Quoi qu’il en coûte… pour leur vie
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Le 12 décembre 2019, le juge des référés du Conseil d’Etat a enjoint le ministère de l’intérieur à prendre toute mesure nécessaire au retour de M. M, de nationalité algérienne, enfermé et expulsé arbitrairement à partir du centre de rétention du Mesnil-Amelot par la préfecture du Val-de-Marne, sans mesure d’expulsion. Le juge des référés considère qu’en décidant d’expulser M. M vers l’Algérie alors qu’il avait une demande d’asile en cours d’examen en Allemagne, le préfet du Val-de-Marne a porté atteinte au droit d’asile.
Tout commence lorsque M. M est interpellé et enfermé au centre de rétention de Vincennes le 12 septembre 2019 par la préfecture de police (Paris). Cette dernière souhaite l’expulser en Algérie. 11 jours plus tard, le tribunal administratif de Paris annule la mesure d’expulsion frappant M. M, et ce dernier est en conséquence remis en liberté. En effet, M. M est demandeur d’asile en Allemagne ; il devrait donc être renvoyé en Allemagne au titre du règlement européen Dublin – selon lequel le premier Etat-membre dans lequel un ressortissant non-européen entame une demande d’asile est compétent pour la traiter – et non expulsé vers son pays d’origine.
Au même moment, une autre personne de nationalité algérienne, portant exactement le même nom que M. M, était quant à elle enfermée au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot – et ce depuis le 26 août 2019 –, en vue de mettre à exécution une mesure d’expulsion à destination de l’Algérie prise par la préfecture du Val-de-Marne. Ce jeune homme a finalement été expulsé le 27 septembre 2019.
Seulement deux mois plus tard, M. M est interpellé de nouveau et enfermé au CRA du Mesnil-Amelot par la préfecture du Val-de-Marne, en se fondant sur l’arrêté pris contre l’autre M. M, qu’elle avait pourtant mis dans un avion un mois plus tôt. Bravant les règles de la physique en assurant qu’il s’agissait bien de la même personne enfermée dans deux endroits à la fois, le préfet du Val-de-Marne assume sa décision devant le juge des libertés et de la détention. Et – surprise ! –, ni le juge des libertés et de la détention de Meaux, ni la cour d’appel de Paris ne voient quoi que ce soit à redire.
Face à l’impensable, il faut réagir : M. M adresse au juge du tribunal administratif de Montreuil un référé-liberté, recours permettant de saisir en urgence le juge administratif en cas de violation grave et manifestement illégale d’une liberté fondamentale par l’administration. Comment, dans le pays dit des droits de l’homme, peut-on enfermer et expulser une personne en l’absence de toute décision d’expulsion prise à son encontre par l’administration ?
Pour rappel, toute décision d’expulsion pouvant porter atteinte à la personne qui en fait l’objet, la préfecture est tenue d’examiner la situation personnelle de cette dernière, d’apprécier l’opportunité d’une telle décision au regard des droits fondamentaux, et notamment de l’article 3 (interdiction de traitement inhumains et dégradants) et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à une vie privée et familiale) ; cette décision doit donc être personnalisée et motivée. En outre, elle ouvre un droit au recours afin que la personne qui en fait l’objet puisse, si elle le souhaite, faire valoir ses droits devant le juge administratif.
C’est de toutes ces garanties dont est ici privé M. M en l’absence de décision prise à son encontre. Dans le contexte d’une politique globale d’expulsion tournant à plein régime, La Cimade dénonce déjà régulièrement la systématisation de mesures d’expulsion peu voire pas motivées, remplies de formules toutes faites et non personnalisées. En l’occurrence, un pas de plus est franchi dans la non prise en compte des personnes étrangères : il s’agit là de l’absence totale de mesure administrative, comme si M. M était interchangeable avec une autre personne du seul fait de leur homonymie.
Quoi qu’il en soit, la descente aux en enfers continue pour M. M avec un rejet du tribunal administratif de Montreuil. Malgré l’évidence, le juge rejette le référé en estimant néanmoins que M. M se trouvait bien enfermé à Vincennes en septembre 2019 – les empreintes digitales, alors enregistrées par l’administration, ne sauraient mentir.
Un appel devant le Conseil d’Etat (instance suprême du contentieux administratif français) est très rapidement introduit ; un recours qui ne suspend pas la possibilité pour la préfecture d’expulser la personne qui le dépose. Aussi, sentant le vent tourner, le préfet du Val-de-Marne s’empresse alors d’expulser M. M, renvoyé en Algérie le 26 novembre 2019.
Une semaine plus tard, le Conseil d’Etat décide tout de même d’organiser une audience ; l’avocat de permanence et La Cimade y assurent la défense de M. M. Celui-ci obtient finalement gain de cause : le Conseil d’Etat reconnaît la violation de ses droits fondamentaux, et notamment de son droit d’asile, et enjoint le ministère de l’intérieur à prendre toute mesure nécessaire à son retour.
Victoire essentielle sur le plan du droit, mais victoire à la Pyrrhus : M. M a malgré tout été expulsé, et l’effectivité d’un retour sur le sol français demeure très hypothétique.
Auteur: Admin_Ile_de_France
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