PAU : LA CIMADE ET SES PARTENAIRES DENONCENT LES CONDITIONS D’ACCUEIL INDIGNES DES PERSONNES EN DEMANDE D’ASILE
LES PRAHDA (programmes régionaux d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile) font partie ...
Orientations directives L’article 2 de l’arrêté du 13 mai 2022 a fixé la part de chaque région où les personnes demandant asile sont tenues de résider. La clé de répartition a ains fixé la part de l’Ile de France à 23% alors qu’elle réprésente 43 à 46% des enregistrements en […]
L’article 2 de l’arrêté du 13 mai 2022 a fixé la part de chaque région où les personnes demandant asile sont tenues de résider. La clé de répartition a ains fixé la part de l’Ile de France à 23% alors qu’elle réprésente 43 à 46% des enregistrements en 2021-2023, ce qui conduit à des orientations principalement à partir de cette région.
En pratique, après les services des préfets qui enregistrent et délivrent une attestation selon la procédure appliquée (normale, accélérée, Dublin), la personne est reçue par l’OFII qui doit faire une proposition d’offre des conditions matérielles d’accueil qui se traduit, en Ile-de-France, pour la moitié d’entre elles par une proposition d’orientation dans un CAES situé dans l’une des dix régions concernés (les Hauts-de-France et la Corse sont exemptées). Les personnes qui acceptent cette offre se voient remettre par l’OFII, une convocation dans un centre d’accueil et un billet de train et doivent s’y rendre dans le délai de cinq jours.
Les personnes qui n’acceptent pas cette offre font l’objet immédiatement d’un refus total des conditions matérielles d’accueil qu’elles peuvent contester par un recours urgent devant les juridictions administratives dans le délai de sept jours.
La méthode du ministre de l’intérieur et de l’OFII a été de progressivement monter en puissance passant de 1 000 personnes orientées d’Ile de France vers d’autres régions en janvier-mars 2021 à 2 100 à compter de novembre 2023. Au final, même si l’on ne dispose que de statistiques partielles pour 2023 , en trois ans, plus de 50 000 personnes ont ainsi été orientées.
Pour ce faire, l’OFII a mis en place un traitement algorithmique aléatoire! Dans un courrier du 31 janvier 2024, l’OFII a indiqué à la Cimade que cet algorithme était mis en oeuvre lorsque la personne manifeste un besoin en matière d’accueil, n’est pas un cas susceptible d’exemption et tient compte des éléments suivants : la liste des centres d’hébergement disponibles (CAES), avec pour chacun de ces centres : le nombre de places dédiées à l’orientation régionale disponibles ; un indicateur pôle régional Dublin (PRD) permettant d’identifier les centres dédiés aux personnes en procédure Dublin ; les régions dans lesquelles les demandeurs sont enregistrés en GUDA ; les familles enregistrées en GUDA, avec pour chaque famille :le nombre de personnes composant cette famille ;le type de procédure de chaque membre de la famille : »
La description ainsi faite surprend pour plusieurs raisons : l’affirmation que l’algorithme n’est mis en oeuvre que pour les personnes présentant un besoin d’hébergement est contredite par des cas de personnes n’ayant pas exprimé ce besoin mais tout de même orientées. La clé de répartition de l’arrêté n’est pas prise en compte alors qu’elle devrait être le critère prédominant. Enfin, la procédure appliquée n’a pas d’incidence sur les conditions matérielles d’accueil, si ce n’est pour les Dublinés qui ne peuvent entrer plus tard dans un CADA. Les caractéristiques de la demande ne sont prises en compte que par la composition familiale du ménage, sans les besoins spécifiques de personnes vulnérables qui sont pourtant l’apanage de l’OFII.
Est-ce la raison pour laquelle, le nombre de refus de la proposition est à un niveau anormalement élevé? Selon les statistiques disponibles, en 2022, 29 244 personnes se sont vues proposer une orientation, 19 378 l’ont accepté et 16 518 se sont présentées aux CAES soit 29% des enregistrements. 11 452 personnes ont soit refusé d’emblée l’offre (8 592) , soit ne se sont pas rendues dans la région désignée (2 860) soit 18,1% des enregistrements dans la région. En 2023, les chiffres sont similaires.
