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Rétention des étrangers : de multiples atteintes aux droits pour une efficacité limitée

3 juillet 2018

La Cimade avec ASSFAM Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, Ordre de Malte France et Solidarité Mayotte publient le rapport annuel sur les centres et locaux de rétention administrative 2017.

60 % de placements non suivis d’un éloignement : enfermer massivement ne permet pas d’éloigner beaucoup.

Avec près de 47 000 placements en rétention en métropole et outre-mer, la France est l’État membre de l’Union européenne qui enferme le plus.

L’année 2017 a été marquée par une forte augmentation du nombre de placements dans les CRA métropolitains (+17 % par rapport à 2016). Cela est principalement dû à l’enfermement, dans le Calaisis et à Paris notamment, de personnes en provenance de pays largement considérés comme exposant leurs ressortissants à des risques graves en cas de retour. Cette augmentation fait également suite au renforcement, suite au drame de Marseille en octobre, des instructions du gouvernement enjoignant les préfets à utiliser encore plus fréquemment la rétention. Pourtant, seules 40 % des personnes enfermées en métropole ont été éloignées, dont près de la moitié vers un État membre de l’Union européenne ou de l’espace Schengen. Dans le même temps, les violations des droits ont atteint un niveau inégalé depuis 2010. Ainsi, en métropole, 71 % des personnes libérées l’ont été par des juges. L’utilisation massive de la rétention révèle donc une efficacité limitée, dans un contexte de privation de liberté traumatisant.

Outre-mer, le nombre de placements en rétention demeure très élevé (43 % du total national) et soumis à un régime dérogatoire qui limite considérablement l’accès au droit.

 

Rétention des personnes en demande de protection internationale

En 2017, les préfectures du Pas-de-Calais, du Nord et de Paris ont enfermé plus de 3 000 personnes en vue de leur éloignement à destination de l’Afghanistan, de l’Irak, de l’Érythrée, de l’Iran, du Soudan, voire de la Syrie, qui sont tous des pays à risque. L’usage de la rétention, dans ces situations, avait pour but principal de dissuader les personnes étrangères de se fixer dans le Calaisis pour tenter d’atteindre la Grande-Bretagne, ou de former des campements à Paris. En l’absence de perspectives d’éloignement effectif, la grande majorité de ces personnes a été remise en liberté par les juges.

Alors que la Cour de cassation affirmait fin septembre que la rétention des demandeurs d’asile en procédure Dublin était illégale, plus de 700 d’entre eux ont été enfermés en CRA entre octobre et décembre 2017. Cette pratique illégale a ensuite perduré jusqu’à l’adoption, en mars 2018, d’une nouvelle loi l’autorisant.

 

Enfermement des enfants : une progression alarmante depuis quatre ans

304 enfants ont été privés de liberté avec leurs familles dans les CRA métropolitains, soit une augmentation de 70 % par rapport à 2016, et ce malgré cinq condamnations par la CEDH sur l’enfermement des enfants cette même année. Il s’agissait pourtant essentiellement de placements évitables, visant à faciliter l’organisation logistique d’un éloignement souvent prévu au lendemain du placement en CRA. Cette procédure est régulièrement sanctionnée par les juges quand les familles ont la possibilité de les saisir.

À Mayotte, 2 493 enfants ont été enfermés, souvent rattachés arbitrairement à un adulte.

 

Allongement de la rétention de 45 à 90 jours : enfermer longtemps ne permettra pas d’éloigner davantage

En 2012, la durée de rétention est passée de 32 à 45 jours. Pourtant, le nombre annuel de personnes éloignées depuis les CRA métropolitains n’a pas augmenté les années suivantes. La réforme en cours prévoit de doubler la durée légale de rétention, laquelle passerait de 45 à 90 jours. Ce faisant, les autorités françaises souhaitent ainsi augmenter le nombre d’éloignement, partant du principe que les pays d’origines auront ainsi plus de temps pour reconnaitre leurs ressortissants qui sont dépourvus de documents de voyage. Or, il n’est pas certain que les Etats qui reconnaissent peu leurs ressortissants en l’absence de document de voyages délivrent plus de laissez-passer, que ce soit dans le délai de 45 ou de 90 jours. A cela s’ajoute le fait que 80 % des éloignements depuis la rétention ont eu lieu dans les 25 premiers jours en 2017. Cette nouvelle mesure ne produira donc qu’une augmentation marginale du nombre d’éloignements. Cette nouvelle durée de rétention apparaît ainsi disproportionnée au regard des contraintes humaines et des coûts économiques qu’elle engendrera.

 

Face à l’augmentation annoncée de la durée de rétention, les six associations signataires de ce rapport sont convaincues que la réforme entrainera une détérioration des conditions de rétention, exacerbera les tensions au sein des CRA et ne servira pas les objectifs du gouvernement. Les associations appellent à ne plus utiliser la rétention aussi systématiquement et à en réduire la durée maximale.

 

> Consulter le rapport

 

Auteur: Service communication

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