Rats, cafards, froid, humidité : Un « patrimoine » dont les jeunes migrants se passeraient bien
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Depuis plusieurs mois voire années maintenant, nos équipes de bénévoles constatent un durcissement des conditions d’accès au service public des préfectures et sous-préfectures de la région Hauts-de-France pour les personnes étrangères. Retrouvez ici le témoignage de personnes accompagnées, de bénévoles et de travailleurs sociaux.
Depuis plusieurs mois voire années maintenant, nos équipes de bénévoles constatent un durcissement des conditions d’accès au service public des préfectures et sous-préfectures de la région Hauts-de-France pour les personnes étrangères. Les modalités de dépôt varient d’un département à l’autre, et selon le motif du titre demandé : à Soissons, Amiens, Douai par exemple, il faut prendre rendez-vous sur une plateforme pour pouvoir déposer son dossier ; à Lille, certaines demandes sont à envoyer par courrier, d’autres doivent faire l’objet d’une demande de rdv par mail ; à Arras, l’ensemble de la demande de titre doit être déposé sur un site internet.
Nous relayons ici le témoignage de personnes accompagnées, de bénévoles et de travailleurs sociaux.
Nos permanences ne cessent de recevoir des appels de personnes en difficulté avec l’administration préfectorale, ne sachant plus à qui s’adresser pour régulariser leur situation administrative, ou tout simplement pour obtenir le renouvellement de leur titre de  séjour.
Rendez-vous à prendre en ligne sans plage disponible, mails de réponse automatique sans qu’aucune suite y soit donnée, silence prolongé après le remplissage en ligne d’un formulaire complexe, exigence de pièces justificatives et de documents sans fondement légal ou règlementaire, … : l’absence de réactivité des services préfectoraux n’a paradoxalement jamais été aussi marquée que depuis la dématérialisation des procédures relatives aux titres de séjour.
Sophie, travailleuse sociale : J’accompagne une dame depuis un peu plus d’un an dans ses démarches. Le manque de communication de la sous-préfecture de Douai et la dématérialisation compliquent les choses. Par exemple, on doit prendre rendez-vous sur internet, mais trop peu de créneaux sont proposés et on ne sait pas quand ils sont mis en ligne. Depuis un an, je n’ai jamais réussi à lui avoir un rendez-vous. Et quand j’envoie un mail ou que j’appelle la sous-préfecture, je n’ai jamais de réponse. Je me suis donc parfois déplacée sans rendez-vous à la sous-Préfecture, où j’attends à chaque fois plusieurs heures. Une fois nous avons même attendu dehors, sous prétexte du covid alors que nous n’étions pas en période de confinement. Aller directement sur place semble être la seule manière de faire avancer les choses puisque dix jours après avoir été reçues par une agente de la préfecture, nous avons reçu un courrier. C’est insupportable de ne pas avoir accès à une ligne directe ou de pouvoir être reçu en face à face. Ce n’est déjà pas simple pour nos publics d’avoir accès à un ordinateur et à internet, ce refus de communication empire la situation.
Dans l’Aisne, ce sont 99% des demandes de rdv formulées en ligne qui n’aboutissent pas faute de créneau disponible (source : https://aguichetsfermes.lacimade.org/02)
Denise, bénévole à Soissons : La dématérialisation des démarches a commencé sur Soissons en 2017. Au début, les créneaux disponibles pour les rendez-vous étaient affichés en ligne chaque lundi matin. Il n’y avait pas d’heure exacte, il fallait être rapide. Mais depuis octobre, les créneaux sont mis en ligne aléatoirement. Il faut se connecter tous les jours et toute la journée pour espérer tomber dessus, c’est épuisant. Cette nouvelle organisation est une consigne du Ministère de l’Intérieur, soi-disant pour lutter contre les fraudes. Mais au contraire, cela empire la situation car certaines personnes paient des gens pour surveiller la plateforme et prendre rendez-vous à leur place.
