Migrant’Scene DU 9 NOVEMBRE AU 12 DÉCEMBRE 2024 en IDF
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C’en est trop pour lui, sa colère monte. Il ne veut pas se satisfaire d’un supposé duplicata que l’administration du centre lui agite sous le nez pour qu’il se calme et accepte de rapidement repartir en Italie. La colère issue d’un tel déni de sa situation personnelle en France se mêle alors à une vive appréhension. Comment s’assurer en effet qu’il ne rencontrera pas sur place de problèmes avec les autorités italiennes, que ces dernières ne feront pas de difficultés et accepteront de lui remettre une nouvelle carte sans exiger de lui qu’il constitue un nouveau dossier à l’appui de sa demande ?
Ibrahim vit depuis de nombreuses années en Italie où il dispose de papiers lui permettant d’y résider de manière indéterminée. Il effectue régulièrement des allers-retours en France ; sa compagne et leur fils de deux ans vivent ici. Et Ibrahim travaille. Son patron, au courant de sa situation administrative sur le territoire, est prêt à le soutenir.
Ibrahim souhaite faire des démarches pour rester en France. Avec l’aide d’un avocat, il a contesté l’OQTF dont il a fait l’objet l’année dernière devant le tribunal administratif ; quand il est placé en rétention, Ibrahim nous parle immédiatement de ce dossier qui est toujours en attente devant le tribunal administratif de Melun. Mais l’avocat l’ayant aidé l’année dernière, injoignable, ne se présentera pas à l’audience. Son confrère relativisera toutefois le sérieux de sa situation en rappelant qu’au pire il repart en Italie, et que l’Italie, « c’est sympa ».
Ibrahim ne comprend pas ; il ne comprend pas l’acharnement de la préfecture à vouloir lui faire quitter le territoire ainsi et il ne comprend pas que personne ne comprenne sa colère. « C’est un coup monté » dénonce-t-il, « un coup KO ». Il rappelle qu’il n’a pas « commis de crime » ; venu en France d’Italie où il vivait jusqu’alors, il a rencontré sa compagne et un enfant est né de leur relation. Aujourd’hui, alors qu’il est installé depuis deux ans avec sa famille et qu’il travaille, l’administration souhaite le faire repartir en Italie sur-le-champ, sans même lui laisser le temps de récupérer son passeport, resté à son domicile, ni d’argent ou de vêtements. Sans même qu’il puisse prévenir quiconque de son retour en Italie, où il sera qui plus est renvoyé dans une ville où il n’a jamais mis les pieds et ne connaît personne. La préfecture ne semble pourtant pas s’émouvoir de se situation.
Peu de temps après son arrivée au centre, les policiers du centre lui annoncent de but en blanc que sa carte de séjour italienne a été égarée ; égarée oui, tout simplement, ils ne remettent plus la main dessus. Ils n’en sont pas responsables, ce serait plutôt les policiers ayant assuré son transfert du commissariat au centre qui l’auraient perdue. Ibrahim est décontenancé face aux procédés de l’administration. Malgré la perte de son document italien par les policiers et les conditions dans lesquelles la France veut le renvoyer de force en Italie, il n’est pas relâché pour autant mais est au contraire pressé de quitter les lieux.
C’en est trop pour lui, sa colère monte. Il ne veut pas se satisfaire d’un supposé duplicata que l’administration du centre lui agite sous le nez pour qu’il se calme et accepte de rapidement repartir en Italie. La colère issue d’un tel déni de sa situation personnelle en France se mêle alors à une vive appréhension. Comment s’assurer en effet qu’il ne rencontrera pas sur place de problèmes avec les autorités italiennes, que ces dernières ne feront pas de difficultés et accepteront de lui remettre une nouvelle carte sans exiger de lui qu’il constitue un nouveau dossier à l’appui de sa demande ? Sa vie est désormais en France, et il ne pourrait notamment pas justifier d’un lieu de résidence en Italie. Ibrahim a peur ; il sait combien l’obtention de ce document italien lui a été difficile. Il refuse de repartir à zéro.
Après avoir refusé une première fois son retour, Ibrahim acceptera finalement d’embarquer pour l’Italie. La suite de l’histoire, nous ne la connaissons pas. Toujours est-il que des situations similaires à la sienne, nous en sommes témoins tous les jours au CRA. Pas un jour ne se passe en effet sans que nous assistions à cette précarité longue durée à laquelle tant de personnes sont tenues. Vivoter entre deux pays, deux contextes, deux cultures, deux langues, deux machines administratives, dans l’espoir de pouvoir s’installer quelque part un jour, c’est bien là le lot quotidien de beaucoup d’entre elles, qui génère les stigmates de l’abattement, de l’incompréhension et de la colère auxquels nous assistons au centre.
Gabrielle Pocris, intervenante pour La Cimade au CRA du Mesnil-Amelot
Auteur: Service communication
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