L’État doit cesser d’entraver la solidarité avec les personnes exilées aux frontières
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« Mon fils Abdourrakhman ne comprend pas pourquoi il est interdit de sortir de cette petite pièce. Il cherche à passer la porte qu’un policier garde. Le policier le repousse violemment avec sa main. Le bébé tombe, sa tête heurte le sol. Il hurle. Je n’arrive pas à le calmer. Le policier me dit de le faire taire, méchamment. »
En tant que bénévole, nous rencontrons régulièrement à La Cimade des migrants qui ont subi toutes sortes de persécutions dans leur pays d’origine. On entend aussi souvent la voix de gens qui se sentent humiliés ou ne sont pas traités correctement en France. Nous avons souhaité donner la parole à la famille Mambetov, car la gestion de leur dossier, par la préfecture du Cantal, tout autant que l’attitude des policiers nous paraissent édifiantes.
Ce jeune couple âgé respectivement de 23 et 26 ans, est originaire de Kabardino-Balkarie, république du Caucase Russe. Leur bébé de 16 mois est né en France. Ils vivent tranquillement à Aurillac depuis plus d’un an. Déboutés de leurs demandes d’asile politique, ils sont assignés à résidence de janvier à avril 2013 et respectent leurs obligations scrupuleusement. À la fin de cette période d’assignation, la préfecture du Cantal leur laisse entendre de manière équivoque qu’ils seront un jour régularisés… Dans cette attente, ils logent au foyer de jeunes travailleurs à Aurillac où ils sont particulièrement appréciés du personnel.
Le 18 juillet 2013, à 6h40, cinq voitures de police et pas moins de vingt policiers tambourinent à la porte d’entrée du foyer. L’animatrice ouvre, demande à téléphoner à sa directrice. Les policiers l’en empêchent. Ils demandent où se trouvent les Mambetov. Ils n’ont pas de temps à perdre.
La suite…
Monsieur Mambetov :
« Vers 6h30 une vingtaine de policiers en civil s’introduisent dans notre chambre. On dort tout les trois. Personne n’a frappé à la porte, nous ne savons pas comment ils sont entrés. On se réveille en panique avec du monde autour de notre lit, on a très peur, on ne comprend pas ce qui se passe. Ils crient : « Police ! » Ils me demandent de me lever. Je tente de recouvrir ma femme avec une couverture, un policier m’attrape le bras et m’en empêche avec force. J’entends « laisse ta femme !» puis il me traine jusqu’à la salle de bain. Un autre policier ramasse mes vêtements et me les jette pour que je m’habille. Je dois faire vite. Ils me sortent de l’appartement avec force sans que je sache ce qu’ils vont faire à ma femme et à mon enfant. J’ai peur. J’ose un Pourquoi ? Un policier me répond sèchement: « Vous n’avez pas de papiers ! »
Lors de l’entretien, Madame et Monsieur Mambetov prennent la parole à tour de rôle sans se concerter. A la fin de cette rencontre, Madame s’effondre.
Madame Mambetov :
« Quand mon mari sort avec des policiers, je suis dans le lit. J’essaie de tendre ma main pour attraper mon foulard et me recouvrir. Un policier me pousse le bras. Ils fouillent mes vêtements puis me les font passer. Je ne comprends rien. Je peux enfin m’habiller, mais ils ne me laissent pas mettre mon foulard. J’ai peur et honte à la fois. Ils fouillent tout l’appartement, le linge sale, les couches du bébé, tout est retourné… J’essaye de demander ce qu’ils veulent, on crie « Attendez-là ! »
Mon mari n’est plus avec nous, je panique.
La fouille est finie, ils fourrent à la va-vite nos vêtements dans des sacs. Je veux trier et plier les affaires de mon bébé, ils m’en empêchent. Je ne peux emporter que les quelques affaires à portée de main. Nous sortons avec mon bébé. Je peux enfin revoir mon mari, mais pas m’en approcher. Ils nous font monter dans deux voitures différentes. Je suis terrifiée. Nous arrivons au commissariat d’Aurillac. Là, il y a un interprète. On nous dit séparément qu’on va nous conduire dans un centre de rétention, que nous rencontrerons là-bas une association et un avocat.
Nous sommes ensuite enfin réunis dans un minibus. Une policière me permet de chercher mon foulard dans un sac et de me couvrir. Durant le long voyage, le bébé pleure, les policiers sont agressifs. »
Aurillac – Lyon, 320 km : 4 heures de route minimum.
Monsieur Mambetov :
« En regardant les panneaux, Je m’aperçois que nous n’allons pas dans un centre mais que nous arrivons dans un aéroport. Je demande ce qui se passe. Un policier me dit alors « On ne vous a pas mis au courant ? Votre vol est prévu à 17h, on a la consigne de vous conduire à l’aéroport. »
Dans l’aéroport, on nous enferme dans une toute petite pièce. Il fait très chaud. »
Madame Mambetov :
« Mon fils Abdourrakhman ne comprend pas pourquoi il est interdit de sortir de cette petite pièce. Il cherche à passer la porte qu’un policier garde. Le policier le repousse violemment avec sa main. Le bébé tombe, sa tête heurte le sol. Il hurle. Je n’arrive pas à le calmer. Le policier me dit de le faire taire, méchamment. »
Monsieur Mambetov :
« On est reçu au poste de la police aux frontières. Je demande à téléphoner à La Cimade, à voir un avocat. On me dit de me tenir tranquille. J’arrive à expliquer au policier qu’on nous a trompés, qu’on nous avait dit que nous irions en rétention d’où l’on pourrait joindre un avocat. Le policier sort de la pièce, il est en colère, on l’entend s’engueuler avec ceux qui nous ont emmené depuis Aurillac. Il nous laisse téléphoner au centre de rétention à une personne d’une association Forum Réfugiés à qui on explique vouloir demander l’asile. Plus tard, nous sommes conduits au centre de rétention, nos affaires ont déjà été embarquées.
Je ne pensais pas qu’en France, la police avait le droit d’agir ainsi et de nous traiter aussi mal. Toute la journée, ils ont été agressifs et méprisants avec nous. »
Libérée du centre de rétention le 19 juillet en début de soirée par le tribunal administratif de Lyon, cette famille est rentrée à Aurillac par ses propres moyens. Elle est arrivée le 20 juillet vers 4h du matin. Le bébé est traumatisé. Les conditions d’arrestation de cette famille ont eu pour conséquence de renforcer les troubles post traumatiques et le mal être de Madame.
« Depuis cette arrestation je ne peux plus allaiter mon fils, je n’ai plus de lait. Abdourrakhman dort mal. On a toujours peur. »
Tout cela ne pose aucun problème à nos autorités. Pour le Directeur de la citoyenneté et des collectivités de la préfecture du Cantal interviewé par le quotidien La Montagne le 20 juillet : « c’est un dossier relativement classique, nous avons essayé d’organiser le retour de cette famille en Russie. »
Après le retour de cette famille à Aurillac, nous devons insister lourdement et les accompagner physiquement en préfecture pour qu’un rendez-vous leur soit accordé. À ce jour, la famille Mambetov attend toujours de pouvoir déposer sa nouvelle demande d’asile politique.
Relativement classique…
Stéphane Fréchou, bénévole de La Cimade à Aurillac
Auteur: Service communication
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