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Rentrée scolaire sous haute tension à Mayotte

27 septembre 2016

Qu’ils soient enfants du sud de l’île, logés au gîte du Bengali ou bacheliers de Mamoudzou, tous ces jeunes rencontrent des difficultés pour suivre leur cursus scolaire, du fait de leur nationalité comorienne. L’histoire les a placés au cœur d’une île en crise, soumise à des tensions inquiétantes. Eux ne désiraient qu’une chose : étudier.

De janvier à mai 2016, des habitants mahorais se sont constitués en collectifs pour expulser les comoriens dans des villages au sud de l’île. Dénonçant des habitations illégales occupées par des clandestins, les vols à répétition et un encombrement des services publics généré, à leurs yeux,  par l’afflux d’étrangers, les collectifs ont chassé des villages concernés la quasi-totalité des étrangers, dont la majorité était composée de mineurs et ou de personnes en situation régulière. Habitations pillées, détruites partiellement ou brûlées…. La crise atteindra son paroxysme en juin et condamnera à la rue plus de 2 000 personnes. Si certaines sont, depuis,  retournées aux Comores, la majorité est restée à Mayotte, enfermée pourtant dans la spirale de solutions précaires (relogement chez des amis,  dans la forêt, ou sur la place de La République de Mamoudzou, chef-lieu du département…). Officiellement stoppées depuis juin et le ramadan, les opérations de décasages donnent désormais lieu à des actions d’un nouveau type, toujours frappées du sceau de l’illégalité, des collectifs mahorais.

L’entrée des écoles interdite aux enfants comoriens

A la rentrée, des actions ont été menées dans le sud de l’ile, aux abords des écoles pour mettre la pression sur les familles et les élus. Le but avoué de ces manœuvres visait la déscolarisation des enfants des familles décasées à la suite des expulsions.

Le 24 août dernier, des mahorais ont ainsi bloqué l’entrée de l’école de Tsimkoura dans la Commune de Chirongui et protesté contre la présence des enfants comoriens. A plusieurs reprises les forces de l’ordre ont dû se mobiliser pour assurer l’entrée des enfants à l’école. Dans la commune de Bounéi, des opérations de filtrage se sont déroulées  à l’entrée des écoles d’Hagnoudrou et de Bouéni pour repérer les enfants comoriens.

Enfin, le mardi 30 août, l’école de Choungui  dans la commune de Kani Kéli a fermé ses portes en raison d’une présence « massive d’enfants en situation irrégulière ». Si les filtrages ont cessé début septembre, en revanche la société civile a d ores et déjà identifiés plus de 47 enfants déscolarisés pour la seule commune de Chirongui. (villages de Tsimkoura et Poroani).

Déscolarisation ou difficultés d’accès à l’école pour les mineurs vivant au gîte du Bengali

Les familles réfugiées place de La République à Mamoudzou ont été relogées à compter du 22 juin au sein du  gîte, « Le Bengali », à 10km de Mamoudzou, à Vahibé. Sur les 364  personnes recensées fin juin sur le gîte, elles n’étaient plus que 130 en septembre. Des conventions ont été signées dès juillet pour garantir aux familles une allocation pour couvrir les besoins alimentaires. La préfecture s’engageait également à proposer des solutions d’hébergement et de nature à scolariser les enfants.

Des annonces trompeuses

Dans les faits, si les « décasés » du gîte de Bengali sont nourris par les gérants du gîte qui perçoivent 8€ par personne par la Croix Rouge, ils ne bénéficient presque pas d’accompagnement social et leurs conditions de vie sont catastrophiques. Les personnes ayant quitté le gîte ont dû trouver des options de logement par elles-mêmes.

La préfecture et la Mairie refusant de domicilier les familles, leurs enfants, (une centaine majoritairement en âge d’être scolarisés, se voient interdits d’école. Les 35 collégiens et lycéens sont contraints de se rendre chaque jour dans le sud de l’île, ce qui implique un départ du gîte à 4h du matin, une marche d’une heure puis un trajet en bus de 2 heures. Le soir ils ne rentrent chez eux qu’aux alentours de 19h.

