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Sur la route des vacances de M. Besson

29 juillet 2009

Sur la route de ses vacances au Brésil, Eric Besson, ministre de l’Immigration, passe 24h en Guyane. Au vu de son programme de visite le 23 juillet, son objectif est triple : encourager la Préfecture à « faire du chiffre » en termes de reconduite à la frontière, affirmer comme priorité la lutte contre les orpailleurs clandestins et privilégier la coopération avec le Brésil voisin, grand pourvoyeur de migrants sur le territoire guyanais.

23 Juillet 2009 Par Marie E. Pommerolle

Sur la route de ses vacances au Brésil, Eric Besson, ministre de l’Immigration, passe 24h en Guyane. Au vu de son programme de visite le 23 juillet, son objectif est triple : encourager la Préfecture à « faire du chiffre » en termes de reconduite à la frontière, affirmer comme priorité la lutte contre les orpailleurs clandestins et privilégier la coopération avec le Brésil voisin, grand pourvoyeur de migrants sur le territoire guyanais. En axant le discours sur l’orpaillage, condamné unanimement, et en faisant croire à la solution de la coopération transfrontalière, exactement comme l’avait fait son mentor présidentiel lors de ses passages en 2006 et 2008, il passe à côté de la question centrale : celle des dizaines de milliers d’étrangers installés, en famille, qui, contrairement aux clichés ne bénéficient pas de droits sociaux mirobolants (pas de CAF, pas de RMI quand on est sans titre de séjour !), victimes de l’inefficacité des services de la préfecture, et pire encore, de la gendarmerie et de la police qui travaillent quotidiennement à remplir leurs objectifs de reconduite : un tiers des résultats métropolitains. Suivons donc le ministre dans son (vrai) programme de visite et invitons-le à venir voir ce qu’il a choisi de ne pas voir.

08h15 Visite du service des étrangers de la préfecture

Le Ministre pourra alors féliciter le personnel – aidé par les services de la police et de la gendarmerie bien sûr – grâce à qui 9000 personnes ont été reconduites en 2008 (dans un département d’environ 250 000 habitants). Il pourra aussi se réjouir de la construction d’une nouvelle case d’accueil permettant aux étrangers en demande de régularisation de s’abriter du soleil ou de la pluie lorsqu’ils passent des heures pour se faire refuser le guichet. Verra-t-il les piles de dossier entassés depuis des années dans les bureaux du service des étrangers, et qui ne seront pourtant jamais traités ? Aura-t-il l’occasion de s’entretenir avec l’une de ces personnes en attente d’une réponse, qui va et vient sans même un récépissé car la préfecture n’en délivre qu’au compte-goutte ? Rencontrera-t-il le service du contentieux qui voit sa charge croître face aux recours de plus en plus nombreux qui pleuvent sur la préfecture pour des procédures illégales ? Fera-t-il un détour par le tribunal administratif, tout proche, qui condamne régulièrement la préfecture ?

L’INSEE estime à environ 40 000 le nombre d’étrangers en Guyane ; parmi eux un bon nombre seraient « irréguliers », mais combien parmi eux sont effectivement régularisables ? Des conjoints de résidents, des parents d’enfants français, des jeunes arrivés avant 13 ans : de droit ou à l’appréciation de la préfecture, de nombreux « sans-papiers » pourraient mener une vie régulière sur un territoire sur lequel ils vivent, aiment, travaillent. Alors même que la Guyane se cherche des voies de développement, les discours politiques et administratifs sont schizophréniques : certains assurent que seule une croissance démographique forte pourra permettre à la Guyane de devenir un marché rentable ; le lendemain, en chœur avec la représentation politique et le sens commun, les mêmes martèlent que la priorité est la lutte contre l’immigration clandestine. Le tour de passe-passe est vite fait : il suffit d’assimiler immigration et orpaillage. C’est ce que va encore faire le Ministre demain, après son rapide passage en préfecture. Alors même que la majorité des migrants ici souhaiteraient un service des étrangers qui les considèrent effectivement comme des « usagers » et voit ses conditions de travail améliorer, le Ministre privilégie le sensationnel et l’émotionnel

9h15 Déplacement sur un site d’orpaillage illégal dans le cadre de l’opération Harpie

