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La réforme du droit au séjour pour raisons médicales s’est accompagnée en janvier 2017 de la mise à l’écart du ministère de la santé dans la procédure de délivrance de titres de séjour pour raisons médicales. Tout est désormais sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Afin de mieux comprendre les conséquences de ce changement de compétence pour les personnes malades étrangères, La Cimade a publié fin juin le rapport d’observation Soigner ou suspecter ? Interview avec Lise Faron, la coordinatrice de cette enquête.
D’où a surgi l’idée de faire un rapport d’observation sur la réforme du 7 mars 2016 concernant les personnes malades étrangères ?
Cette réforme transfère des missions dévolues jusqu’ici aux médecins des agences régionales de santé à l’Office français de l’immigration et l’intégration (Ofii), qui lui, dépend du ministère de l’intérieur. C’est une réforme passée assez inaperçue et qui peut sembler peut être anodine, une simple réorganisation entre administrations. Pourtant, La Cimade, comme l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), s’était opposée à cette réforme, craignant que la logique sécuritaire du contrôle de l’immigration du ministère de l’intérieur ne l’emporte sur les priorités en terme de santé publique et de prévention défendues par le ministère de la santé et donc les agences régionales de santé.
Dès l’entrée en vigueur de cette réforme le 1er janvier 2017, nous avons pu observer concrètement ses effets sur le terrain. Très vite nous avons donc décidé de documenter les situations vécues dans nos permanences durant la première année d’application de la réforme et de les rassembler dans un rapport d’observation. Il ne s’agit pas d’un rapport exhaustif. Au moment de sa publication, il n’existait aucun chiffre officiel et nous n’avons pu obtenir que des estimations lors de nos rencontres avec l’Ofii. Notre idée était de montrer les effets concrets de cette réforme, depuis le point de vue des personnes malades. Comment un transfert de compétences entre administrations peut avoir des conséquences sur la vie quotidienne des personnes étrangères ?
Ce rapport d’observation confirme-t-il les craintes que vous aviez avant l’application de cette réforme ?
Malheureusement oui. Et pire encore. Une chose que nous n’avions pas soupçonnée lors des débats sur la loi du 7 mars 2016 mais qui s’est révélée au fur et à mesure de l’année 2017, c’est la complexification des procédures et des démarches. C’est vraiment un point noir que nous n’avions pas imaginé avant de découvrir les décrets d’application : délais qui explosent, manque d’information, difficultés pour avoir accès à la procédure. Cela peut varier selon les départements, mais il y a vraiment eu une telle complexification que nombre de personnes malades étrangères sont toujours en attente d’une décision plus d’un an après leur demande, attente durant laquelle ils peuvent être privés de certains de leurs droits comme le droit au travail.
Pour le reste, nos craintes se sont confirmées. L’Ofii se réapproprie les obsessions sécuritaires du ministère de l’intérieur. C’est la logique de suspicion et de lutte contre la fraude qui l’emporte. Et ce alors même que l’Ofii reconnaît que la fraude est plus que marginale ! Rien n’y fait. Nous avons observé une forte hausse du taux de décisions défavorables ainsi qu’une recrudescence des expulsions. Nous avons documenté plus d’une vingtaine de situations de personnes séropositives sous le coup d’une expulsion. C’est du jamais vu !
Vous dites que ce rapport n’est pas exhaustif, comment avez-vous procédé pour avoir une vision d’ensemble ?
C’est un ouvrage conçu et écrit à plusieurs mains. Dans quatre régions et au national, bénévoles et salarié·e·s de La Cimade, dont certain·e·s en centres de rétention, ont participé à l’élaboration de ce rapport. Si les personnes malades étrangères ne représentent que 2% des personnes étrangères admises au séjour en France, elles représentent une forte proportion des personnes que nous accompagnons dans nos permanences, car elles ont de grandes difficultés à faire valoir leurs droits. L’accès au droit au séjour et à la santé est une problématique très importante pour les bénévoles de La Cimade. Au fil de tous les témoignages et situations vécues, nous avons donc pu dresser un constat global assez juste des conséquences de cette réforme. Encore fois, nous n’avons pas voulu faire une analyse juridique ou politique, mais bien montrer comment, concrètement, les personnes malades étrangères sont affectées par la mise à l’écart du ministère de la santé dans la procédure de délivrance de titres de séjour pour raisons médicales.
Dans votre rapport, vous parlez de « combattant·e·s » pour parler des personnes malades étrangères…
Au sein de La Cimade, nous menons une réflexion sur la manière de parler des personnes malades étrangères. Nous ne souhaitons pas en parler comme des objets ou des victimes, mais bien comme des sujets de plein droit. Des hommes et des femmes qui travaillent, qui construisent leur vie en France, mais dont la vie est menacée, car on ne leur dénie le droit à la santé au prétexte qu’ils ou elles sont étrangers ou étrangères. Ils et elles doivent véritablement se battre pour s’en sortir dans ce dédale de démarches, renvoyés sans cesse d’une administration à une autre…
Qu’espérez-vous de la diffusion de ce rapport ?
Nous l’avons fait parvenir aux administrations et ministères concernés. Pour l’instant, nous n’avons pas eu de retour, même si nous espérons que s’ouvre le débat autour de la mise en application de cette réforme.
Ce rapport d’observation a été aussi pensé, dans sa forme courte, synthétique et illustrée, pour que chacun et chacune puisse s’emparer de cette question. Bien sûr, la situation des malades étrangers et étrangères qui représentent une toute petite minorité des migrants et migrantes peut paraître anecdotique. Pourtant, en leur refusant le droit à la santé, en renvoyant des personnes à une mort certaine, l’État français piétine nos valeurs et nos droits. Et c’est entre les lignes de décret d’application, comme dans la manière d’informer ou de traiter les personnes aux guichets, que nous devons être vigilant·e·s.
Propos recueillis par Agathe Marin
> Pour aller plus loin : découvrir le rapport Soigner ou suspecter ?
Auteur: Service communication
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