Des jeunes bacheliers privés d’études faute de carte de séjour

2016 est une année record pour le nombre d’élèves à Mayotte  avec 95 000 jeunes, dont près de la moitié est comorienne. Les élèves étrangers qui arrivent au bout de ce parcours scolaire se heurtent à une difficulté majeure : l’obtention de cartes de séjour pour poursuivre des études supérieures.

C’est ainsi chaque année. Ils sont des centaines (entre 300 et 400 selon le CIO) à ne pas être en mesure de poursuivre leurs études, du moins temporairement.

Ces élèves ne sont ni moins motivés ni moins doués que d’autres. Mais ceux-là sont différents. Parce qu’étrangers. Et la République que nous connaissons en métropole a perdu la mémoire à Mayotte.

Là, les étudiants sont contraints de passer une (ou deux) années blanches. Certains redoublent d’ailleurs volontairement leur année de terminale pour ne pas se retrouver désœuvrés de peur de décrocher totalement de leur parcours scolaire.

L’origine de cette situation réside dans les difficultés d’obtention d’une carte de séjour, et notamment les délais. Si, au regard de la loi, la préfecture dispose de 4 mois pour rendre une décision  à la suite d’ une demande de titre de séjour, la durée d’attente à Mayotte oscille entre 10 mois et deux ans. Les jeunes bacheliers se retrouvent dans l’impossibilité d’obtenir leur régularisation administrative pour poursuivre leur formation, à Mayotte, à La Réunion ou en métropole.

Les étudiants soutenus par La Cimade

En désespoir de cause, les étudiants sont nombreux à se rendre dans les permanences d’accompagnement juridique de La Cimade de Mayotte pour tenter de trouver une solution. Pour cette année 2016, les bénévoles les ont accueillis pour discuter collectivement de ces difficultés. L’idée a germé de créer un collectif depuis lors soutenu par La Cimade au plan matériel mais aussi en terme de ressources juridiques afin que la centaine d’étudiants structuré en collectif puissent développer leur  capacité à faire valoir leurs droits.

Dès le 8 août, ils ont interpellé par écrit le Préfet de Mayotte pour faire état de leurs difficultés et solliciter un entretien. Face à son silence,  le collectif a convoqué les médias locaux le 17 août pour rendre visible leur situation auprès de l’opinion publique.

Réfugiée dans un mutisme incompréhensible, la préfecture n’a, là encore, pas eu de réactions. Les étudiants ont en conséquence organisé une manifestation qui a permis d’obtenir un rendez-vous avec le secrétaire général le vendredi 2 septembre, puis un 2nd le mardi 6 septembre.

A l’issue de ce dernier entretien auxquels assistaient des responsables du vice-rectorat, la Préfecture s’est engagée à traiter avant fin novembre l’ensemble des dossiers des jeunes bacheliers en lien avec les établissements scolaires. Un protocole a été mis en place pour que les chefs d’établissements puissent informer le vice-rectorat d’éventuelles difficultés rencontrées par des jeunes bacheliers.

Pour autant, à ce jour, le collectif continue d’alerter les médias en attendant la concrétisation des mesures annoncées par la préfecture.

Qu’ils soient enfants du sud de l’île, logés au gîte du Bengali ou bacheliers de Mamoudzou, tous ces jeunes rencontrent des difficultés pour suivre leur cursus scolaire, du fait de leur nationalité comorienne. L’histoire les a placés au cœur d’une île en crise, soumise à des tensions inquiétantes. Eux ne désiraient qu’une chose : étudier.

 

 

Photographie : © Vali Faucheux

 

Pour aller plus loin, voici 3 articles :

Mayotte : Être étranger et étudiant, le parcours du combattant

Crise des « décasés » à Mayotte : l’État poursuit son absence d’engagement

Mayotte : la chasse aux étrangers par la population est ouverte… et couverte

 

Auteur: Région Outre-Mer

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