PAU : LA CIMADE ET SES PARTENAIRES DENONCENT LES CONDITIONS D’ACCUEIL INDIGNES DES PERSONNES EN DEMANDE D’ASILE
LES PRAHDA (programmes régionaux d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile) font partie ...
Le projet de loi sur l’immigration, transposant en droit français trois directives européennes dont la Directive Retour, dite « Directive de la Honte » vient d’être présenté au Conseil des Ministres. La Cimade s’inquiète du durcissement du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui est à l’œuvre dans ce projet : peine de bannissement, allongement de la durée de rétention, mise à l’écart du juge et réduction des droits des étrangers. Voici quelques réponses sur les principaux points du projet.
Qu’entend-on par « peine de bannissement » ?
Ce projet de loi prévoit une nouvelle peine pour les étrangers arrêtés en situation irrégulière : une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à cinq ans. Cette « peine de bannissement » sera prononcée par les préfectures de manière discrétionnaire.
Cette véritable double peine se veut dissuasive, le but étant d’empêcher le retour des personnes sans titre de séjour. En effet, aujourd’hui, de nombreuses personnes expulsées ont le droit de revenir sur le sol français légalement avec un visa et demander un titre de séjour. Ce sont des conjoints de français, des parents d’enfants français, des demandeurs d’asile déboutés menacés de nouvelles persécutions dans le pays où ils ont été renvoyés, des hommes et des femmes qui ont construit leur vie en France. Que pèse une telle interdiction face au besoin vital de rejoindre sa famille ou d’échapper à des persécutions ? Comment accepter de prendre le risque de refouler d’éventuels demandeurs d’asile sans examiner leur situation ? Cette interdiction ne fera que créer des situations aussi kafkaïennes que dramatiques en poussant les personnes vers la clandestinité et le recours aux filières de passeurs.
La loi prévoit déjà depuis plus de 40 ans une mesure judiciaire d’interdiction du territoire français. Touchant plusieurs milliers d’étrangers par an, malgré une réforme en 2003 à l’initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, afin d’en limiter les effets, cette mesure montre son inefficacité, rappelée par de nombreux rapports publics, et son impact désastreux pour les personnes migrantes et leur famille. Avec cette nouvelle mesure administrative, la double peine revient en force, sans limites …
La durée de rétention ne reste-elle pas la plus courte d’Europe ?
Ce projet de loi allonge la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours. Malgré cela, il est vrai, la France garde la durée de rétention la plus courte d’Europe.
Mais 45 jours de privation de liberté pour un étranger qui n’a commis aucun délit c’est beaucoup trop long. La transposition de la Directive Retour, qui autorise une durée de rétention maximale de 18 mois, n’oblige en aucun cas la France à s’aligner sur les normes des pays européens les moins respectueux en matière de droits des étrangers.
Le ministre de l’Immigration assène qu’allonger la durée de rétention est nécessaire pour mettre en œuvre les mesures d’éloignement, en donnant plus de temps aux consulats des pays de renvoi pour délivrer les laissez passer nécessaires. Aujourd’hui près d’un tiers des échecs de reconduite à la frontière est dû à la non obtention de ces laissez passer. Or augmenter la durée de rétention n’y changera rien. Actuellement, selon le Comité interministériel de contrôle de l’immigration la durée moyenne de rétention est de 10 jours et demi. De plus, l’immense majorité des expulsions se réalise lors des 17 premiers jours, c’est-à-dire lors de la première période de prolongation de la rétention. Selon le rapport 2008 de la Cimade sur la rétention, 89 % des personnes présentées à l’embarquement n’ont pas comparu pour la deuxième fois devant le Juge des Libertés et de la Détention, c’est-à-dire qu’il n’a pas été nécessaire de prolonger leur rétention de 15 jours supplémentaires pour obtenir les laissez-passer nécessaires.
Les préfectures n’ont donc pas besoin de plus de 17 jours pour rendre effectif l’éloignement. Au lieu d’augmenter le taux de reconduite à la frontière, comme il est souhaité dans ce projet, l’allongement de la durée de rétention s’apparente donc à une simple mesure répressive contre les étrangers. La rétention change de nature pour devenir une véritable sanction. En effet les textes précisent bien qu’un étranger ne peut être placé en rétention «que pour le temps strictement nécessaire à son départ ». Augmenter la durée de rétention ressemble bien plus à une mesure de mise à l’écart qu’à une mesure d’efficacité.
Par ailleurs, ce projet de loi développe d’autres formes de mise à l’écart, non pas pour en faire des alternatives à l’enfermement mais pour mieux contrôler les populations migrantes, ainsi l’assignation à résidence des étrangers sous le coup d’une mesure d’éloignement qui n’aurait pu être mise en œuvre faute de laissez-passer, assignation à résidence qui peut durer jusqu’à 6 mois. Celle-ci pourra se généraliser, à domicile, dans les lieux d’hébergement, enfermant les personnes dans une « non-existence » légalisée.
Enfin on peut rappeler que lors de l’adoption de la Directive Retour, le ministre de l’Immigration d’alors, Brice Hortefeux, s’était engagé à ne pas modifier la durée de rétention en France
Combattre le « pointillisme procédural » ?
L’arrestation, la garde à vue puis le placement en rétention d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement sont encadrés juridiquement pour garantir le respect des droits des personnes arrêtées. Aujourd’hui, un tiers des échecs de reconduites à la frontières est dû à des illégalités de procédure. Car du fait de la politique du chiffre, les arrestations des étrangers sous le coup d’une mesure d’éloignement se multiplient et sont bien souvent entachées de nombreuses irrégularités. Les droits des étrangers arrêtés trop fréquemment bafoués. Lorsqu’ils observent de telles irrégularités, les juges des libertés et de la détention décident de libérer les étrangers arrêtés. Mais il ne s’agit pas de simples vices de forme, d’une virgule mal placée ou d’un mot mal prononcé. Il s’agit du respect des droits les plus fondamentaux des personnes retenues. Les procédures et le contrôle judiciaire sont les seuls moyens que nous ayons pour garantir l’effectivité des droits de tous, étrangers ou non.