Le fait qu’autant de personnes refusent une offre devrait interloquer le ministère. Des données publiées dans un rapport d’évaluation parlementaire ont montré que la part des refus était très importante pour des nationalités comme le Bangladesh, le Pakistan, la Turquie ou encore le Sri-Lanka. Ce sont des nationalités assez structurées avec une implantation ancienne en Ile-de-France et qui ne sollicitent guère un hébergement dans le DNA, avant son caractère obligatoire. Il y a sans doute un déficit d’information puisque c’est seulement après la suggestion faite par les rapporteurs spéciaux, Stella Dupont et Mathieu Lefèvre. dans le rapport sur l’orientation directive de mai 2023 que l’OFII a indiqué avoir mis en place des plaquettes d’information traduites dans les principales langues de ces demandeurs d’asile alors qu’elles existent depuis 2020 pour l’anglais, l’arabe, le dari, le Pashto ou le russe .
La loi permet -et oblige depuis janvier- l’OFII à refuser ou interrompre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil aux personnes qui refusent l’offre d’orientation ou qui ne se rendent pas dans les CAES. Résultat, en trois ans, près de 36 000 personnes soit 19,28% des demandes enregistrées et 40% de celles qui se sont vues proposer une orientation, qui n’ont plus les conditions matérielles d’accueil et restent dans la région, prises en charges par les SPADA. A ces refus ou cessations des conditions matérielles d’accueil liés à ce mécanisme, il faut ajouter les personnes qui se voient refuser d’emblée les conditions matérielles d’accueil parce que leur demande est considéré comme tardive ou une demande de réexamen, ou pour qui l’OFII fait une cessation principalement en raison d’une fuite Dublin. Ces nombres sont inconnus car l’OFII dément éhontément pouvoir les produire mais les connaitre permettrait de dresser le vrai bilan de trois ans d’orientation directive.
Le mécanisme de l’orientation directive a semblé être un tel succès que le gouvernement a décidé de l’utiliser, sans cadre légal, pour d’autres publics. En janvier 2023, par un mail commun du DGEF et du DIHAL aux préfets de dix régions, il a été demandé d’ouvrir en urgence 500 places de sas d’accueil temporaire qui selon les appels à projets étaient des structures hybrides de CAES et de CHU. Le but est d’y orienter des personnes vivant à la rue en Ile de France, dont les capacités d’hébergement d’urgence en hôtel avaient diminué, ou encore des personnes devant quitter les lieux d’hébergement asile, pendant trois semaines (au lieu d’un mois pour les CAES). Une instruction non publiée du 13 mars 2023 a précisé les modalités d’entrée et d’examen de situation administrative, pratiquée directement dans les lieux : pour les demandeurs d’asile, orientation vers le DNA, sauf si l’OFII a déjà refusé ou retiré les conditions matérielles d’accueil (dans ce cas, il y aurait une orientation vers un hébergement d’urgence). Les personnes qui ne demandent pas asile sont invitées à demander s un titre de séjour avec un examen à 360° dans les structures elles-mêmes puis orientation vers un hébergement généraliste, le temps de l’examen de la demande de titre de séjour . En cas de refus de titre, il y a prise d’une obligation de quitter le territoire et orientation vers les DPAR.
Si les ministères restent discrets sur le dispositif, c’est que sur 6 500 invitations à se rendre dans ces lieux, 2 572 personnes ont refusé d’emblée ou ne se sont pas présentées au bus les y emmenant. Parmi les 3 928 personnes admisses, 2 200 personnes étaient des demandeurs d’asile, 1 021 des BPI, 511 étaient en situation irrégulière et 196 étaient dans une autre situation (régulière?).
42% des orientations ont été faites vers le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et 43% dans le dispositif d’hébergement d’urgence et 15% sont sorties avant le terme. Parmi les hébergées dans le dispositif généraliste , 36% sont toujours dans les dispositif, 30% n’étaient plus pris en charge, 16% l’avaient quitté, 13% avaient été orientées dans un lieu d’hébergement de stabilisation.
Les données des structures de premier accueil des demandeurs d’asile, financées par une commande publique de l’OFII, peuvent donner un début de réponse. Avec une certaine réticence, l’OFII les a transmises à la Cimade et leur exploitation dresse un portrait de l’accueil des demandeurs d’asile assez éloigné du discours officiel.
Le cahier des charges de ces structures leur donne plusieurs missions : la première est le « préenregistrement » ou présentation des demandes d’asile, la seconde après l’enregistrement est de domicilier les personnes orientées vers elles par l’OFII tant que leur demande est en cours et de les accompagner, en particulier en les aidant pour le complément du formulaire OFPRA.
