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Alors que le Samu Social tire la sonnette d’alarme sur le manque criant de places en hébergement d’urgence, nous publions cet article du dernier numéro de Causes Communes qui fait le point sur la situation de milliers d’étrangers contraints de vivre à la rue, même lorsque l’État a l’obligation de les héberger.
Demandeurs d’asile, déboutés, sans-papiers, des milliers d’étrangers sont contraints de vivre à la rue, même lorsque l’État a l’obligation de les héberger.
Depuis le 1er avril, fin de la trêve hivernale, des milliers de demandeurs d’asile ont été expulsés des hébergements d’urgence et condamnés à dormir dehors. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants que l’État a pourtant obligation de protéger.
En France, selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, ils sont 100 000, à survivre sans logement. Ils sont français, étrangers sans-papiers, demandeurs d’asile. Leurs droits diffèrent selon leurs catégories, même si, pour tous, la situation est la même, des nuits dehors, des journées d’errance.
Dans ce dossier, nous nous pencherons plus spécifiquement sur la situation des demandeurs d’asile. Placés en « quarantaine sociale », ils n’ont pas droit au travail et donc aucune ressource. Dans la loi, cela ne pose pas de problème, ils doivent être hébergés par l’État. Mais quand les dispositifs d’accueil craquent, cette population particulièrement fragile peine à survivre dans la rue.
Lorsqu’un demandeur d’asile arrive en France, les démarches pour se voir accorder ou refuser le statut de réfugié durent de nombreux mois (dix-neuf mois en moyenne en 2010). Pendant ce temps, il est autorisé à séjourner en France, sans avoir le droit de travailler et doit donc être hébergé par l’État. L’idée des pouvoirs publics est d’empêcher une installation durable de ces étrangers. S’ils sont déboutés, moins ils auront construit d’attaches, plus facilement ils seront expulsés. Des places dans les centres d’accueil sont donc théoriquement proposées ; à défaut, les demandeurs se contentent d’une allocation de 300 €, l’ATA .
Aujourd’hui, seulement 25% des demandeurs d’asile sont hébergés dans ce dispositif. Pourtant le nombre de places dans les CADA, créés en 1991, a quadruplé en cinq ans, pour atteindre aujourd’hui le chiffre de 21 400 alors même que le nombre de demandeurs d’asile reste stable (36 000 demandes d’asile en 2010).
Pour de nombreux observateurs, les pouvoirs publics ont créé la pénurie. D’abord en obligeant les demandeurs d’asile à faire une demande en centre d’hébergement pour pouvoir toucher l’allocation. Le nombre de demandes a alors fortement augmenté. Jusqu’ici, nombreux étaient ceux qui touchaient l’ATA tout en étant hébergés chez des parents ou amis. D’autre part, la régionalisation de la procédure de demande d’asile a entraîné la concentration des demandeurs dans les villes où se trouvent les préfectures de régions.
Les délais d’admission ont aussi fortement augmenté, atteignant facilement 13 mois pour les familles, pourtant prioritaires.
30 000 demandeurs d’asile attendent donc aujourd’hui une place, principalement des personnes isolées, qui risquent donc de rester sans toit pendant toute leur demande d’asile. Parmi eux, 13 000 sont en hébergement d’urgence.
Enfin, s’il obtient une place, le demandeur ne peut y rester que pendant la durée de sa procédure d’asile. Quand il est reconnu réfugié, il peut obtenir un séjour supplémentaire de trois mois, renouvelable une fois. Mais s’il est débouté de sa demande, il doit – toujours théoriquement – quitter les lieux au bout d’un mois. S’il se maintient au-delà de cette période, il est considéré comme une « personne indue ». Et le gouvernement n’hésite pas à couper les financements des centres d’accueil qui refusent de mettre à la rue immédiatement des déboutés.
Mais quitter le CADA pour aller où ? Étant donné la crise du logement dans plusieurs régions françaises, il devra se tourner vers un hébergement d’urgence : en appelant le 115 chaque jour pour obtenir une place pour la nuit ou bien en hôtel, en changeant parfois jusqu’à huit fois dans le mois !
En matière de logement, tout le monde – demandeur d’asile, réfugié, débouté ou sans-papiers – se retrouve alors « logé » à la même enseigne : chercher des solutions de fortune, parfois chaque jour. Même si pour les étrangers sans-papiers, la situation s’avère souvent plus difficile. Malgré l’obligation d’accueil inconditionnel, certains centres d’hébergement d’urgence refusent d’accueillir des étrangers en situation irrégulière, souvent sous la pression policière ou préfectorale.
Les pouvoirs publics ne veulent pas encourager ces migrants à s’installer durablement en France. Un toit, oui. Mais provisoire. En somme, un hébergement, pas un logement. Les immigrés restent la proie des « marchands de sommeil » et constatent la ségrégation qui sévit discrètement dans les attributions de logements sociaux.
Face à ces pénuries récurrentes, la tentation est forte d’opposer des situations pour mettre en concurrence des groupes : les demandeurs d’asile, parce que le logement constitue un élément intangible de leurs droits, reconnus par le Conseil d’État, seraient ainsi juridiquement « privilégiés » par rapport aux autres étrangers ou même aux Français. Pourtant, c’est un manque général de moyens qui empêche de résoudre toutes les cas, quels qu’ils soient.
Face à cette crise du logement et de l’hébergement, la mobilisation est diverse. Règle générale : accueil et soutien pour trouver un hébergement d’urgence. De plus, pour mieux dénoncer des situations d’injustice et crever les abcès, des associations tel le DAL s’engagent dans des actions plus musclées. Moins médiatiques, des actions juridiques sont aussi menées. La Cimade a ainsi multiplié les recours en justice ces derniers temps « De quoi nourrir un contentieux conçu pour faire jurisprudence, explique Gérard Sadik, responsable de la commission Asile. Les conseillers d’État découvrent des situations concrètes, en examinant la situation de pauvres hères, sous les lambris du Palais Royal ! » Mais si les préfets sont condamnés, ils préfèrent payer des amendes plutôt que de loger les demandeurs… Reste donc l’engagement individuel ou collectif : occupations, pétitions, manifestations. De quoi maintenir la pression sur les pouvoirs publics et alimenter le cahier de propositions.
Les associations se retrouvent souvent ensemble sur le terrain, au-delà de leur histoire et de leur style d’engagement. Plus que jamais, l’hébergement des populations précaires socialement, relève de l’urgence. Et justifie un même mot d’ordre : « Français-étrangers, même combat« .
Dominique Chivot, pour Causes communes
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Auteur: Service communication
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