Or ce projet de loi prévoit que les irrégularités de procédures ne puissent plus être soulevées que de manière très restrictive. D’abord, les étrangers arrêtés ne seront informés de leurs droits que « dans les meilleurs délais possibles » après notification de leur rétention. Les retenus ne pourront faire valoir leurs droits (droit à un avocat, à un interprète etc.) qu’une fois arrivés au centre de rétention. Aucun droit ne leur serait donc garanti durant le trajet entre la garde à vue et l’arrivée au centre de rétention.
Surtout, un étranger retenu sera privé de liberté durant cinq jours, sur décision administrative, avant que le préfet ne saisisse le juge des libertés et de la détention, le seul pourtant garant de la liberté individuelle. Selon le ministre, cela laissera le temps au juge administratif de statuer sur le « fond » de la mesure d’éloignement. Cet allongement de la durée de privation de liberté sans contrôle judiciaire laisse surtout plus de temps à l’administration pour organiser les expulsions avant même qu’un juge ne se prononce sur la légalité de la procédure suivie.
De plus, la complexité et la multiplicité des mesures qui peuvent être prises à l’encontre des étrangers retenus les empêcheront vraisemblablement de faire valoir leurs droits. Selon les mesures dont ils feraient l’objet, ils pourraient contester devant le juge administratif cinq à six actes administratifs dans un seul recours à faire dans un délai de 48h ! Comment un étranger non francophone pourra-t-il exercer ses droits, dont on ne l’informe que « dès que possible », dans un tel labyrinthe juridique ?
Qu’est ce qu’une zone d’attente spéciale ?
Aujourd’hui les zones d’attentes sont délimitées précisément à proximité des lieux de débarquements : ports, aéroports… Dans ces zones les étrangers qui ne présentent pas les conditions d’entrée sur le territoire français sont retenus le temps de les renvoyer vers le pays dont ils proviennent ou le temps de l’examen de leur situation, notamment celle des demandeurs d’asile. Privés de liberté, leurs droits sont extrêmement restreints.
Ce projet de loi prévoit de faire de ce régime d’exception un principe en permettant à l’administration de créer une zone d’attente du lieu de découverte d’un groupe d’étrangers, qui manifestement vient d’entrer sur le territoire français, jusqu’au poste frontière le plus proche. L’administration peut donc rendre très élastique la délimitation de la zone d’attente. Cette mesure est présentée comme une réponse adéquate aux situations exceptionnelles comme celle de l’arrivée de demandeurs d’asile kurdes sur une plage de Corse en janvier 2010. Pourtant, il existait alors différentes façons d’accueillir ces demandeurs d’asile et d’examiner leur demande sans pour autant créer une zone d’attente spéciale (la préfecture pouvait tout à fait admettre provisoirement au séjour ces demandeurs d’asile kurdes pour leur permettre de déposer leur demande d’asile). En réalité cette mesure n’a d’autre but que d’empêcher les personnes de faire valoir normalement leurs droits et contourner la justice qui, dans l’affaire des Kurdes arrivés en Corse, a d’ailleurs ordonné la libération de toutes les personnes et l’annulation de tous les arrêtés de reconduite à la frontière qui avaient été pris à leur encontre.
Les sanctions aux employeurs qui embauchent des travailleurs sans-papiers ne vont-elles pas permettre de mettre fin à leur exploitation ?
Ce projet de loi prévoit en effet de plus lourdes sanctions administratives et judiciaires contre les entreprises employant des travailleurs sans-papiers, et plus précisément contre les maîtres d’ouvrage. Mais en ne précisant que les nouvelles sanctions contre les employeurs, ce projet élude complètement la question de la régularisation par le travail.
Que va-t-il se passer effectivement pour tous les travailleurs sans-papiers qui sont en France, y travaillent et cotisent depuis des années ? Rien n’est dit à leur sujet. Aucune proposition n’est faite pour leur permettre, en les régularisant, d’accéder aux mêmes droits que les autres salariés. Or la meilleure façon de lutter contre le travail clandestin c’est de permettre aux travailleurs eux-mêmes de faire valoir leurs droits, sans crainte d’être arrêtés et expulsés.
Que dit ce projet de loi sur le délit de solidarité ?
Depuis quelques années, des citoyens sont poursuivis en France pour avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, pour délit de solidarité, comme l’illustre le film Welcome. Depuis 2008, les associations engagées auprès des étrangers en situation précaire demandent la modification de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour aide au séjour irrégulier.
Or la modification proposée par le nouveau projet est minime car elle prévoit une immunité que pour celui qui «sauvegarde la personne d’un étranger ». Ce n’est pas seulement l’action humanitaire qui doit être prise en compte dans cette immunité mais également le travail d’accompagnement social et juridique en vue de l’autonomie.
Avec ce projet, les personnes qui aident et accompagnent les migrants pourront toujours être poursuivies.
Auteur: Service communication
LES PRAHDA (programmes régionaux d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile) font partie ...
Depuis le début de l’année 2024, les tentatives d’expulsion de personnes originaires de pays ...
Communiqué du réseau euro-africain Migreurop dont La Cimade est membre, à l'occasion du 20ème ...
Mercredi 30 octobre, la coordination Bouge ta Pref 38 a organisé une conférence de presse pour ...