Selon les données, en 2023, 169 396 personnes ont présenté une demande auprès d’elles soit un peu plus que celles finalement enregistrées dans les GUDA (167 432 dont 10 964 en outre mer) dont près de 79 000 en Ile de France alors que l’OFII a donné rendez vous à 90 000 personnes via sa plateforme téléphonique. Après l’enregistrement, 107 048 personnes ont été orientées vers elle pour y être domiciliées dont 37 346 en Ile de France. On en déduit que 49 420 personnes ont été orientées directement vers un hébergement ou disposaient déjà d’une adresse stable.
La donnée la plus intéressante et la plus troublante est le nombre de domiciliées à la fin de l’année 2023 : 162 196 personnes seraient domiciliées dans l’ensemble des SPADA métropolitaines dont 90 133 pour la seule Ile-de-France! C’est 16 000 de plus que le nombre publié par Eurostat pour l’ensemble des demandes pendantes et c’est sans compter les 61 204 demandeurs d’asile hébergés dans le dispositif. Il y aurait donc non pas 146 255 demandes en cours mais près de 230 000 dont 98 000 en Ile-de-France ! Qui sont ces 83 000 personnes supplémentaires passées sous le radar statistique? Vraisemblablement des personnes bénéficiaires de la protection internationale, déboutées ou encore Dublinées « égarées », considérées en fuite, parfois depuis plusieurs années et qui n’ont jamais pu ou voulu accéder à l’OFPRA (malgré l’extinction de la procédure au bout de dix-huit mois à deux ans) mais qui restent domiciliées dans les structures de premier accueil (qui pourtant ont pour consigne de les compter à part).
La cartographie de la demande d’asile en est bouleversée : au lieu de 30% des demandeurs d’asile résidant en Ile-de-France, chiffre indiqué par le ministère de l’intérieur, la région en accueillerait 43% dont les trois-quarts seraient sans conditions matérielles d’accueil, les personnes hébergées n’étant au mieux que 12% du total.
Paradoxalement, la pratique dure de l’OFII de couper les conditions matérielles d’accueil dès que les motifs prévus par la loi (et encore d’autres comme la dissimulation d’une protection dans un autre Etat-membre), conduit donc à rendre inatteignables les objectifs du schéma qui sont de répartir dans l’ensemble des régions les demandeurs d’asile et conduit à un mouvement centripète vers l’Ile-de-France.
Un autre effet centripète du schéma est réduire les admissions locales de demandeurs d’asile, en particulier ceux qui ont été orientées vers les SPADA dans certaines régions. Résultat : le demandeur d’asile qui souhaite être hébergé doit se rendre en Ile-de-France pour espérer gagner à la loterie algorithmique une place d’hébergement et des demandeurs d’asile sont laissés à l’abandon dans des campements de fortune dans la région de Caen et de Ouistreham car les places sont mobilisées pour les orientations directives.
La clé de répartition du précédent schéma est la moyenne centrée réduite de la part de chaque région dans la population minorée des personnes bénéficiant du revenu de solidarité active, du produit intérieur brut et des capacités d’accueil du dispositif. Il a été évoqué l’hypothèse d’y insérer la part des logements sociaux disponibles.
Ces critères vont sans doute confirmer la répartition actuelle, voire diminuer encore la part de la région Ile-de-France, rendant plus difficile des orientations de régions vers d’autres régions alors que la part des personnes non hébergées y a augmenté. Sans remettre en cause, le nombre d’orientations par mois, il peut être nécessaire de modifier la clé de répartition, prévue par le schéma pour permettre des orientations de régions à régions et remplacer l’orientation directive par une orientation incitative. La situation en outremer où le nombre de demandes a fortement augmenté et où les tensions xénophobes sont particulièrement aiguës, devrait également conduire à intégrer ces départements dans ce mécanisme qui doit être celui de la solidarité et non un dispositif punitif.
Le ministère n’a pas pris de nouvel arrêté depuis l’échéance du 18 mai 2024. Depuis six mois, le dispositif continue de fonctionner sans fondement juridique car la nouvelle donne budgétaire pourrait conduire à la supression de 20 000 places d’hébergement.
Auteur: Responsable national Asile
LES PRAHDA (programmes régionaux d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile) font partie ...
Depuis le début de l’année 2024, les tentatives d’expulsion de personnes originaires de pays ...
Communiqué du réseau euro-africain Migreurop dont La Cimade est membre, à l'occasion du 20ème ...
Mercredi 30 octobre, la coordination Bouge ta Pref 38 a organisé une conférence de presse pour ...