Hélène, bénévole à Soissons : j’allume mon ordinateur chaque matin, je me connecte au site de la préfecture de l’Aisne, et je surveille toute la journée si il y a des place s de rdv disponibles. J’ai une liste de personnes qui n’arrivent pas à avoir de rdv et j’essaie de leur en trouver. En ce moment, la préfecture donne des rdv uniquement pour la semaine qui suit, les délais sont très courts. Parfois, c’est même du jour au lendemain. C’est difficile d’anticiper et de s’organiser. Tous les jours, des personnes appellent la Cimade parce qu’elles n’arrivent pas à obtenir de rdv sur le site web.
Loin d’être un progrès, le numérique est aujourd’hui pour beaucoup des personnes étrangères un mur infranchissable, qui les prive de toute possibilité d’échange avec l’administration.
Julien, médiateur social et bénévole à Tourcoing : J’accompagne des personnes en difficulté pour accéder à leurs droits et services. La dématérialisation des démarches représente des freins pour la majorité des personnes que je rencontre. Première difficulté : avoir une adresse mail et savoir l’utiliser. Il faut pouvoir avoir un accès à internet et savoir utiliser un ordinateur ou smartphone. Pour joindre les pièces justificatives, il faut aussi savoir utiliser un scanner, convertir des fichiers (JPEG/PDF) et respecter la taille limite pour envoyer les documents (+-10Mo). Parfois les mails sont identifiés comme spams et ne sont pas lus. Enfin, il suffit de perdre l’accès à l’adresse mail pour tout devoir recommencer.
Idir, bénévole à Tourcoing : Les personnes que nous accompagnons ne sont pas familières avec les démarches en ligne, sans parler des cas où les personnes ne comprennent pas, ou pas assez, le français. Elles craignent de faire des erreurs, de ne pas être sur la bonne page internet ou de ne pas suivre la bonne démarche. Elles ont besoin de quelqu’un pour les accompagner, répondre à leurs questions et vérifier leurs dossiers.
Pascal, bénévole à Lens : Les personnes que nous accompagnons sont perdues, sans repères vis-à -vis de l’informatique. Les personnes en situation d’illectronisme sont les plus touchées, car sans aide, il est impossible pour elles d’accéder à leurs droits. Elles ne lisent pas toujours le français, et même lorsqu’elles comprennent la langue, elles font face à de nombreux obstacles. En cette période de confinement, beaucoup d’entre elles sont sans solution. Elles n’ont pas de scanner, pas de PC, et cette situation a été aggravée par l’interdiction de circuler pour des motifs sanitaires. Les personnes sont totalement dessaisies de leur dossier et deviennent des acteurs passifs, ne réagissant plus ou pas au bon moment.
Finalement, la fermeture des guichets fabrique des sans-papiers et maintient les personnes étrangères, qu’elles soient ou non en situation régulière, dans un état de précarité matérielle et de vulnérabilité psychologique.
Alexandra, bénévole à Lille : J’ai accompagné un homme qui avait obtenu un récépissé constatant la reconnaissance d’une protection internationale. Après plusieurs demandes de renouvellement en ligne, il n’avait toujours pas reçu son titre définitif ni un nouveau récépissé. Suite à l’expiration de son récépissé et à la non-présentation d’un nouveau, il a perdu l’opportunité de se voir renouveler son CDD et se trouvait dans une situation précaire. J’ai donc envoyé un mail à la Préfecture pour exposer sa situation et demander où en était son dossier. Je n’ai reçu qu’une réponse automatique et impersonnelle 3 semaines plus tard.
Auteur: Région Nord-Picardie
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Tribune dont La Cimade est signataire, publiée le 16 septembre 2024 dans Le Monde
Trois lundis par mois, une équipe composée de bénévoles et d’étudiant.e.s se rendent avec le ...
En partenariat avec le Conservatoire de Lille, Utopia 56 et les médiathèques de Lille et ...