Imaginons-le en hélicoptère, avec le préfet, peut-être le procureur, atterrissant dans une trouée faite par les camps d’orpailleurs, en pleine forêt. Là, les attendent les forces de l’opération harpie 2 qui exhibent leur trésor : le matériel d’orpaillage détruit, les baixos incendiés. Et les orpailleurs ? Enfuit dans le forêt…Dans ses bottes et en chemisette, suant dans l’atmosphère moite de la forêt, le Ministre commence à penser à ses vacances. On insiste autour de lui pour lui donner des chiffres : plusieurs milliers d’orpailleurs sont reconduits directement chaque année ; certains commencent à être asphyxiés économiquement par les opérations choc lancées par le président. Mais il ne verra pas d’orpailleur, comme il n’avait aperçu que de loin les étranges de la préfecture. Comme vous, comme moi, il ne saura rien de leur trajectoire, de leurs envies, des raisons qui les poussent à vivre dans des conditions extrêmes, avant de repartir quelques mois chez eux nourrir leur famille. Il ne fera pas le lien entre ces « orpailleurs » toujours floutés sur les photos des journaux, sans nom, et les amis brésiliens qui l’attendent pour les vacances…

11h30 Réception en mairie de Saint Georges de l’Oyapock et visite de la commune avec passage au SPAF (thème : gestion des flux migratoires dans une commune frontalière).

Nation civilisée, la France discute avec les autorités voisines, même quand elle traite leurs ressortissants sans aucune humanité. La traditionnelle rencontre franco-brésilienne sur l’Oyapock est donc prévue au programme. Blabla habituel sur la coopération, le co-développement, et pieds de nez des Brésiliens à peine reconduits à Oyapock et qui reviennent tranquillement sur la rive française. Lui montrera-t-on les itinéraires des migrants qui, malgré les barrages permanents sur les deux routes nationales que compte la Guyane, trouvent toujours à revenir vers Cayenne, Kourou, Matoury ? Lui donnera-t-on les chiffres préfectoraux selon lesquels 30% des personnes reconduites avaient déjà été interpellés (ce qui est déjà beaucoup), chiffres fantaisistes selon certains, qui avancent la proportion de 60%? Lui dira-t-on à quel point la politique du chiffre atteint ici le paroxysme du ridicule ?

Certainement pas, notamment parce qu’il a choisi de ne pas tout voir. Il ne verra pas le Centre de rétention administrative, qui accueille plus de 5000 personnes par an. Un centre qui, selon le Ministre (journal RFO 22 juillet) se conformerait aujourd’hui à toutes les normes en vigueur et ne connaîtrait plus aucun problème. Rencontrera-t-il La Cimade, association qui intervient en rétention ? Lira-t-il, au moins, la petite note préparée par son cabinet sur les avis de la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) ? Procédures d’interpellation stéréotypées ( à la lecture des procès-verbaux, les étrangers interpellés diraient tous ‘ « je ne souhaite pas faire valoir mes droits », en français, Chapeau, quelle intégration par la langue !), absence de notification des droits, difficile accès aux soins, à un avocat, cas de violences policières, enfants en rétention (pas plus tard qu’en juin 2009) alors que ce centre n’est pas habilité, etc…Mais cela, M. Besson n’a pas le temps de le voir, car il part en vacances à Brasilia. Peut-être aura-t-il le temps de discuter avec quelques Brésiliens reconduits ? Il sont quasi-quotidiennement sur les avions de la TAF. Tout au fond de l’avion, sans escorte. C’est le commandant de bord qui détient leur passeport. Un accord inédit d’ailleurs.

Et enfin, avant de partir, M. Besson ne verra pas non plus le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Il ne le verra pas car il n’y en pas. Seul département de France accueillant plus de 300 demandeurs d’asile, sans structure pour les accueillir. Des familles de Colombiens, de Péruviens, du continent latino-américain et des Caraïbes, squattent et vivent littéralement dans la rue. Quand ils réclament un peu fort, on les héberge quelques temps, mais aucune solution durable n’est adoptée.

Bonnes vacances M. Besson. Merci d’emporter avec vous quelques devoirs de vacances de Guyane.

Auteur: Service communication

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