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L’errance d’une famille tchétchène en Europe, accueillie en Vendée puis finalement chassée violemment de France en moins de 48h.
L’errance d’une famille en Europe…
Monsieur et Madame Dzhanaraliev sont tchétchènes. En 2006, suite à des menaces contre le père de famille, ils ont fui leur pays avec leurs six enfants alors âgés de 1 à 13 ans. Depuis, deux autres enfants sont nés, en 2007 et 2009. Ils séjournent d’abord en Pologne pendant 2 ans où ils demandent l’asile, en vain. Dans ce pays, ils continuent de subir des mauvais traitements du fait de leur origine. Madame Dzhanaraliev décide alors de reprendre la route de l’exil seule avec les enfants et tente de trouver refuge au Danemark. Elle s’y établit avec ses enfants quelques mois et demande là encore la protection des autorités. Comme il fallait s’y attendre au regard de la réglementation européenne en la matière, en application du règlement dit Dublin II, en mars 2010 le Danemark demande leur retour en Pologne, premier pays d’Europe où la famille a introduit sa demande d’asile.
Mais de retour en Pologne, ils sont de nouveau victimes de maltraitances. Madame Dzhanaraliev décide donc pour pour protéger ses huit enfants de retourner dans leur pays d’origine, puisqu’ils ne peuvent trouver refuge en Pologne. Pas plus qu’ailleurs en Europe, aucun pays n’acceptant de réétudier leur demande d’asile. Elle reprend donc la route vers la Tchétchénie, toujours sans son mari. Elle y arrive en mars 2010 et va y rester jusqu’en octobre 2010. Le premier mois, ils retrouvent des conditions de vie supportables mais très rapidement ils sont de nouveau menacés. Deux des enfants aînés subissent ainsi une violente séquestration.
En octobre 2010, la famille reprend alors la route et regagne le Danemark où on leur refuse encore une fois l’asile. La famille tente ensuite de se réfugier en Suède où réside le frère de Madame Dzhanaraliev. Monsieur Dzhnaraliev les y rejoint. Mais là aussi, les autorités leur intiment de retourner en Pologne où ils ont déposé leur première demande d’asile. Toute la famille fuit finalement en France et arrive à Strasbourg en mars 2011.
…accueillie en Vendée puis chassée de France en 48h
À Strasbourg encore une fois on leur refuse l’asile. Pourtant, ayant quitté le territoire de l’espace Schengen pendant plus de 3 mois, la famille a la possibilité de voir son dossier traité par les autorités françaises. En juin, ils décident de rejoindre la Vendée où ils sont rapidement accueillis et intégrés au sein d’un large réseau local. Hébergés dans un local de la mairie dans la cour de la mosquée de la Roche-sur-Yon 6 des 8 enfants sont scolarisés dans des établissements scolaires locaux. L’ensemble de la famille retrouve un semblant de vie sociale normale, notamment les enfants qui peuvent enfin se stabiliser parmi les camarades qu’ils se font rapidement à l’école.
Mais tout bascule brutalement le 27 septembre dernier, lorsque la rue où ils vivent, celle de la mosquée, est bouclée au petit matin par des dizaines de gardes mobiles qui viennent les arrêter, pour les renvoyer en Pologne. L’administration française refuse en effet de s’estimer compétente pour examiner la demande de la famille, car elle considère qu’elle n’a pas quitté l’espace Schengen durant plus de 3 mois. Ce, en dépit des cinq documents que le couple fournit à l’appui de leur dossier, établissant qu’ils ont vécu plusieurs mois en Tchétchénie entre mars et octobre 2010, parmi lesquels des factures d’électricité, des ordonnances médicales et une convocation au tribunal ayant provoqué la reprise de leur exil. Des recours sont introduits, mais les juridictions françaises suivent l’interprétation préfectorale et rejettent leur demande. Des manifestations et une large mobilisation sont organisées entre La Roche-Sur-Yon et St Jacques de la Lande. Rien n’y fait.
En moins de 48h, les huit enfants sont littéralement arrachés à la vie qu’ils ont construite. Ils sont réveillés par l’arrestation de leurs parents, dans leur maison, pour être ensuite emmenés vers le centre de rétention administrative de Rennes St Jacques de la Lande, où ils vont être enfermés pendant deux jours. Puis, à nouveau au petit matin, les policiers emmènent de force l’ensemble de la famille vers l’aéroport de St Jacques le la Lande où les autorités françaises ont affrété un vol spécial pour les renvoyer en Pologne via le Bourget.
La démesure des moyens mobilisés par les pouvoirs publics français pour expulser cette famille ordinaire, au mépris des traumatismes causés aux enfants, et ce malgré les engagements internationaux auxquels la France a souscrit* ne peuvent susciter qu’indignation et colère. L’ensemble de la famille se trouve aujourd’hui en Pologne, de nouveau en errance, livrée à elle-même dans des conditions d’une extrême précarité, elle ne bénéficie d’aucune prise en charge sur place. Elle dort pour le moment dans des halls de gare.
Vue la manière extrêmement violente dont les autorités françaises ont agi à l’égard de la famille Dzhanaraliev, on est en droit de douter de la prise en compte de l’intérieur supérieur des huit enfants par l’administration et la justice françaises. Ce, alors qu’elles en avaient pourtant l’obligation.
*L’article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l’enfant dispose que « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
Auteur: Service communication