mobiliser tou.te.s celles et ceux qui font le choix de l’humanité contre la facilité de la haine et de l’indifférence.

Ainsi, nous l’affirmons fortement les droits humains doivent être respectés à Mayotte ; les associations de solidarité doivent pouvoir mener à bien leurs missions d’utilité publique et les pouvoirs publics se doivent d’agir pour le garantir.

Tribune publiée par Libération le 25 février 2022

Signataires

Didier Fassin, président du Comede

Véronique Devise, présidente nationale, Secours Catholique – Caritas France

Camille Gourdeau, co-présidente de la Fasti

Henry Masson, président de La Cimade

Vanina Rochiccioli, présidente du Gisti

Dr Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde

Malik Salemkour, président de la LDH

Jean-Claude Samouiller, Vice-président Amnesty International France

Auteur: Service communication

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